Open Access
Numéro
OCL
Volume 22, Numéro 5, September-October 2015
Numéro d'article D504
Nombre de pages 7
Section Dossier: Local soybean supply chain / Approvisionnement local en soja
DOI https://doi.org/10.1051/ocl/2015037
Publié en ligne 18 septembre 2015

© M. Berger et al., published by EDP Sciences, 2015

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1 Introduction

Source exceptionnelle de protéines de grande qualité et d’acides gras polyinsaturés, la graine de soja est un aliment de choix pour l’homme comme pour les animaux d’élevage. Les tourteaux récupérés après trituration sont utilisés en alimentation animale, majoritairement par les élevages avicoles, porcins et laitiers. La consommation de graines entières, riches de 18 à 20 % d’acides gras, apporterait un supplément nutritionnel de qualité. Elle ne peut cependant pas être consommée sans traitement préalable, étant donné sa teneur en facteurs anti nutritionnels (FAN) : saponines, tannins, phytates, lipoxygenases, lectines et antiprotéases ...Ce large arsenal de composés joue un rôle protecteur des réserves de la gaine, mais intervient probablement aussi sur la germination (Becker-Ritt et al., 2004; Cabrera-Orozco et al., 2013). Parmi ces FAN, les inhibiteurs de protéases représentent 6 % des réserves protéiques de la graine (Wang et al., 2004).

La présence d’inhibiteurs de protéases, plus particulièrement de facteurs antitrypsiques (FAT) dans l‘alimentation des monogastriques entraîne une diminution de la croissance accompagnée de dysfonctionnements pancréatiques. En fait, les FAT pourraient agir à plusieurs niveaux : en réduisant l’assimilation de protéines, en dérégulant la sécrétion des enzymes pancréatiques et en limitant l’assimilation des acides aminés par l’encombrement des muqueuses intestinales avec des oligopeptides incomplètement digérés (Cabrera-Orozco et al., 2013). Ainsi chez le pois protéagineux, la réduction de la teneur en FAT est un critère de sélection : pour l’inscription en France, les teneurs en FAT ne doivent pas dépasser celle des témoins de plus de 2 TIU.mg-1 (C.T.P.S., 2014). Chez le soja, deux classes d’inhibiteurs sont présents : les inhibiteurs de Kunitz (KTI) (Kunitz, 1945), et les inhibiteurs de Bowman-Birk (BBI) (Birk, 1985). Les KTI et les BBI ont d’ailleurs été découverts chez le soja mais ils sont largement répandus dans le règne végétal. Les accumulations les plus élevées sont dans les graines de légumineuses (Tab. 1). Pour nombre de ces espèces, seuls les BBI sont présents (Cabrera-Orozco et al., 2013).

Les KTI du soja sont des peptides de 170 à 200 acides aminés possédant 1 site inhibiteur et structurés par deux ponts disulfures. Trois gènes (KTI1, KTI2 et KTI3) sont exprimés chez le soja mais seul KTI3 est exprimé de manière significative dans la graine (Jofuku and Goldberg, 1989). Ce gène a de nombreux allèles, dont un variant inactif récessif (Hymowitz, 1986; Jofuku et al., 1989) qui a été largement utilisé en sélection pour créer des variétés à teneur réduite en FAT (De Moraes et al., 2006; Kumar et al., 2013; Oliveira et al., 2007; Schmidt et al., 2015).

Les BBI sont des peptides 60 à 85 acides aminés, possédant 2 sites inhibiteurs et structurés par 7 ponts disulfures, ce qui les rend plus résistants que les KTI à la dénaturation par traitement thermique (Chen et al., 2014). Paradoxalement, ces inhibiteurs de la digestion des protéines, très riches en cystéine (14 cystéines par molécule de BBI), contribuent fortement à la réserve d’acides aminés soufrés dans la graine. Ils sont repartis en 3 classes selon les protéases inhibées (trypsine/chymotrypsine; trypsine/élastase; trypsine/trypsine). Chacune de ces classes étant produite par un ou deux gènes différents, il y a 5 gènes actifs identifiés à ce jour (Deshimaru et al., 2004). Une stratégie envisagée pour diminuer l’AAT due aux BBI est de créer un mutant qui surexprime un gène du BBI dans lequel les sites actifs sont désactivés (Livingstone et al., 2007) ou d’utiliser un nouveau mutant KTI qui perturbe fortement l’expression des BBI (Gillman et al., 2015). Il se pourrait que ces stratégies détournent tout simplement la cystéine disponible. Considérés comme FAN en nutrition animale et en alimentation infantile, les BBI ont une activité protectrice du tractus digestif et des effets anticancéreux qui soulèvent beaucoup d’intérêt en santé humaine (Clemente et al., 2013; Losso, 2008).

Tableau 1

Activités antitrypsiques (AAT) en TIU par mg de farine brute des graines de différentes espèces de légumineuses, dosages réalisés sur graines entières avec des méthodes similaires d’après 1 : Pisulewska and Pisulewski (2000) et 2 : Guillamon et al. (2008).

Les variétés de soja n’exprimant pas le facteur de Kunitz présentent une AAT résiduelle due aux BBI encore trop importante pour une utilisation en graines crues. Après extrusion, elles sont en revanche plus performantes que les lignées isogéniques correspondantes, ce qui laisse à penser que de telles lignées seraient utilisables en équivalence de variétés normales tout en réduisant l’énergie requise pour le traitement thermique (Burnham et al., 2000; Clarke and Wiseman, 2007; Herkelman et al., 1992).

L’activité antitrypsique est fortement déterminée par le génotype mais aussi dans une moindre mesure par l’environnement (Arefrad et al., 2013; Castoldi et al., 2011; Natarajan et al., 2007; Pešić et al., 2007; Vollmann et al., 2003). Ainsi, selon le lieu de culture, l’AAT d’une variété peut varier d’un tiers. Les variétés sans KTI ont une valeur de 15 à 40 % inférieure à leur homologue avec KTI (Vollmann et al., 2003). L’AAT due aux BBI serait particulièrement sensible aux facteurs environnementaux. Selon les génotypes, le rapport KTI/BBI peut varier de 1.7 à plus de 18 (Pešić et al., 2007). Cependant, excepté le cas particulier des variétés sans KTI, il existe une forte corrélation positive entre les teneurs de ces deux composants, tandis que la corrélation entre AAT et teneurs en KTI n’est pas toujours mise en évidence (Pešić et al., 2007, Žilić et al., 2011). Peu de travaux ont été consacrés à la compréhension de l’effet de l’environnement. Une augmentation de la fertilisation azotée induit une diminution de l’AAT en réduisant l’expression du BBI. Curieusement, la complémentation par un apport en soufre accentue ce phénomène (Vollmann et al., 2003; Krishnan et al., 2005). Il n’y a pas encore de données sur l’influence de diverses pratiques culturales (irrigation, dates de semis) ou des facteurs biotiques ou abiotiques sur l’AAT de la graine.

Plusieurs méthodes analytiques permettent le dosage des FAT. La première approche consiste à doser directement les peptides concernés (KTI et BBI), par électrophorèse SDS-PAGE ou de manière plus quantitative par microanalyse Lab-on-a-Chip (Torbica et al., 2010). La quantification peut aussi se faire par méthode immunochimique (Brandon et al., 2004) avec une grande sensibilité. Ces méthodes, relativement coûteuses nécessitent des anticorps monoclonaux parfois difficiles à trouver sur le marché, plus particulièrement pour les divers BBI. La relation entre la quantité de peptides et l’AAT est plutôt inconsistante i) en raison des divers composés actifs et ii) parce qu’un peptide désactivé peut encore avoir une activité antigénique. La détermination de l’AAT se fait par mesure de l’inhibition de la trypsine pancréatique bovine, porcine ou humaine (Bacon et al., 1995, Kakade et al., 1974). L’activité enzymatique est alors quantifiée par la transformation d’un substrat (généralement le Nα-Benzoyl-DL-arginine 4-nitroanilide hydrochloride, ou BAPNA) suivie par spectrophotométrie. L’activité antitrypsique est exprimée en TIU (Tryspin Inhibited Units) par g ou par mg de produit analysé. Ces méthodes sont moins précises et ne permettent pas une quantification directe des KTI ou BBI, bien que certains auteurs proposent une équivalence en mg de KTI (Li et al., 1998). Globalement, il n’existe pas de méthode rapide de détermination de l’AAT, ce qui limite la faisabilité d’un travail systématique de sélection ou l’évaluation d’un grand nombre de conditions environnementales. Un gain de temps précieux a été proposé en transférant cette méthode sur lecteur de microplaques (Bacon et al., 1995) pour l’analyse de l’AAT chez le pois.

L’objectif de ce travail est d’évaluer la fiabilité de cette methode d’analyse sur le soja en l’appliquant i) à l’étude de la variabilité de l’AAT dans une core-collection établie par le GIE Soja1 à partir de la collection détenue à l’INRA2 de Montpellier (Tavaud-Pirra, 2009) et ii) à l’évaluation des conséquences d’une modification de pratiques culturales telles qu’un semis très précoce et une limitation de l’irrigation.

2 Matériels et méthodes

2.1 Matériel végétal et conditions de culture

Pour l’évaluation de la variabilité de l’analyse enzymatique, ainsi que comme contrôle lors des analyses suivantes, un échantillon de 500 g de graines de la variété Santana cultivée à Bazièges, 31 (station CETIOM En Crambade) en 2012 a été broyé finement puis sous échantillonné en piluliers de 10 g fermés et conservés à 4 °C.

L’évaluation de la variabilité génotypique a été réalisée sur des échantillons de graines de 10 variétés (référencées ici de A à K) de la core collection maintenue par le GIE Soja depuis 2011 et 5 variétés témoins (ECU : Ecudor, SPE : RGT Speeda; SAN : Santana; ISI : Isidor et SIG : Sigalia) cultivées sur deux lieux du Sud-Ouest de la France : Rivières, 81 (RIV) et Mondonville, 31 (MON) en 2014. Le témoin négatif sans KTI Kunitz (KUN) et les variétés Astafor (AST) et Bahia (BAH) n’ont été cultivés que sur un seul lieu (MON).

L’effet de la date de semis et du régime hydrique ont été étudiés sur une sous partie des échantillons provenant des essais multilocaux présentés par Maury et al. (2015) dans un article du présent dossier : deux variétés de groupes de maturité (GM) I et II ont été choisies (Ecudor- GM II; et Isidor – GM I), cultivées sur 3 lieux : Mondonville (MON), 31; En Crambade (BAZ), 31 et Rivières (RIV), 81, sur deux années (2013 et 2014) pour BAZ et RIV, et en 2013 pour MON. Le dispositif était un double split plot (pour les facteurs irrigation et date de semis) avec une répartition en 3 blocs dans les sous parcelles, et disposition aléatoire des variétés dans les blocs.

Pour l’effet de l’irrigation, deux niveaux ont été testés : I, Irrigation non limitante suivie aux tensiomètres, méthode IRRIsoja (CETIOM) et S, non irrigué. Le facteur « date de semis » comprenait aussi 2 niveaux : D1 : semis très précoce (vers mi-mars), et D2, semis à la date conventionnelle dans le Sud-Ouest de la France (début mai)

2.2 Détermination de l’activité antitrypsique

2.2.1 Préparation des solutions mères

Dix milligrammes de trypsine bovine (T8253, Sigma-Aldrich, Saint-Louis, MO, USA) sont dilués dans 500 ml d’HCl 1 mM. Cette solution est stockée à 4 °C et refaite chaque semaine. Le Nα-Benzoyl-DL-arginine 4-nitroanilide hydrochloride (BAPNA) est utilisé comme substrat. Une solution stock est réalisée en diluant 400 mg de BAPNA (B4875, Sigma-Aldrich, Saint-Louis, MO, USA) dans 20 ml de dimethyl sulfoxide. Après complète dilution, la solution est répartie en aliquotes de 1 ml stockés à − 20°C. Juste avant chaque analyse, une aliquote est diluée dans 50 ml de tampon Tris-HCl 50 mM, pH 8,2; 20 mM CaCl2 fraichement préparé. Cette solution est utilisée dans les 4 heures.

thumbnail Fig. 1

Activité antitrypsique (AAT) de 10 variétés de la core-collection du GIE soja, et de 5 témoins (ECU : Ecudor, SPE : RGT Speeda; SAN : Santana; ISI : Isidor et SIG : Sigalia) cultivés su deux lieux (MON : Mondonville et RIV : Rivières). Trois variétés réputées à faible AAT (Kunitz : KUN; Astafor, AST et Bahia, BAH) récoltées à Mondonville ont été analysées en témoins supplémentaires. Les barres d’erreur correspondent à l’erreur résiduelle sur les répétitions analytiques (n = 2). Les analyses de référence (MON-Ref et RIV-Ref) ont été réalisées par un laboratoire agréé indépendant sur 18 échantillons (Incertitude : 10 %).

2.2.2 Méthode analytique

Les graines sont broyées finement (particules <200 ¯m), puis 100 mg sont extraits dans un agitateur rotatif 1 h à 20 °C avec 10 ml d’HCl 9 mM. Le surnageant est récupéré après une centrifugation de 20 min à 10 000 g puis dilué à 5 % avec de l’eau Milli-Q (=extrait dilué). Une gamme de dilution est réalisée directement sur microplaque 96 puits en déposant 0, 20, 30, 40 et 60¯L d’extrait dilué dans des puits consécutifs qui sont ensuite complétés à 60¯L avec de l’eau Milli-Q. Deux contrôles sont ajoutés : 60 ¯l d’extrait dilué (blanc échantillon) et 60 ¯l d’eau (blanc substrat). Puis 60 ¯l de solution enzymatique sont ajoutés à chaque puits, excepté les deux contrôles. La plaque est ensuite incubée à 37 °C pendant 15 min dans l’analyseur de microplaque (TECAN Infinite pro 200, Tecan, Genève, Suisse). Une fois cette phase d’inhibition terminée, 150 ¯l de solution fraichement préparée de BAPNA sont ajoutés à tous les puits et la plaque est remise en incubation. Après exactement 10 min, 30 ¯l d’acide acétique sont ajoutés à tous les puits pour stopper la réaction, et les deux puits témoins reçoivent 60 ¯l de solution enzymatique. La plaque est lue à 410 nm. Chaque échantillon a été extrait 2 fois (répétitions analytiques) à une semaine d’intervalle afin de réaliser des répétitions analytiques indépendantes (séries d’extraction, préparations des solutions d’extraction, d’enzyme et de substrat différentes), et chaque extrait a été analysé deux fois dans la même journée sur deux microplaques différentes. Un échantillon contrôle (variété Santana) a été intégré dans chaque série d’extraction et systématiquement analysé sur chaque microplaque.

Une série d’échantillons a été analysée par un laboratoire agréé indépendant selon la méthode de référence officielle AOCS – Ba 12.75. La teneur en protéines a été déterminée par spectroscopie proche infrarouge (lecteur type FOSS-NIR 6500, calibration GIE sur 621 échantillons, R2 = 0,96 SECV : 0,697; analyses de référence réalisées selon la méthode de Dumas).

2.2.3 Calcul de l’activité antitrypsique

L’activité inhibitrice exprimée ici en en TIU.mg-1 de farine brute est obtenue selon la méthode proposée par Bacon et al. (1995). Les blancs, échantillon et substrat, sont utilisés pour corriger les absorbances brutes (mAU) proportionnellement au volume d’échantillon déposé dans le puit, puis les absorbances corrigées sont représentées en fonction du volume d’échantillon.

2.3 Analyses statistiques

Les effets des différents facteurs ont été testés par ANOVA et les moyennes comparées à l’aide du test de Tukey. Les analyses statistiques ont été effectuées avec XLSTAT Version 2014.5.03 (Addinsoft, France).

3 Résultats et discussion

La variabilité analytique obtenue est du même ordre que celle obtenue sur le pois par Bacon (1995). Un même échantillon analysé systématiquement sur chaque microplaque, en contrôle d’analyse, a donné une valeur moyenne de 42,7 TIU.mg-1 et un écart-type de 3,12 TIU.mg-1, soit une erreur relative de 7 % (95 analyses de 30 extractions du même échantillon).

thumbnail Fig. 2

Relation entre AAT (en TIU par mg) et teneur en protéines sur farine brute sur 15 variétés (une parcelle par variété) observées sur 2 lieux (MON et RIV) en 2014.

thumbnail Fig. 3

Effet du semis très précoce et de l’irrigation sur l’AAT (en TIU.mg-1 de farine brute) des variétés Ecudor et Isidor cultivées sur 3 lieux (BAZ, RIV et MON) en 2013. I : irrigué et S : non-irrigué; D1 : semis très précoce (barres pleines noires, grises ou gris clair) et D2 : semis à date conventionnelle (barres hachurées ou blanches). Chaque barre est la moyenne de 3 échantillons; les erreurs standard des moyennes sont calculées avec la variance résiduelle de l’ANOVA.

thumbnail Fig. 4

Effet du semis très précoce et de l’irrigation sur l’AAT (en TIU.mg-1 de farine brute) des variétés Ecudor et Isidor cultivées sur 2 lieux (BAZ et RIV) en 2014. I : irrigué et S : non-irrigué; D1 : semis très précoce (barres pleines noires ou grises) et D2 : semis à date conventionnelle (barres hachurées). Chaque barre est la moyenne de 3 échantillons (un par bloc); les erreurs standard des moyennes sont calculées avec la variance résiduelle de l’ANOVA.

3.1 Variabilité génotypique

Les activités mesurées par la méthode microplaque et la méthode de référence sont cohérentes et correspondent à ce qui est généralement relevé dans la littérature (Fig. 1). Les maxima restent en dessous de 60 TIU.mg-1, ce qui est attendu si on considère que les mesures sont exprimées par rapport à une farine non déshuilée. Les 25 TIU.mg-1 observés pour la variété Kunitz correspondent à l’activité antitrypsique des BBI. Les variétés Astafor et Bahia ainsi que la lignée H de la core collection expriment des activités du même ordre que Kunitz. Elles sont probablement aussi sans KTI, ce qui reste à démontrer par électrophorèse SDS-PAGE. Les lignées de la core collection couvrent une large gamme de variation (de 28 à 51 TIU.mg-1), avec des lignées (H, J) à forte teneur en protéines et faible activité antitrypsique (Fig. 2).

L’effet lieu est significatif, les valeurs observées sur RIV sont 14 % supérieures à celles observées sur MON. Il en est de même pour les teneurs en protéines (RIV en moyenne 11 % supérieures à MON). Cependant, la corrélation entre teneur en protéines et AAT n’est pas significative (MON : r = 0,19; NS et RIV : r = 0,09; NS). Bien qu’une corrélation positive entre le taux d’expression de BBI et KTI ait déjà été relevée (Arefrad et al., 2013, Pešić et al., 2007) ces résultats montrent, comme il a été déjà vu par ailleurs (Arefrad et al., 2013, Žilić et al., 2011) qu’il n’y a pas de corrélation entre teneur en protéines et activité antitrypsique.

3.2 Essais multifactoriels

3.2.1 Effets variété et lieu d’essai

La variété Isidor présente une AAT significativement supérieure à Ecudor sur les deux années (44,0 vs. 38,0 TIU.mg-1en 2013; p> 0,001 et 43,7 vs. 34,9 TIU.mg-1 en 2014; p> 0,001). Cette différence est aussi constatée sur l’analyse des témoins de l’évaluation de la variabilité génétique (ISI et ECU, Fig. 1). Sur l’année 2013, les activités antitrypsiques des deux variétés (ISI et ECU) sur 3 lieux (RIV; BAZ et MON) ont été analysés avec 3 répétions par lieu alors qu’en 2014 seuls deux lieux ont pu être analysés. Bien que de plus faible amplitude, l’effet lieu de culture est significatif, autant en 2013 avec moins d’AAT à Mondonville (39,1 TIU.mg-1 pour MON vs. 41,9 et 42,1 TIU.mg-1 pour BAZ et RIV, respectivement) qu’en 2014 avec 36,0 TIU.mg-1 à Rivières et 42,6 TIU.mg-1 à Bazièges. L’interaction Variété - Lieu est significative sur les deux années, bien que le classement global des variétés ne soit pas remis en cause (ECU est toujours supérieur à ISI).

3.2.2 Effet de la date de semis

L’effet de la date de semis est significatif sur les deux années avec des valeurs moyennes d’AAT inférieures en semis très précoce, effet plus marqué en 2014 qu’en 2013 (40,4 TIU.mg-1 en D1 vs. 41,5 TIU.mg-1 en semis conventionnel (D2) en 2013 et 37,2 TIU.mg-1 en D1 vs. 41,2 TIU.mg-1 en D2 en 2014). L’interaction variété – date de semis n’est significative qu’en 2013, avec un effet plus prononcé du semis précoce sur Ecudor que sur Isidor (8 % de diminution de l’AAT moyenne pour Ecudor et pas de différence significative pour Isidor).

3.2.3 Effet de l’irrigation

En raison des différences pluviométriques entre les deux années (Maury et al. 2015), l’effet de l’irrigation n’est significatif qu’en 2013 avec une valeur moyenne d’AAT supérieure pour les plantes cultivées en sec (41,6 TIU.mg-1 en sec vs. 40,3 TIU.mg-1 en irrigué). Cet écart reste de faible amplitude (l’AAT de la culture non irriguée n’est augmentée que de 3 % par rapport à l’irrigation selon la méthode IRRIsoja). L’interaction variété-irrigation n’est pas significative ni en 2013, ni en 2014.

Globalement, on constate sur ces essais que l’effet variété est le plus important et constant sur les années et les lieux de culture. La diminution de l’AAT est donc prioritairement une question de sélection variétale. La variété Ecudor a une AAT inférieure à celle d’Isidor, peut être en raison d’une expression moindre du KTI. Cet essai était destiné à évaluer l’intérêt d’un avancement de la date de semis. Bien que d’amplitude modérée, l’effet est significatif et semble induire une réduction de l’AAT plus prononcée pour Ecudor, qui présentait déjà une activité anitrypisque plutôt basse. La proportion de BBI exprimé est variable selon les génotypes (Pešić et al., 2007) et une réponse plus forte du BBI à l’environnement a déjà été montrée (Gillman et al., 2015). Par ailleurs, on a observé qu’un stress hydrique induisait une surexpression du BBI chez la cacahuète (Dramé et al., 2013), ce qui reste cohérent avec l’augmentation de l’AAT observée en 2013 sur les parcelles non irriguées.

4 Conclusion

L’avancement de la date de semis pourrait permettre de réduire l’apport en eau et ne montre pas d’effet négatif sur la teneur en protéines (Maury et al. 2015). Ces conditions de culture n’entrainent pas, bien au contraire, d’effet stimulant sur l’AAT. Cet effet pourrait même être encore plus prononcé sur les variétés sans KTI. Bien que nécessitant toujours un traitement thermique, une faible AAT initiale des variétés permettrait de réduire l’énergie nécessaire à la désactivation des FAT lors de process de traitement de la graine. L’intégration de ce critère dans les programmes de sélection nécessite un nombre important d’analyses enzymatiques coûteuses en temps et en réactifs. L’analyse sur microplaque permet une réelle économie sur ces deux points sans perdre de précision analytique. Elle nécessite cependant du matériel et une formation technique spécialisée. La collecte de spectres en proche infrarouge est largement pratiquée en sélection du soja et permet d’obtenir des données fiables pour la teneur en huile et en protéine. Par l’analyse sur microplaque, il serait possible de réaliser un nombre suffisant de valeurs de référence pour qu’une calibration, au moins qualitative, pour le classement des lignées sans KTI puisse être envisagée.


1

GIE des sélectionneurs de soja animé et financé par Terres Univia et Terres Inovia (Centre technique de la filière des huiles et protéines végétales).

2

Institut national de la recherche agronomique.

Remerciements

Les travaux présentés relèvent du projet de recherche « Sojamip » (http://www6.inra.fr/sojamip) associant différents partenaires (Euralis Semences, RAGT2n, CETIOM, ONIDOL, INPT, ENSAT, INRA) et bénéficiant d’un soutien financier de la région Midi-Pyrénées. Nous remercions plus particulièrement Amandine Gras et Eric Margalé de RAGT2n; Patrice Jeanson et Francis Alric d’Euralis semences, Luc Champolivier, André Estragnat et Antony Doumenc du CETIOM pour leur aide précieuse apportée dans ce projet.

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Cite this article as: Monique Berger, Arthur Paulais, Mehrnoush Nourbakhsh-Rey, Sandrine Rooryck, Françoise Labalette, Pierre Maury. Facteurs antitryspiques de la graine de soja : évaluation de la variabilité génotypique dans une collection de référence ; effet du semis précoce et de la réduction de l’irrigation. OCL 2015, 22(5) D504.

Liste des tableaux

Tableau 1

Activités antitrypsiques (AAT) en TIU par mg de farine brute des graines de différentes espèces de légumineuses, dosages réalisés sur graines entières avec des méthodes similaires d’après 1 : Pisulewska and Pisulewski (2000) et 2 : Guillamon et al. (2008).

Liste des figures

thumbnail Fig. 1

Activité antitrypsique (AAT) de 10 variétés de la core-collection du GIE soja, et de 5 témoins (ECU : Ecudor, SPE : RGT Speeda; SAN : Santana; ISI : Isidor et SIG : Sigalia) cultivés su deux lieux (MON : Mondonville et RIV : Rivières). Trois variétés réputées à faible AAT (Kunitz : KUN; Astafor, AST et Bahia, BAH) récoltées à Mondonville ont été analysées en témoins supplémentaires. Les barres d’erreur correspondent à l’erreur résiduelle sur les répétitions analytiques (n = 2). Les analyses de référence (MON-Ref et RIV-Ref) ont été réalisées par un laboratoire agréé indépendant sur 18 échantillons (Incertitude : 10 %).

Dans le texte
thumbnail Fig. 2

Relation entre AAT (en TIU par mg) et teneur en protéines sur farine brute sur 15 variétés (une parcelle par variété) observées sur 2 lieux (MON et RIV) en 2014.

Dans le texte
thumbnail Fig. 3

Effet du semis très précoce et de l’irrigation sur l’AAT (en TIU.mg-1 de farine brute) des variétés Ecudor et Isidor cultivées sur 3 lieux (BAZ, RIV et MON) en 2013. I : irrigué et S : non-irrigué; D1 : semis très précoce (barres pleines noires, grises ou gris clair) et D2 : semis à date conventionnelle (barres hachurées ou blanches). Chaque barre est la moyenne de 3 échantillons; les erreurs standard des moyennes sont calculées avec la variance résiduelle de l’ANOVA.

Dans le texte
thumbnail Fig. 4

Effet du semis très précoce et de l’irrigation sur l’AAT (en TIU.mg-1 de farine brute) des variétés Ecudor et Isidor cultivées sur 2 lieux (BAZ et RIV) en 2014. I : irrigué et S : non-irrigué; D1 : semis très précoce (barres pleines noires ou grises) et D2 : semis à date conventionnelle (barres hachurées). Chaque barre est la moyenne de 3 échantillons (un par bloc); les erreurs standard des moyennes sont calculées avec la variance résiduelle de l’ANOVA.

Dans le texte

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