Open Access
Numéro
OCL
Volume 21, Numéro 3, May-June 2014
Numéro d'article D303
Nombre de pages 7
Section Dossier: Vitamin D, vitamin or hormone? / La vitamine D, vitamine ou hormone ?
DOI https://doi.org/10.1051/ocl/2014008
Publié en ligne 29 avril 2014

© V. Coxam et al., published by EDP Sciences, 2014

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1 Introduction

Le rôle majeur exercé par la vitamine D sur le squelette est pressenti de longue date. En effet, dès 1865, dans son manuel de médecine, le Dr. Trousseau recommande la consommation d’huile de foie de morue et l’exposition au soleil, principales sources de la molécule, sans toutefois fournir une explication rationnelle de l’effet santé. En fait, la réelle découverte de la vitamine D est issue des travaux de Mc Collum et Mellanby (1922) mettant en exergue la conservation des propriétés anti-rachitiques de l’huile de foie de morue après destruction de la vitamine A, et démontrant une protection du rachitisme par une exposition au soleil. La molécule fut ensuite isolée par Windaus (vitamine D2 en 1932 et vitamine D3 en 1936), puis synthétisée par Woodward en 1952, ce qui lui valut d’ailleurs l’obtention du prix Nobel en 1965. Les métabolites actifs n’ont été identifiés que plus tardivement par de Luca (25(OH)D) et Kodicek et Fraser (1,25(OH)2D). Ce n’est qu’au cours des 20 dernières années que le mode d’action et la régulation de la production de la vitamine D par la parathormone et le FGF23 (fibroblaste growth factor) ont été compris. De fait, si les premières recherches dans ce domaine ont été exclusivement centrées sur la cible squelettique, ce qui explique que le dossier scientifique concernant l’impact de la vitamine D sur la santé osseuse soit relativement bien étoffé, il s’avère que ce composé exerce un rôle plus complexe, notamment plus ubiquitaire (plus de 3 % de nos gènes peuvent être modulés par le 1,25(OH)2D et quasiment tous les tissus de l’organisme expriment son récepteur spécifique (VDR); certains sont même capables de produire le 1,25(OH)2).

2 Effets osseux de la vitamine D (expression clinique de l’effet de la vitamine D sur le squelette)

La vitamine D stimule l’absorption intestinale du calcium. Elle joue donc un rôle fondamental dans l’homéostasie phosphocalcique et, par conséquent, dans les processus de croissance et le métabolisme osseux.

Un déficit en cettte molécule risque donc d’engendrer un défaut de minéralisation du squelette, à l’origine du rachitisme chez l’enfant. Cette pathologie se traduit effectivement par des anormalités squelettiques : un « chapelet costal » qui indique la présence de nodosités osseuses bilatérales et symétriques, des déformations orthopédiques (incurvation concave en dedans des membres inférieurs, genu varum ou valgum, coxa vara, pieds plats, cyphose exagérée) et l’élargissement des extrémités inférieures du radius et du tibia. On constate également un retard de fermeture des fontanelles, un retard de dentition, une hypotonie musculaire avec météorisme abdominal, une hernie ombilicale, une ptôse hépatique, un délai au maintien de la tête, à la position assise et à la marche, ainsi qu’un retard de croissance, voire une petite taille. Ces altérations physiologiques peuvent, à terme, engager le pronostic vital.

Chez l’adulte, la carence en vitamine D engendre un phénomène d’ostéomalacie qui correspond à une ostéopathie généralisée, caractérisée par un défaut de minéralistion primaire de la matrice osseuse, à l’origine d’une accumulation anormale de tissu ostéoïde et donc d’une fragilité. Sur le plan clinique, le diagnostic est basé sur l’apparition de douleurs osseuses chroniques (au niveau dorsal, thoracique, ou pelvien), un tassement de la colonne vertébrale, ainsi qu’une importante fatigue musculaire pouvant entraîner des troubles de la démarche.

Enfin, chez la personne âgée, l’insuffisance vitaminique D peut être à l’origine d’une ostéoporose qui résulte d’une réduction de la masse osseuse et d’une altération de la micro-architecture trabéculaire. La pathologie s’exprime par des tassements vertébraux successifs asymptomatiques évoluant en fractures, ainsi que par des fractures de l’extrémité inférieure du radius et de la tête ulnaire (fractures de Pouteau-Colles) ou des fractures du col fémoral.

Bien que la pathologie soit souvent banalisée, seulement 25 % des patients maintiennent une qualité de vie équivalente à celle antérieure à l’intervention chirurgicale. Les complications incluent des douleurs dorsales ainsi que des troubles de la posture (réduction de la taille, cyphose) qui peuvent entraîner, dans les cas extrêmes, une gêne respiratoire, une satiété précoce associée à des problèmes digestifs et donc une dénutrition. Des séquelles psychologiques sont également décrites : perte de l’estime de soi, désocialisation, anxiété, problèmes de sommeil, voire une dépression. Ceci conduit très souvent à une accélération de l’entrée en dépendance, voire à une surmortalité dans 30 % des cas (Coxam et Horcajada, 2004).

thumbnail Fig. 1

Effets indirects de la vitamine D sur le métabolisme osseux via le tissu adipeux et le pancréas.

3 Mécanismes d’action de la vitamine D sur la cible osseuse

3.1 Aspects systémiques

3.1.1 Régulation du métabolisme du calcium

Le calcium est l’élément déterminant de la qualité du squelette parce qu’il lui confère ses propriétés de rigidité. L’optimisation du statut calcique est donc fondamentale. Elle est assurée par la couverture des besoins définis par les apports nutritionnels conseillés (ANC), mais aussi par l’amélioration de sa biodisponibilté. C’est pourquoi les professionnels de santé recommandent que toute calcithérapie (qu’elle soit nutritionnelle ou médicamenteuse) soit associée à une prescription de vitamine D. Ce rôle indirect de la vitamine D sur la santé osseuse est historique.

La 1,25-dihydroxyvitamine D (1,25-(OH)2D ou calcitriol) régule l’absorption intestinale du calcium en ciblant le transport actif du minéral au niveau de la barrière entérocytaire. Elle contrôle l’expression du gène codant pour la CaBP en induisant la synthèse de cette protéine, potentialisant ainsi la migration du calcium à travers l’entérocyte. Le calcitriol est également capable d’activer la Ca-ATPase et d’accroître alors la perméabilité membranaire aux ions Ca++ (Bellaton et al., 1992; Bronner, 1992). Il existe une corrélation négative entre le transport calcique intestinal actif (absent chez le nouveau-né pendant les premières semaines de vie postnatale) et l’ingestion. Le nombre et l’activité des récepteurs intestinaux au calcitriol diminuent au cours du vieillissement. Il en est de même pour la 1α-hydroxylase rénale, qui contrôle la synthèse du calcitriol (Krishnan et Feldman, 1997). Il faut cependant noter que quelques protéines membranaires ou cytosoliques vectrices du calcium ne sont pas vitamine D-dépendantes. C’est le cas de la calmoduline et de certaines protéines alimentaires telles que l’α-lactalbumine, dont les études in vitro ont mis en évidence une modalité d’action identique à celle de la calmoduline (Bellaton et al., 1992).

La vitamine D peut également moduler indirectement le statut calcique, via une régulation de la synthèse de parathormone (PTH, celle-ci augmente lorsque le taux de 25(OH)D devient inférieur à 75 nmol/L) (Bischoff-Ferrari et al., 2006). En pratique, l’efficacité de l’absorption du calcium s’accroît en fonction du statut en vitamine D, jusqu’à l’atteinte d’un maximum pour des valeurs de 25(OH)D de 80 nmol/L (Heaney, 2007).

Outre cet effet au niveau du tube digestif, la vitamine D est également active sur les reins puisqu’elle est capable de stimuler la réabsorption du calcium dans le tubule contourné distal et le tubule connecteur. Plus précisément, elle induit l’expression des protéines de transport du calcium (les calbindines-D 28 K), ainsi que celle du récepteur TRPV5 (transient receptor potential cation channel, subfamily V, member 5), elle-même potentialisée par l’induction de la production de la protéine Klotho (Friedman et Gesek, 1993).

3.1.2 Impact sur d’autres tissus cibles

La vitamine D peut moduler l’activité pancréatique. La présence d’une 1α-hydroxylase dans les cellules fi suggère éffectivement un possible contrôle de la production d’insuline par la vitamine D. D’ailleurs, dans ces cellules, la vitamine D régule les calbindines impliquées dans les flux calciques (Chertow et al., 1983). Ceci explique qu’en cas de déficit en 1,25(OH)2D une résistance à l’insuline peut s’installer. C’est pourquoi des formes plus sévères de diabète sont décrites chez les patients souffrant d’hypovitaminose D (Alvestrand et al., 1989).

Ainsi, la viatmine D est susceptible de mettre en jeu des boucles de régulation complexes pouvant ultimement impacter la santé osseuse. En effet, les recherches récentes de physiologie intégrative ont permis d’identifier une interdépendance entre le métabolisme du glucose, le métabolisme énergétique et le métabolisme osseux (Booth et al., 2013; Lee et Karsenty, 2008; Wei et Ducy, 2010) (Fig. 1).

3.2 Effets directs sur le tissu osseux

Il semblerait que la principale mission physiologique de la vitamine D soit le maintien de l’homéostasie calcique. Ceci explique le rôle ambigu exercé par cette molécule car elle inhibe directement le processus de minéralisation au niveau de l’os en augmentant les concentrations locales en pyrophosphate (pour maintenir la calcémie) (Lieben et al., 2012). Ceci explique que des traitements vitaminiques à forte dose puissent être délétères en terme de masse osseuse, voire de risque fracturaire (Ebeling et al., 2001).

Quoi qu’il en soit, les effets directs de la vitamine D sur les cellules osseuses sont bien décrits. La réponse biologique est initiée par la liaison du 1,25(OH)2D sur son récepteur, le VDR, qui appartient à la super famille des récepteurs nucléaires. Ceci déclenche une hétérodimérisation avec le RXR (retinoid X receptor). Des travaux récents ont permis de révèler que le complexe VDR et RXR forme une architecture ouverte avec le domaine de liaison de la vitamine D, orientée presque perpendiculairement au domaine de liaison à l’ADN. Cette structure suggère une coopération entre les deux domaines, qui agiraient ensemble pour induire une régulation très fine de l’expression des gènes cibles (Orlov et al., 2012), après recrutement de co-activateurs ou co-répresseurs. De nombreuses protéines de la matrice osseuse, telles que notamment l’ostéocalcine, l’ostéopontine, ou encore le collagène de type 1, possèdent des éléments de réponse au VDR et constituent donc des cibles de régulation pour la vitamine D.

Toutefois, bien que le paradigme de la régulation du métabolisme osseux par la vitamine D concerne principalement la 1,25(OH)2D, considérée comme le métabolite actif de la molécule, des données récentes ont permis d’identifier d’autres modalités d’effet biologique (Thomas et Briot, 2013). La mise en évidence d’une forte relation entre la densité minérale osseuse et les taux sériques en 25(OH)D, alors qu’il n’existe aucune corrélation avec les concentrations plasmatiques en 1,25(OH)2D, ainsi que la constation qu’une baisse modérée des taux circulants de 25(OH)D soit associée à une incidence accrue d’ostéoporose, même si la production de 1,25(OH)2D et l’absorption intestinale calcique restent normales, sont à l’origine de ce nouveau concept. En fait, la 25(OH)D pourrait directement intervenir sur les cellules osseuses (via sa fixation au VDR), puisque celles-ci disposent de l’équipement enzymatique permettant l’hydroxylation locale du 25(OH)D (Anderson et Atkins, 2011). Ainsi, cette production in situ du métabolite actif constituerait probablement la principale voie de régulation du remodelage osseux.

4 Intérêts thérapeutiques de la vitamine D dans le domaine de la santé osseuse

4.1 Effets sur le remodelage

Les patients ayant des concentrations plasmatiques en 25(OH)D inférieures à 50 nmol/L présentent un hyperparathyroïdisme secondaire, un remodelage accéléré, des phénomènes d’ostéopénie, voire des déficits de minéralisation. À l’inverse, diverses études ont mis en évidence une répercussion favorable d’une amélioration du statut vitaminique sur l’orientation métabolique du tissu osseux.

En effet, les travaux de Prestwood et al. (1996) ont permis de mettre en évidence une réduction de 50 % de l’excrétion urinaire de NTX, un indicateur de la résoprtion osseuse, ainsi que de deux marqueurs de l’activité ostéoblastique (baisse de 20 % de l’ostéocalcine et de 10 % de la phosphatase alcaline, respectivement) après une supplémentation en vitamine D (1000 UI/j) et calcium (1500 mg/j). L’arrêt de la consommation se traduit par une augmentation de ces composés à des niveaux identiques à ceux mesurés en début de l’étude. Ces données sont conformes aux résultats publiés par Kamel et al. (1996) mettant en exergue, chez la femme âgée, un ralentissement du catabolisme (chute du CTX urinaire de 50 %) après 6 mois d’un traitement combinant vitamine D (800 UI/j) et calcium (1000 mg/j). De même, dans l’étude conduite par Kuchuk et al. (2009) chez des femmes ménopausées, une augmentation des taux sériques de 25(OH)D de <25 à >75 nmol/L est associée à une réduction de l’ostéocalcinémie (marqueur d’accrétion, 30,8 vs. 34,1 ng/ml; P< 0,01) et des concentrations de CTX (reflétant l’activité de résorption ostéoclastique, 0,52 vs. 0,56 ng/ml; P< 0,01). Dans l’étude de Lasa, une normalisation des taux d’ostéocalcine et de DPD (reflétant la résorption) est obtenue lorsque la concentration plasmatique en 25(OH)D est stabilisée à la valeur de 40 nmol/L (Kuchuk et al., 2009). Dans l’essai clinique conduit par von Hurst et al. (2010), une correction du CTX est obtenue après la prise de vitamine D (4000 IU) chez les femmes de plus de 49 ans. Enfin, la méta-analyse de Tang et al. (2007), portant sur plus de 4000 femmes et hommes âgés de plus de 50 ans, démontre une réduction significative du remodelage osseux.

4.2 Optimisation de la masse osseuse

De nombreuses investigations cliniques ont ciblé l’impact de la vitamine D (en majorité en association avec le calcium) sur la masse osseuse. Ainsi, dans l’étude populationnelle NHANES (portant sur 13 432 volontaires), une relation positive est démontrée entre les concentrations plasmatiques en vitamine D et la densité minérale osseuse, dans la plage de valeurs plasmatiques de 25(OH)D de 22,5 à 94 nmol/L (Bischoff-Ferrari et al., 2004). La méta-analyse portant sur 24 essais publiée en 2007 par Tang et al. met aussi en évidence l’efficacité d’une supplémentation calcique ou associant calcium et vitamine D pour la prévention de l’ostéopénie au niveau de la hanche et de la colonne (déminéralisation diminuée de 0,54 % et 1,19 %, respectivement).

En outre, dans une méta-analyse très récente basée sur 23 études de supplémentation (retenues après sélection), dont la durée moyenne est de 23,5 mois, impliquant 4082 participants (92 % étant des femmes, l’âge moyen étant de 59 ans), Reid et al. (2013) ont identifié six essais cliniques positifs, deux rapportaient des effets délétères et les autres études étaient non significatives. Ils font cependant remarquer que dans 10 de ces études, les doses quotidiennes étaient inférieures à 800 UI. Ils concluent à un bénéfice modéré sur la densité minérale osseuse au niveau du col fémoral, mais pas sur la hanche totale. Selon Grimnes et al. (2012), une dose de 6500 UI/j n’est pas plus efficace qu’une dose de 800 UI/j.

En résumé, l’impact d’une supplémentation en vitamine D sur la densité minérale osseuse est avéré mais modeste. Il ne permet pas d’expliquer totalement la prévention du risque fracturaire.

4.3 Réduction du risque fracturaire

De façon générale, le risque de fracture de la hanche est inversement corrélé aux taux sériques de 25(OH)D. Tel est le cas notamment dans la Women’s Health Initiative study, des valeurs supérieures à 30 ng/ml étant considérées protectrices (Cauley et al., 2008).

D’autre part, plusieurs études de supplémentation ciblant le risque fracturaire ont été publiées. Les premiers travaux sont français. En effet, Chapuy et al. (1992 et 1994) ont démontré l’efficacité d’une dose vitaminique journalière de 800 UI (additionnée de 1,2 g de calcium) sur la normalisation de la parathormonémie, ainsi que sur le taux fractuaire des personnes institutionnalisées (réduction de 23 % des fractures du col du fémur après 3 ans). De même, dans l’étude finlandaise de Heikinheimo et al. (1992) portant sur une population de 1186 femmes et hommes, d’un âge moyen 82,8 ans et vivant de façon indépendante ou étant institutionalisés, une réduction de 25 % de l’incidence d’épisodes fracturaires a été obtenue avec une injection annuelle de 150 000 à 300 000 UI (pendant 4 ans). En revanche, chez 2 578 sujets hollandais, dont 25 % étaient des hommes, ingérant quotidiennement 868 mg de Ca, l’injection de 400 UI/j n’a eu aucun impact sur l’incidence des fractures de la hanche ou des membres (Lips et al., 1996). La supplémentation en vitamine D (en association avec le calcium) réduit le risque relatif de fractures non vertébrales chez les personnes de plus de 65 ans, pour des doses supérieures à 800 UI/j (Benhamou et al., 2011). Une récente méta-analyse conduite sur plus de 30 000 personnes a permis de mettre en exergue qu’une supplémentation en vitamine D (supérieure à 790 UI/j) permet de réduire le risque de fracture (de 30 % au niveau de la hanche et de 14 % toutes les fractures non vertébrales) (Bischoff-Ferrari et al., 2012).

En résumé, la cible pour laquelle la supplémentation exerce un effet avéré concerne les personnes âgées et déficientes en calcium et vitamine D, en particulier les personnes institutionalisées. La plupart des méta-analyses recommandent des doses de 700 à 800 UI/j de vitamine D, en combinaison avec 1000 à 1200 mg de calcium; l’objectif étant d’atteindre des taux circulants de 25(OH)D de l’ordre de 20–30 ng/ml (50–75 nmol/L).

4.4 Réduction du risque de chute

L’importance de la vitamine D dans la gestion de la fonctionnalité musculaire est admise (Bischoff-Ferrari, 2012; Girgis et al., 2014). En effet, une déficience est associée à des douleurs musculaires diffuses, ainsi qu’à une faiblesse musculaire et donc une réduction des performances motrices (Janssen et al., 2002). Il semblerait qu’une atrophie des fibres de type II soit en cause. À l’inverse, la force musculaire, ainsi que l’équilibre postural et dynamique sont améliorés en cas de supplémentation (Bischoff-Ferrari, 2012). Ainsi, dans une étude conduite chez des séniors (>65 ans), il ressort que les personnes dans le plus faible quartile de concentrations plasmatiques en 25(OH)D (<36 nmol/L) présentent une mobilité fonctionnelle réduite, ainsi qu’un déclin cognitif (Gschwind et al., 2013). Ceci explique qu’une méta-analyse portant sur huit essais randomisés (soit 2426 personnes) ait montré que le risque de chute soit réduit de 19 % et 23 %, respectivement, en cas de supplémentation vitaminique D de 700–1000 UI/j, ou lorsque les taux sériques de 25(OH)D sont supérieurs à 24 ng/ml. Aucun bénéfice n’est décrit pour des doses plus faibles (Bischoff-Ferrari et al., 2009). De même l’étude Cochrane de Avenell et al. (2009) indique que les personnes institutionalisées peuvent bénéficier d’une supplémentation en calcium et vitamine D. Ces données ont été corroborées par une autre méta-analyse publiée en 2010 par Kalyani et al. qui montre qu’une vitaminothérapie (200–1000 UI) réduit le risque de chute de 14 %, comparativement à un placebo ou un traitement calcique, chez des personnes âgées de plus de 80 ans vivant en communauté. Plus récemment, une revue systématique/Méta-analyse menée par Murad et al. (2011) sur 26 études élligibles (45 782 sujets) conclut également à une protection vis à vis de la chute. Toutefois, une supplémentation calcique simultanée est indispensable.

En résumé, l’effet protecteur de la vitamine D sur le risque fracturaire est avéré. Toutefois, il implique des doses quotidiennes supérieures à 700 UI et une association avec une calcithérapie. Cette action de la vitamine D sur la fonctionnalité musculaire, et donc sur le risque de chute, contribue très fortement à la prévention du risque de fracture car l’impact d’une supplémentation vitaminique sur la masse osseuse reste modeste.

4.5 Impact sur la mortalité

Outre ces répercussions physiopathologiques de la carence en vitamine D, une augmentation générale de la morbi-mortalité est observée. (Rizzoli et al., 2013). Il semblerait effectivement que la consommation de vitamine D soit corrélée à la mortalité totale (Autier et al., 2007). D’ailleurs, une revue systématique publiée par ce même groupe démontre qu’une supplémentation en vitamine D (20 μg/j) permet de réduire sensiblement le risque de mortalité (toutes causes confondues) chez la personne âgée, alors qu’aucun effet n’est démontré sur des populations plus jeunes (Autier et al., 2013).

5 En pratique

La vitamine D suscite actuellement un regain d’intérêt en raison du panel de tissus cibles qu’elle est susceptible de moduler de par son rôle ubiquitaire dans l’organisme.

En ce qui concerne la cible osseuse, une augmentation des apports alimentaires en calcium et en vitamine D est susceptible d’exercer un effet avéré sur le risque fracturaire, c’est pourquoi la correction d’un déficit vitamino-calcique est un préalable indispensable à la prescription d’un traitement de fond de l’ostéoporose. De fait, les biphosphonates perdent en efficacité lorsqu’ils sont administrés à des patients dont le statut en vitamine D est déficient (Benhamou et al., 2011). La contribution d’une supplémentation en vitamine D est d’autant plus importante que la personne est carencée. Or, bien que les taux circulants en 25(OH)D varient en fonction du lieu géographique, de la culture et de la législation en vigueur dans le pays considéré (réglementation sur l’enrichissement alimentaire), une déficience est très largement répandue, que ce soit au niveau national (Vernay et al., 2012) ou mondial (Hilger et al., 2013). En outre la problématique du statut vitaminique D devient plus drastique au cours du vieillissement et il est évident que l’hyperparathyroïdisme secondaire qui se développe au cours de la sénescence est, en partie, lié à une déficience du statut en vitamine D. En effet, avec l’âge, l’efficacité de l’absorption intestinale du calcium s’atténue, en raison d’une diminution des apports alimentaires, et d’une insuffisance du statut vitaminique D (résultant simultanément d’une carence alimentaire, d’une anhélie, d’une raréfaction des récepteurs à la vitamine D). Un hyperparathyroïdisme compensatoire (pour éviter une hypocalcémie) se développe et engendre une ostéopénie.

Sur cette base, en France, le GRIO (Groupe de recherche et d’information sur l’ostéoporose) recommande la valeur de 30 ng/ml (75 nmol/L), comme concentration sérique minimale de 25(OH)D pour que la vitamine D puisse exercer des effets squelettiques. Pour atteindre ce seuil, il faut savoir que 40 UI de vitamine D3 permettent d’accroître ce paramètre de 0,5 ng/ml (1,2 nmol/L), si le taux initial est de 28 ng/ml (70 nmol/L). Si la concentration basale est supérieure, alors l’augmentation n’est que de 0,7 nmol/L (0,3 ng/ml). Au niveau européen, l’ESCEO (European society for clinical and economic aspects of osteoporosis and osteoarthritis) recommande des taux systémiques de 25(OH)D supérieurs à 20 ng/ml (50 nmol/L) pour une santé osseuse optimale. En dessous de cette limite, une supplémentation quotidienne est conseillée à hauteur de 800–1000 UI, de façon à atteindre des concentrations plasmatiques en 25(OH)D supérieures à 30 ng/ml (75 nmol/L) pour une prévention efficace des fractures; la limite de sécurité étant de 10 000 UI/j (Rizzoli et al., 2013).

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Cite this article as: Véronique Coxam, Marie-Jeanne Davicco, Yohann Wittrant. Vitamine D et santé osseuse. OCL 2014, 21(3) D303.

Liste des figures

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Effets indirects de la vitamine D sur le métabolisme osseux via le tissu adipeux et le pancréas.

Dans le texte

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