Open Access
Numéro
OCL
Volume 18, Numéro 1, Janvier-Février 2011
Dossier : Lipides et inflammation
Page(s) 21 - 26
Section Nutrition – Santé
DOI https://doi.org/10.1051/ocl.2011.0363
Publié en ligne 15 janvier 2011

© John Libbey Eurotext 2011

L’obésité est actuellement un problème majeur de santé publique. En France, la dernière étude épidémiologique Obépi, dont les résultats ont été publiés en 2009 montre que près de 50 % de la population est en surpoids ou obèse. 14,5 % de la population a un index de masse corporel supérieur à 30. Aux États-Unis, ces chiffres sont encore plus inquiétants, puisque dans certains États 20 à 30 % de la population a un IMC supérieur à 30.

Les pathologies associées à l’obésité sont multiples, on retrouve des pathologies bien connues associées au syndrome métabolique (insulino-résistance, hypertension artérielle, perturbations du bilan lipidique, maladies cardiovasculaires) et des complications mécaniques. On observe actuellement des pathologies émergentes associées à cette surcharge pondérale : dérégulations du système immunitaire, augmentation de l’incidence de nombreux cancers et des complications hépatiques.

L’obésité est actuellement la première cause de maladie hépatique dans les pays occidentaux. Les lésions hépatiques observées au cours de l’obésité s’étendent de la stéatose isolée, réversible et bénigne à l’inflammation hépatique ou stéatohépatite (NASH) puis à la fibrose, la cirrhose et au carcinome hépatocellulaire (CHC) (Kleiner et al., 2005) (figure 1). La stéatose se caractérise par une accumulation de gouttelettes lipidiques dans le cytoplasme des hépatocytes. L’évolution vers la stéatohépatite est caracterisée par l’apparition d’infiltrats inflammatoires composés de polymorphonucléaires et de cellules mononuclées qui sont principalement des lymphocytes. La fibrose va apparaître au cours du temps suite à l’inflammation chronique est représentée le tissu cicatriciel. Le stade ultime de la fibrose est une cirrhose sur laquelle peut se développer un carcinome hépatocellulaire. Cependant, une étude a récemment montré que le CHC pouvait se développer bien avant le stade de la cirrhose (Paradis et al., 2009).

thumbnail Figure 1.

De la stéatose à la NASH. Les lésions hépatiques observées au cours de l’obésité s’étendent de la stéatose isolée à la stéatohépatite (NASH) puis à la fibrose, la cirrhose et au cancer du foie. La stéatose est caractérisée par une accumulation de gouttelettes lipidiques dans le cytoplasme des hépatocytes et la stéatohépatite par l’apparition d’infiltrats inflammatoires. La fibrose représente le tissu cicatriciel. Les dérégulations métaboliques qui mènent à l’accumulation de lipides au niveau des hépatocytes vont toucher toutes les étapes du métabolisme lipidique : une captation excessive des acides gras libres produits par la lipolyse au niveau du tissu adipeux, une accumulation de triglycérides, une augmentation de la lipogenèse hépatique, une diminution de la ß-oxydation et une diminution de la sécrétion des VLDL. La transition vers la NASH s’accompagne de l’activation de cellules immunitaires présentent dans le foie qui vont produire des cytokines et des chimiokines

Les dérégulations métaboliques qui mènent à l’accumulation de lipides au niveau des hépatocytes vont toucher toutes les étapes du métabolisme lipidique qui sont très brièvement : une captation excessive des acides gras libres produits par la lipolyse au niveau du tissu adipeux, une accumulation de triglycérides, une augmentation de la lipogenèse hépatique concomitante à une diminution de la ß-oxydation et une diminution de la sécrétion des VLDL. On estime que 20 % des personnes ayant une stéatose vont développer une NASH. Les facteurs déclenchant l’apparition d’une inflammation sur un foie stéatosique sont encore largement discutés. Si ces facteurs sont mal identifiés, il est maintenant reconnu que le stress oxydant et le microbiote intestinal, en particulier via les endotoxines bactériennes, jouent un rôle majeur dans cette étape. Cependant, le recrutement et l’activation des cellules immunitaires dans le foie est une étape clé dans la progression de la stéatose pure à l’inflammation et donc à des formes plus avancées de la maladie hépatique. La transition vers la NASH s’accompagne de l’activation de cellules immunitaires présentent dans le foie qui vont produire des cytokines et des chimiokines (Perlemuter et al., 2007).

Immunité du foie et inflammation

L’activation de l’immunité innée est un facteur clé dans le déclenchement de l’inflammation, les cellules de Kupffer (macrophages résidents du foie) constituant la première ligne de défense au niveau hépatique. Cette inflammation va engendrer l’activation de la voie de signalisation intracellulaire NFkB. La voie NFkB, via une cascade de phosphorylations et déphosphorylations protéiques, va orchestrer la synthèse de cytokines et des chimiokines pro-inflammatoires impliquées dans le recrutement et l’activation de cellules inflammatoires par le foie. L’activation de cette voie NFkB permet donc de corréler un phenotype à un profil pro-inflammatoire (Ghosh and Hayden, 2008).

Une immunité efficace est le reflet d’un équilibre entre la réponse immune et la tolérance immunitaire. La réponse immune va permettre l’élimination de tout pathogène en déclenchant une réponse innée mettant en jeu des mécanismes non spécifiques et si nécessaire une réponse adaptative hautement spécifique d’un pathogène. La tolérance immunitaire permet d’éviter le déclenchement d’une réponse immune anarchique à des motifs du soi ou à la flore commensale dont fait partie le microbiote intestinal présenté dans la conférence du Pr. P. Cani. Cette balance immunitaire, lorsqu’elle est perturbée va engendrer des pathologies spécifiques. Lorsque la tolérance est augmentée, on va observer une persistance des pathogènes, avec tous les dégâts cellulaires qu’ils peuvent engendrer ou le développement de tumeurs, parce que les cellules du soi modifiées ne seront plus éliminées. Inversement, lorsque la tolérance est diminuée, on va observer le développement de maladies auto-immunes ou des mécanismes d’inflammation chronique, dues à une réactivité immunitaire anormalement élevée.

Le foie est un organe particulier d’un point de vue de cette balance immune. Les trois quarts du sang qui irriguent le foie proviennent de l’intestin et de la rate via la veine porte. De ce fait, il est continuellement exposé aux antigènes alimentaires, à ceux provenant du microbiote intestinale, ainsi qu’à d’éventuels micro-organismes pathogènes. Le foie doit donc être capable de maintenir un état de tolérance immunitaire envers les antigènes intestinaux tout en étant capable de générer une réponse efficace contre les agresseurs pathogènes. De plus, le foie est également le cimetière d’un grand nombre de cellules apoptotiques et nécrotiques de l’organisme, y compris celles du système immunitaire. Afin d’assurer cette fonction, le foie est doté d’une répartition spécifique en cellules de l’immunité. Le foie est en effet un organe riche en cellules de l’immunité innée dont le rôle va être d’éviter le déclenchement de toute réaction immunitaire malgré la présence de taux d’antigènes que n’importe quel autre organe ne tolérerait pas, ce qui fait du foie un organe naturellement tolérigène (Crispe, 2003; Crispe, 2009). Environ 50 % des cellules non hépatocytaires sont des cellules de l’immunité (figure 2). On observe une proportion de cellules impliquées dans l’immunité innée telles que les macrophages et les cellules NK élevée. Les cellules NK représentent jusqu’à 30 % du pool lymphocytaire et 20 % des cellules non hépatocytaires sont des macrophages ou cellules de Kupffer, ce qui fait du foie l’organe le plus riche en macrophages. Les macrophages matures et donc résidents d’un tissu acquièrent des fonctions et des récepteurs spécifiques au cours de leur différenciation. Les cellules de Kupffer phagocytent les cellules parenchymateuses du foie en cours d’apoptose et exercent une fonction de clairance des composants bactériens. Les macrophages peuvent s’orienter vers un phénotype pro-inflammatoire (M1) ou anti-inflammatoire (M2) qui va permettre de moduler la réponse immunitaire. Un phénotype M1 entraînant la sécrétion de cytokines/chimiokines pro-inflammatoires. Une partie du pouvoir tolérigène du foie est du au fait que les cellules de Kupffer ont un phénotype tolérant.

thumbnail Figure 2.

Distribution des populations cellulaires dans le foie humain. Environ 50 % des cellules non hépatocytaires sont des cellules de l’immunité. On observe une proportion de cellules impliquées dans l’immunité innée élevée : 20 % des cellules non hépatocytaires sont des macrophages (cellules de Kupffer) et les cellules NK représentent jusqu’à 30 % du pool lymphocytaire. Les lymphocytes NKT, immuno-régulateurs peuvent créer soit un environnement tolérogène soit participer à l’immunité contre les pathogènes et représentent 26 % des lymphocytes hépatiques, contrairement au sang où ils ne représentent que 2 %. Le foie contient, comme tous les organes, des lymphocytes B, des lymphocytes αβ-T CD4+ et CD8+ mais ces populations représentent un pourcentage 2 fois moins grand que dans le sang. Les lymphocytes γδ-T qui présentent des caractéristiques de cellules de l’immunité innée et adaptative sont à l’inverse 2 à 3 fois plus nombreux.

Les cellules NKT représentent 26 % des lymphocytes hépatiques, contrairement au sang où elles ne représentent que 2 %. Ces cellules ont une capacité de réponse rapide et ont la faculté de sécréter simultanément des cytokines de type Th1, comme l’IFN-γ, et Th2, comme l’IL-4, l’IL-13 et l’IL-10, et ainsi d’orienter la réponse immune. En fonction de l’environnement, les lymphocytes NKT immuno-régulateurs peuvent créer soit un environnement tolérogène via la forte production d’IL-10, soit participer à l’immunité contre les pathogènes, tels que les bactéries, les virus et les parasites, en sécrétant de l’IFN-γ.

Le foie contient comme tous les organes, des lymphocytes B, des lymphocytes αβ-T CD4+ et CD8+ qui vont être classiquement impliqués dans la réponse immunitaire adaptative. Là encore, on retrouve des différences de proportions puisque le ratio CD4+/CD8+ est l’inverse de celui du sang périphérique. Les lymphocytes γδ-T qui présentent à la fois des caractéristiques de cellules de l’immunité innée et adaptative expriment un récepteur de reconnaissance des antigènes de moins grande diversité. Dans le foie, on observe que cette population (8 %) est plus représentée que dans le sang (2 %). On observe également des lymphocytes T régulateurs (Treg) qui sont des lymphocytes suppresseurs de la réponse immune adaptative.

L’apparition d’une inflammation chronique dans le foie peut donc être vue comme une rupture de la tolérance hépatique. Le fait que la stéatose soit un prérequis à l’évolution de la NASH suggère un rôle des lipides dans la rupture de cette tolérance. Il s’agit donc de faire le point sur les perturbations immunitaires et les anomalies des lymphocytes intrahépatiques qui vont être observées sur un foie stéatosique ou dans la NASH et qui pourraient jouer un rôle dans la rupture de la tolérance immune exercée par le foie.

Les dérégulations lymphocytaires dans la NASH

Les lymphocytes NKT

La première anomalie lymphocytaire décrite dans la NASH a été faite par le laboratoire d’A-M. Diehl en 2000 (Guebre-Xabier et al., 2000). Ce groupe a montré que la stéatose hépatique était associée à une diminution du pourcentage de lymphocytes NKT. Alors que l’on observe un pourcentage de 21 % de NKT chez la souris témoin, celui-ci est de 4 % chez la souris obèse ob/ob. Les études ont montré que cette baisse de lymphocytes NKT était due à une augmentation de leur apoptose. On observe par ailleurs un profil pro-inflammatoire des cellules NKT présentes (Li et al., 2005). Une étude récente a montré que, chez l’homme, la diminution du nombre de lymphocytes NKT est également corrélée avec le degré de stéatose (Kremer et al., 2010).

Pour tester le rôle potentiel de cellules immunitaires dans une pathologie, on peut chez la souris restaurer le nombre de ces cellules par un transfert adoptif. Ce transfert consiste à purifier des lymphocytes à partir d’une souris donneuse et à les injecter en intraveineuse chez une souris receveuse.

Pour tester le rôle potentiel des lymphocytes NKT dans la NASH, des transferts adoptifs de NKT ont donc été réalisés chez des souris receveuses obèses ob/ob. Les résultats sont spectaculaires puisque seulement 12 jours après le transfert on constate une diminution de la stéatose, une amélioration des transaminases hépatiques, reflet de l’atteinte hépatique, ainsi qu’une amélioration de la tolérance au glucose. La restauration du nombre de lymphocytes NKT permet donc de modérer la stéatose et la sensibilité au glucose dans des études à court terme (Elinav et al., 2006).

Il est également possible de restaurer un nombre de cellules NKT hépatique par des traitements chez la souris. Le traitement de souris obèses par des probiotiques, en l’occurrence un mélange bactérien, le VSL3, a permis de montrer plusieurs choses. Les probiotiques induisent chez ces souris traitées une prise de poids plus modérée, une amélioration de la tolérance au glucose et une diminution de la stéatose. Cette diminution de l’inflammation est associée à une diminution de la sécrétion des cytokines et chimiokines pro-inflammatoires et à une diminution de l’activation de la voie NFkB. Mais ce qui est particulièrement intéressant chez ces animaux, c’est la restauration d’un nombre de lymphocytes NKT proche de la normale. La population de NKT est de 27 % chez les souris témoins, chute à 10 % chez les souris obèses et est de 21 % chez les souris obèses traitées (Ma et al., 2008).

Les perturbations observées sur les cellules NKT pourraient directement être dues aux lipides stockées par le foie. En effet, les cellules NKT qui expriment un répertoire TCR restreint reconnaissent des antigènes de nature glycolipidique présentés par un sous-type de molécules du complexe majeur d’histocompatibilité le CD1d. Actuellement, les lipides endogènes identifiés comme capables d’activer les cellules NKT sont issus du métabolisme des céramides et proviennent principalement soit de la dégradation des glycosphingolipides membranaires soit des glycosphingolipides bactériens. La maturation et l’activation des lymphocytes NKT sont étroitement liées à l’expression du CD1d sur les cellules présentatrices d’antigène qui sont les cellules dendritiques et les macrophages. Cependant, dans le foie, le CD1d est également exprimé par les hépatocytes qui peuvent donc potentiellement présenter l’antigène aux NKT (Geissmann et al., 2005). Or, il a été montré que dans les hépatocytes d’obèses, le CD1d était moins exprimé à cause d’un stress du reticulum endoplasmique et que le simple fait de stocker des lipides dans un hépatocytes participe à un défaut des lymphocytes NKT (Yang et al., 2007).

Les lymphocytes T régulateurs (Treg)

Les lymphocytes Treg sont des lymphocytes suppresseurs de la réponse immune. Chez l’obèse, le nombre de Treg dans le foie stéatosique est diminué. Ces lymphocytes qui représentent 5 % des lymphocytes CD4+ dans un foie de souris contrôle ne représentent plus que 2 % dans un foie de souris obèse. Même si cette baisse peut paraître faible, ces cellules sont des suppresseurs puissants de la réponse immune et une telle diminution est associée à de réelles dysfonctions de l’immunité. Si on réalise un transfert adoptif de Treg chez des souris obèses, on observe une normalisation des transaminases, témoin d’une amélioration de la fonction hépatique. De même que pour les lymphocytes NKT, cette diminution du nombre de Treg est due à une augmentation de leur apoptose. Le traitement de souris obèses avec des anti-oxydants montre que l’on peut restaurer le nombre de Treg chez ces souris obèses et reverser les anomalies hépatiques (Ma et al., 2007).

La stéatose est donc associée à des perturbations des populations lymphocytaires intrahépatique. Cependant, au cours de la réponse inflammatoire activée en réponse à un agent pathogène, les cellules circulantes reçoivent un signal pour migrer sur le site de l’inflammation et cette migration est gouvernée par l’action de chimiokines et de leurs récepteurs. Toute anomalie de migration peut donc générer des réponses immunes inadaptées.

Le recrutement lymphocytaire

Afin d’étudier les éventuelles perturbations des migrations de lymphocytes au cours de la stéatose, des transferts adoptifs de lymphocytes ont été réalisés. Des lymphocytes provenant de souris obèses marqués par un fluorochrome et des lymphocytes de souris témoins marqués par un autre fluorochrome ont été transférés à une souris receveuse contrôle. On analyse ensuite les lymphocytes ayant migré vers le foie. Dans ces conditions, il a été observé que les lymphocytes T CD4+ et T CD8+ mais également les lymphocytes B des souris obèses ont une capacité accrue à migrer vers le foie. On a donc un défaut immunitaire directement lié aux lymphocytes lorsqu’ils proviennent d’une souris obèse. La capacité du foie stéatosique à recruter des lymphocytes a également été testée. Des lymphocytes de souris témoins sont transférés soit à une souris contrôle soit à une souris obèse. Dans ces conditions, on observe que quels que soient les lymphocytes, le foie stéatosique induit un recrutement augmenté des lymphocytes par rapport à un foie de souris contrôle (Bigorgne et al., 2008). Le foie stéatosique va donc engendrer un recrutement augmenté de lymphocytes participant à l’infiltrat inflammatoire dans la NASH.

Les cellules de Kupffer

On a vu que les différentes classes de lymphocytes sont derégulées. Les lipides semblent bien interférer sur ces régulations au moins via les hépatocytes pour les lymphocytes NKT. Le foie stéatosique induit un recrutement augmenté des lymphocytes vers le foie. Les cellules de Kupffer très nombreuses dans le foie vont être les cellules majoritairement impliquées dans la réponse précoce de l’inflammation. On a vu précedemment que les cellules de Kupffer participaient à la tolérance hépatique. Des anomalies de la phagocytose des cellules de Kupffer avait déjà été identifié chez les souris obèses ob/ob (Lee et al., 1999). Cette déficience des cellules de Kupffer pourrait conduire à une clairance imparfaite des composants bactériens de la circulation hépatique et participer à la baisse de la tolérance hépatique.

Les macrophages sont des cellules dont le besoin en lipides membranaires est essentiel afin d’assurer la phagocytose et générer les lysosomes indispensables à l’élimination des pathogènes. Les macrophages peuvent capter des lipides dont des lipides modifiés et ceci vous sera détaillé par le Pr. P. Lesnik. On sait également que la synthèse du cholestérol et son estérification joue un rôle dans la fonction macrophagique (Zhang and Chawla, 2004). Récemment, il a été montré que la maturation du monocyte en macrophage dépend de l’activation de sa propre lipogenèse concomitante à une inhibition de la synthèse de cholestérol (Ecker et al., 2010). Le stockage de lipides spécifiques dans le macrophage peut donc être dÛ non seulement à des captations de lipides mais également à des modifications des synthèses intra-macrophagiques. Des études menées dans notre laboratoire montrent que les lipides intra-macrophagiques interfèrent avec le phénotype des cellules de Kupffer chez les souris obèses et que ces cellules sont donc des acteurs précoces dans les dérégulations immunitaires observées lors de la stéatose (données en cours de publication). Il a récemment été démontré que les macrophages pouvaient être des activateurs des cellules NKT (Barral et al., 2010). Les NKT étant activés par des antigènes lipidiques de type céramides, on pourrait mettre en évidence des dérivés lipidiques spécifiquement impliqués dans cette activation dans les cellules de Kupffer.

Pour résumer, les lipides stockés par le foie stéatosique sont à l’origine d’une rupture de la tolérance hépatique. Ceci est associée à des cellules de Kupffer chargées en lipides et ayant un profil pro-inflammatoire (figure 3). Les hépatocytes stéatosiques diminuent le nombre de lymphocytes NKT et les NKT présentes ont un profil pro-inflammatoire et sont donc activateurs de la réponse inflammatoire. On a également une diminution de lymphocytes Treg qui ne peuvent plus exercer leur rôle inhibiteur sur l’activation immunitaire. De plus, le foie stéatosique à une capacité à recruter des lymphocytes augmentée. Ce cumul de dérégulations immunitaires au niveau du foie stéatosique concourt au développement de la NASH. Il est clair, à l’heure actuelle que les lipides sont spécifiquement impliqués dans la rupture de la tolérance hépatique. Cependant, dans la mesure où seulement 20 % des patients obèses ayant une stéatose vont développer une NASH, la nature des lipides spécifiquement impliqués reste à éclaircir.

thumbnail Figure 3.

Rupture de la tolérance dans le foie stéatosique. Les lipides stockés par le foie stéatosique sont à l’origine d’une rupture de la tolérance hépatique. Ceci est associée à des cellules de Kupffer chargées en lipides et ayant un profil pro-inflammatoire. Les hépatocytes stéatosiques diminuent le nombre de lymphocytes NKT et les NKT présentes ont un profil pro-inflammatoire et sont donc activateurs de la réponse inflammatoire. On a également un nombre diminué de lymphocytes Treg qui ne peuvent plus exercer leur rôle inhibiteur sur l’activation immunitaire. De plus, le foie stéatosique à une capacité à recruter des lymphocytes augmentée. Ce cumul de dérégulations immunitaires au niveau du foie stéatosique concourt au développement de la NASH.

Remerciements

Ce travail a reçu le soutien de l’Inserm de l’Afef de la SNFGE et d’un PNR-Diabète

Références

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Pour citer cet article : Cassard-Doulcier AM, Perlemuter G. Inflammation hépatique liée à l’obésité (NASH). OCL 2011; 18(1) : 21–26. doi : 10.1051/ocl.2011.0363

Liste des figures

thumbnail Figure 1.

De la stéatose à la NASH. Les lésions hépatiques observées au cours de l’obésité s’étendent de la stéatose isolée à la stéatohépatite (NASH) puis à la fibrose, la cirrhose et au cancer du foie. La stéatose est caractérisée par une accumulation de gouttelettes lipidiques dans le cytoplasme des hépatocytes et la stéatohépatite par l’apparition d’infiltrats inflammatoires. La fibrose représente le tissu cicatriciel. Les dérégulations métaboliques qui mènent à l’accumulation de lipides au niveau des hépatocytes vont toucher toutes les étapes du métabolisme lipidique : une captation excessive des acides gras libres produits par la lipolyse au niveau du tissu adipeux, une accumulation de triglycérides, une augmentation de la lipogenèse hépatique, une diminution de la ß-oxydation et une diminution de la sécrétion des VLDL. La transition vers la NASH s’accompagne de l’activation de cellules immunitaires présentent dans le foie qui vont produire des cytokines et des chimiokines

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thumbnail Figure 2.

Distribution des populations cellulaires dans le foie humain. Environ 50 % des cellules non hépatocytaires sont des cellules de l’immunité. On observe une proportion de cellules impliquées dans l’immunité innée élevée : 20 % des cellules non hépatocytaires sont des macrophages (cellules de Kupffer) et les cellules NK représentent jusqu’à 30 % du pool lymphocytaire. Les lymphocytes NKT, immuno-régulateurs peuvent créer soit un environnement tolérogène soit participer à l’immunité contre les pathogènes et représentent 26 % des lymphocytes hépatiques, contrairement au sang où ils ne représentent que 2 %. Le foie contient, comme tous les organes, des lymphocytes B, des lymphocytes αβ-T CD4+ et CD8+ mais ces populations représentent un pourcentage 2 fois moins grand que dans le sang. Les lymphocytes γδ-T qui présentent des caractéristiques de cellules de l’immunité innée et adaptative sont à l’inverse 2 à 3 fois plus nombreux.

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thumbnail Figure 3.

Rupture de la tolérance dans le foie stéatosique. Les lipides stockés par le foie stéatosique sont à l’origine d’une rupture de la tolérance hépatique. Ceci est associée à des cellules de Kupffer chargées en lipides et ayant un profil pro-inflammatoire. Les hépatocytes stéatosiques diminuent le nombre de lymphocytes NKT et les NKT présentes ont un profil pro-inflammatoire et sont donc activateurs de la réponse inflammatoire. On a également un nombre diminué de lymphocytes Treg qui ne peuvent plus exercer leur rôle inhibiteur sur l’activation immunitaire. De plus, le foie stéatosique à une capacité à recruter des lymphocytes augmentée. Ce cumul de dérégulations immunitaires au niveau du foie stéatosique concourt au développement de la NASH.

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