Numéro |
OCL
Volume 20, Numéro 3, May-June 2013
|
|
---|---|---|
Page(s) | 143 - 146 | |
Section | Dossier : huile de palme | |
DOI | https://doi.org/10.1051/ocl.2013.0505 | |
Publié en ligne | 15 mai 2013 |
Approche fonctionnelle de l’emploi de l’huile de palme – Perspectives d’évolution réglementaire en matière d’étiquetage
Functional approach to the use of palm oil – Labelling regulatory evolution
ITERG, Communication Scientifique & Technique, 11 rue Gaspard Monge, Parc Industriel Bersol 2 – F 33600
Pessac
Reçu :
5
Février
2013
Accepté :
12
Mars
2013
Abstract
Formulating food products requires taking into account the functional characteristics of the ingredients as well as nutrition facts and recommendations, quality of the end-product, supplying and production, regulatory compliance… For food recipes where fats do play an important texturing function (based on their crystallisation properties), the selection of adequate oils or fats may become rather complex with emerging additional requirements, like finding alternatives to palm oil – the oil that became itself an efficient substitute to partially hydrogenated fats when the trans fatty acids issue occurred in the nineties. Looking for optimised formulations should first and foremost focus on nutritional facts (reduction of saturated fatty acids – SAFA, reduction of fat contents when relevant) and functionality. As far as palm oil respond to the required specifications, too systematic attempts for avoiding it, may lead to less satisfactory options in terms of nutrition or quality result.
The main existing options are described and related to the dependence of the formulations to the ‘‘solid function’’ of fats : when possible, the changes have already or will be done (frying oils, certain applications in bakery fats…) ; in some cases (namely puff pastry), reduction of SAFA or fat content is much more critical.
The paper ends on regulatory aspects of food labelling as far as the ingredients specific origin and the nutrition facts will have to be mentioned by the end of 2016.
Key words: fats and oils / palm oil / formulation / texture / food labelling / regulation
© John Libbey Eurotext 2013
Approche fonctionnelle de l’emploi de l’huile de palme
Structure et fonctionnalités
Les fonctionnalités des corps gras sont directement liées à leurs compositions en acides gras et à la structure de leurs principaux constituants, les triglycérides. Cette structure qui correspond à la nature et à la position des acides gras sur le glycérol, conditionne les propriétés physiques (fusion, solidification par cristallisation) et rhéologiques1 mais également chimiques (notamment la stabilité) des corps gras.
La fusion, la solidification par cristallisation en des formes cristallines variées et variables (polymorphisme) selon les conditions influencent directement les propriétés rhéologiques. Le polymorphisme résulte de l’organisation spatiale des chaînes hydrocarbonées (arrangement latéral) et de l’empilement en strates des molécules de triglycérides (arrangement longitudinal) ; il existe deux principales catégories de variétés cristallines selon que les arrangements sont denses et compacts (formes β et β’) ou plus lâches (forme α) en fonction de la nature des interactions interchaînes (Cansell, 2005).
La dureté (ou la consistance) d’un corps gras dépend donc i) de sa composition en acides gras ; du plus dur au plus fluide : saturés (AGS) > [monoinsaturés trans (AGT)] > monoinsaturés cis (AGMI) > polyinsaturés (AGPI); ii) de sa structure triglycéridique qui influence l’importance du polymorphisme à l’état solide ; iii) des conditions de sa mise en œuvre : température et passé thermique (vitesse de refroidissement, donc de cristallisation), travail mécanique (agitation, pression ou cisaillement pendant la cristallisation).
Ainsi, les huiles végétales fluides à température ambiante (fondant à des températures inférieures à 15 °C) contiennent au maximum 15 % d’acides gras saturés et donc plus de 80 % d’acides gras insaturés; les graisses végétales de par leur teneur en acides gras saturés proche de 50 % (palme) et supérieure à 80 % (palmiste, coprah) sont semi-fluides (fondant entre 20 et 30 °C environ) ou solides (fondant au-delà de 30 °C) à température ambiante; ces caractéristiques leur confèrent des propriétés particulières dans les formulations dont la texture (onctuosité, croquant ou croustillant…) est en grande partie apportée par la matière grasse (Morin et al., 2012). Celle-ci, une fois incorporée, se trouve dans un état cristallisé ou semi-cristallisé aux températures de stockage et d’utilisation et conditionne propriétés rhéologiques et texture des produits finis différemment selon qu’elle se trouve en phase dispersée (émulsions) ou continue (Cansell, 2005).
La stabilité oxydative est également dépendante de la composition en acides gras et secondairement de la structure triglycéridique. La sensibilité vis-à-vis de l’oxydation est directement reliée au nombre d’insaturations (Morin et al., 2012). De ce fait, les matières grasses plus riches en acides gras saturés offrent une très bonne résistance à l’oxydation (ne rancissent pas rapidement) et aux traitements thermiques (stables en cuisson et friture).
Procédés de transformation et élargissement des fonctionnalités
Les procédés de transformation des corps gras ont deux objectifs principaux : 1) répondre à un besoin fonctionnel de matières grasses concrètes lié aux propriétés évoquées plus haut en matière de texturation par cristallisation; 2) améliorer la stabilité vis-à-vis des altérations oxydative et thermo-oxydative au cours des différentes utilisations.
Il existe trois procédés de transformation autorisés en alimentaire : l’hydrogénation, le fractionnement et l’interestérification.
L’hydrogénation est une transformation chimique qui a pour objectif de durcir une huile végétale et pour principe de fixer de l’hydrogène sur les doubles liaisons des acides gras insaturés. Selon le point d’avancement auquel est conduite la réaction, on obtient des produits partiellement hydrogénés à différents taux, caractérisés par une augmentation des teneurs en solide à une température donnée et des indices d’iode réduits; selon les conditions mises en œuvre, l’hydrogénation partielle des doubles liaisons s’accompagne de la formation plus ou moins importante d’isomères géométriques monoinsaturés trans (AGT). Par sa nature même, un corps gras totalement hydrogéné (saturation totale des doubles liaisons) ne contient plus d’AGT.
Etant donné les risques au niveau cardiovasculaire liés à une consommation excessive d’AGT, la technologie de l’hydrogénation partielle est aujourd’hui en nette perte de vitesse dans le secteur alimentaire (Morin et al., 2012).
Le fractionnement est un procédé physique qui consiste à faire cristalliser par un refroidissement selon un barème établi, les triglycérides les plus riches en AGS [SSS, SSI]2 d’un corps gras afin de pouvoir séparer une fraction solide (« stéarine ») de la fraction fluide (« oléine ») n’ayant pas cristallisé dans ces conditions de température étant donné sa composition du type [SII, III]3.
L’interestérification est une transformation conduite par voie chimique ou enzymatique qui a pour objet de modifier les propriétés rhéologiques du corps gras de départ (liées au ratio solide/liquide à une température donnée) en redistribuant les acides gras sur le glycérol (structure des triglycérides).
La combinaison d’un choix approprié de matières premières (huiles fluides ou semi-fluides, matières grasses concrètes) au besoin associé à la mise en œuvre de procédés de transformation ne générant pas d’acides gras trans, permettent d’apporter plus ou moins aisément selon les cas, fonction solide et degré de stabilité requis par les différentes applications (Kellens, 1998; Van Duijn, 2000 et 2005; Morin, 2007).
Cas de l’huile de palme
La composition en acides gras de l’huile de palme (voir tableau dans la contribution du Dr Lecerf dans le présent numéro) et la composition de ses triglycérides (figure 1) lui confèrent des caractéristiques fonctionnelles tout à fait particulières (stabilité, fonction solide), le plus souvent bien adaptées aux problématiques posées au début des années 2000, par la recherche de matières grasses alternatives contenant peu ou pas d’AGT.
Figure 1. Fractionnement de l’huile de palme – Caractéristiques comparées de teneurs en solide en fonction de la température pour l’huile de départ et les fractions fluide (oléine/80 %) et solide (stéarine/20 %) obtenues par cristallisation à 28 °C. Légende : P = acide palmitique et O = acide oléique – II : indice d’iode – Pf : point de fusion. D’après Faur L. Technologie du fractionnement. In : Karleskind A (Ed.), Manuel des Corps gras, Tome 2. Paris : Lavoisier Tec&Doc, 1992 : 931. |
Caractéristiques favorables aisément élargies par fractionnement, procédé particulièrement bien adapté à l’huile de palme du fait de sa composition (Morin et al., 2012).
La figure 1 présente les caractéristiques de teneurs en solide en fonction de la température, les PF et indices d’iode (proportionnels à l’insaturation) pour l’huile de palme et ses fractions oléine et stéarine.
Formuler avec ou sans huile de palme ?
Cette question doit avant tout être abordée en termes d’optimisation nutritionnelle (réduction des acides gras saturés au bénéfice de lipides insaturés, réduction des teneurs en matière grasse) et de fonctionnalité; selon les cas, les optimisations seront possibles, impossibles ou résulteront d’un nécessaire compromis.
En effet, selon le degré de dépendance de la formulation du produit fini à des caractéristiques fonctionnelles remplies par l’huile de palme (comportement à la cristallisation, teneur en solide à une température donnée), une recherche trop systématique d’alternative peut se révéler plus ou moins accessible et pas toujours plus satisfaisante au plan nutritionnel. A fortiori, quand il s’agit en même temps de ne pas modifier de manière conséquente les lignes de fabrication et de maintenir la qualité organoleptique des produits finis…
Fonction texturante de la matière grasse incontournable
Selon les cas, plusieurs options peuvent être examinées et au besoin associées :
-
emploi d’un corps gras de substitution : option souvent difficile en termes de filière d’approvisionnement (tonnages, régularité) et de fonctionnalité; certaines variétés nouvelles (non issues d’OGM) d’huiles conventionnelles, plus riches en acides gras saturés, sont à l’étude (R&D semenciers) ou en cours de développement mais les quantités disponibles sont encore limitées;
-
emploi de corps gras transformés :
-
par fractionnement : ressources limitées en dehors des fractions de l’huile de palme ou de corps gras d’origine animale,
-
par interestérification et/ou hydrogénation totale mais l’étiquetage « huile hydrogénée » ou « totalement hydrogénée », voire même la distinction hydrogénation totale/partielle reste peu explicite sans l’affichage complémentaire de la teneur en AGT (voir aspect réglementaire, ci-après);
-
-
formulation associant plusieurs des options précédentes;
-
réduction de la part d’huile de palme (en privilégiant un approvisionnement certifié au plan du développement durable) associée à une ou plusieurs des options précédentes;
-
emploi d’agents de texturation (fibres, glycérides…).
Qu’une ou plusieurs de ces options soient retenues, le résultat doit respecter les contraintes de fabrication (mise en œuvre dans les recettes) et de qualité du produit fini (aspects organoleptique et conservation); les situations seront différentes si il est question de modifier la recette d’un produit déjà commercialisé ou de développer un nouveau produit (pas de « référence »).
Des solutions, souvent inscrites dans une démarche d’optimisation nutritionnelle de réduction des acides gras saturés ou de la matière grasse, ont pu être mises en œuvre pour certaines applications en biscuiterie; toutefois, les produits de feuilletage restent les plus difficiles à reformuler dans ce contexte.
Fonction « solide » moins cruciale
Lorsque la formulation (recette) et les procédés le permettent, les solutions sont mises en œuvre et peuvent, là encore, s’inscrire dans le contexte plus large d’une réduction des apports en AGS : c’est le cas des huiles de friture (en IAA ou en RHF) qui on trouvé avec les variétés riches en acide oléique de l’huile de tournesol (et maintenant de colza), une alternative très satisfaisante en termes de stabilité, critère important pour cette utilisation.
Perspectives d’évolution réglementaire en matière d’étiquetage
Les dispositions réglementaires d’étiquetage sont en cours d’évolution depuis la publication le 22 novembre 2011, du règlement européen « information des consommateurs sur les denrées alimentaires »4 dont l’application intégrale sera effective à partir du 13 décembre 2016.
Auparavant et jusqu’à la fin des mesures transitoires prévues, les listes d’ingrédients des denrées alimentaires peuvent utiliser les désignations suivantes : « Huile [ou graisse ou matière grasse (MG)] végétale »; l’indication de l’origine spécifique de(s) huile(s) formulées peut également être spécifiée. Le qualificatif « hydrogénée » doit signaler l’emploi d’une huile (ou graisse ou MG) transformée par hydrogénation.
L’étiquetage à caractère nutritionnel ne devient obligatoire qu’en cas d’allégation nutritionnelle ou de santé portant sur l’un des constituants de la denrée alimentaire.
Dans la pratique, les désignations génériques du type « matière grasse végétale » sont plus souvent utilisées que l’indication du détail des huiles ou graisses de la composition; ceci est lié aux fluctuations des approvisionnements qui imposent des ajustements temporaires de composition incompatibles avec les contraintes de délai de modification des étiquettes.
Très rarement, l’emploi d’une huile hydrogénée peut être étiqueté avec la précision « totalement » ou « partiellement » ce qui donne indirectement une indication sur la possibilité de présence d’AGT (voir le paragraphe Hydrogénation).
Certains secteurs (margarinerie en particulier) ont choisi d’indiquer la quantité d’AGT (étiquetage volontaire) mais cette possibilité n’est plus permise par le règlement « information des consommateurs » (voir ci-après).
Ces dispositions réglementaires en matière d’étiquetage, font que la nature des huiles composant une désignation « huile ou graisse ou MG végétale » n’est généralement pas précisée dans la liste des ingrédients, d’où un manque de clarté pointé par les associations de consommateurs.
L’évolution de la réglementation étiquetage, progressivement mise en place d’ici à 2016, apporte des éléments de réponse à ces préoccupations :
-
La liste des ingrédients devra indiquer les noms spécifiques de chaque ingrédient dans l’ordre décroissant de leur importance pondérale; pour les huiles, en cas de mélanges aux proportions fluctuantes, il sera possible d’utiliser les termes génériques « huiles végétales » ou « graisses végétales » suivis de l’énumération des origines spécifiques et éventuellement complétée de la mention « en proportion variable ».
-
Même sans allégations, l’information nutritionnelle sera obligatoire : 7 indications de base parmi lesquelles énergie, lipides dont acides gras saturés et, de manière volontaire, notamment, acides gras mono- et polyinsaturés, vitamines.
-
Ne faisant pas partie de la déclaration nutritionnelle réglementaire, l’indication des teneurs en AGT ne sera plus possible (ni obligatoire, ni volontaire); toutefois les AGT doivent faire ultérieurement l’objet d’une étude d’impact puis d’un rapport de la Commission européenne.
-
L’indication huile (ou graisse) hydrogénée devra préciser « totalement » ou « partiellement » selon les cas (plus précis et impératif qu’actuellement).
En guise de conclusion…
Il est techniquement possible de répondre à la nécessité d’une fonction solide dans un contexte d’optimisation nutritionnelle visant la réduction des apports en acides gras saturés, mais quand une matière première disponible sur le marché comme l’huile de palme, répond de façon adaptée aux critères fonctionnels requis pour des applications particulières (incontournable fonction solide), les solutions se réduisent d’autant que le recours à l’hydrogénation partielle d’huiles fluides est pratiquement exclu.
Mais il ne faut jamais perdre de vue que l’équilibre nutritionnel s’entend pour un régime alimentaire (non pour chaque produit) et qu’en matière de lipides, les huiles végétales riches en acides gras insaturés (mono- et poly-) permettent un rééquilibrage nutritionnel global notamment vis-à-vis de consommations excessives en acides gras saturés liées aux habitudes alimentaires majoritaires dans les pays industrialisés (Rauzy, 2012).
Sur le plan réglementaire, l’évolution va dans le sens d’un compromis entre les attentes d’une plus grande transparence de la part des consommateurs et les contraintes rencontrées par l’industrie alimentaire : étiquetage des origines spécifiques dans la liste des ingrédients à l’horizon 2014 et affichage nutritionnel pour chaque produit fin 2016.
Conflits d’intérêts
aucun
Références
- Cancell M. Impact de la cristallisation des corps gras sur les propriétés de produits finis. OCL 2005 ; 12 : 427–431. [Google Scholar]
- Kellens M. Etat des lieux et évaluation des procédés de modification des matières grasses par combinaison de l’hydrogénation, de l’interestérification et du fractionnement – 1ère partie. OCL 1998 ; 5 : 384–391. [Google Scholar]
- Morin O. Huiles végétales et margarines : évolution de la qualité – Les solutions technologiques à la réduction des acides gras trans. Cah Nutr Diet 2007 ; 42 : 247–253. [Google Scholar]
- Morin O, Pagès-Xatart-Parès X. Huiles et corps gras végétaux : ressources fonctionnelles et intérêt nutritionnel. OCL 2012 ; 19 : 63–72. [CrossRef] [EDP Sciences] [Google Scholar]
- Rauzy C. Les principaux aliments vecteurs de lipides dans l’alimentation. OCL 2012 ; 19 : 73–75. [Google Scholar]
- Van Duijn G. Technical aspects of trans reduction in margarines. OCL 2000 ; 7 : 95–98. [Google Scholar]
- Van Duijn G. Technical aspects of trans reduction in modified fats. OCL 2005 ; 12 : 422–426. [Google Scholar]
Pour citer cet article : Morin O. Approche fonctionnelle de l’emploi de l’huile de palme Perspectives d’évolution réglementaire en matière d’étiquetage OCL 2013 ; 20(3) : 143–146. doi : 10.1051/ocl.2013.0505
Liste des figures
Figure 1. Fractionnement de l’huile de palme – Caractéristiques comparées de teneurs en solide en fonction de la température pour l’huile de départ et les fractions fluide (oléine/80 %) et solide (stéarine/20 %) obtenues par cristallisation à 28 °C. Légende : P = acide palmitique et O = acide oléique – II : indice d’iode – Pf : point de fusion. D’après Faur L. Technologie du fractionnement. In : Karleskind A (Ed.), Manuel des Corps gras, Tome 2. Paris : Lavoisier Tec&Doc, 1992 : 931. |
|
Dans le texte |
Les statistiques affichées correspondent au cumul d'une part des vues des résumés de l'article et d'autre part des vues et téléchargements de l'article plein-texte (PDF, Full-HTML, ePub... selon les formats disponibles) sur la platefome Vision4Press.
Les statistiques sont disponibles avec un délai de 48 à 96 heures et sont mises à jour quotidiennement en semaine.
Le chargement des statistiques peut être long.