Open Access
Issue
OCL
Volume 19, Number 2, Mars-Avril 2012
Page(s) 96 - 100
Section Dossier : Fonctionnalités des huiles
DOI https://doi.org/10.1051/ocl.2012.0447
Published online 15 March 2012

© John Libbey Eurotext 2012

Pouvez-vous tout d’abord nous rappeler les conditions du procédé de friture et plus spécialement en application industrielle ? Cette question vous conduira sûrement à faire le lien procédé-produit.

Le principe de ce procédé très ancien et largement répandu est bien connu : il s’agit de plonger un aliment dans un bain d’huile porté à une température maximum de 180 ̊C (160-180 ̊C) pendant un temps variable mais limité.

La température est un paramètre essentiel qui conditionne à la fois la qualité du produit frit et celle du bain d’huile.

Le temps de séjour en friture du produit est un autre paramètre important : si en cuisine ménagère ou en RHF (restauration hors-foyer) on parle de temps de friture (quelques dizaines de minutes en deux fois) et de nombre de cycles (limité, variable selon les produits frits – par exemple, inférieur à 10 pour la pomme de terre), en production industrielle continue, on parlera de « turnover period » ou taux de remplacement exprimé en heures et défini comme la quantité d’huile dans la friteuse rapportée à la quantité d’huile utilisée par heure (8 à 10 heures selon les équipements et les produits fabriqués).

La nature de l’aliment frit constitue le dernier facteur d’influence dans la mesure où les conditions du procédé pourront être modulées en fonction de ses caractéristiques, la qualité et la composition de l’huile de friture pouvant être modifiée selon l’aliment (en particulier s’il contient de la matière grasse).

Dans le cas de Mc Cain, le produit frit est la pomme de terre pour la production de frites pré-frites surgelées soit pour friteuse, soit pour cuisson au four. Le passage en friteuse est adapté en fonction du produit à fabriquer, de la coupe, et de son mode de préparation. Le couple temps/température va influencer la matière sèche, la texture interne, la croustillance et aussi la couleur. En général, on utilise des températures plus élevées pour améliorer la croustillance du produit.

Quelles sont les particularités liées au procédé mis en œuvre en friture industrielle ou au type de produit fabriqué, par exemple ici du pré-frit surgelé ?

Le procédé industriel de fabrication des frites pré-frites surgelées est le même que celui utilisé par la ménagère, à une échelle juste un peu plus importante (figures 1 et 2).

thumbnail Figure 1.

Schéma des étapes de production de frites pré-frites surgelées.

thumbnail Figure 2.

Ligne de production, entrée friteuse. Capacité 15 tonnes par heure. ©Copyright Mc Cain.

La capacité des lignes de production en France varie de 15 à 26 tonnes par heure. Sachant qu’il faut 2 kg de pommes de terre pour fabriquer un kilo de frites, cela représente 30 à 52 tonnes de pommes de terre utilisées par heure.

Les capacités des friteuses sont liées à ces volumes de production et au modèle. On peut trouver des friteuses avec un ou deux compartiments. Les volumes peuvent varier de 5 à 20 tonnes d’huile suivant les modèles utilisés.

Les temps de passage sont adaptés aux produits fabriqués et varient de 30 secondes à une minute 30. De même, les volumes d’huile consommés par heure se situent entre 1 et 2 tonnes d’huile. Ceci permet un renouvellement permanent de l’huile et des conditions très favorables pour éviter sa dégradation. L’huile est uniquement « consommée » par les frites et peu de déchets sont générés.

À la sortie de la friteuse, différents systèmes d’égouttage de l’huile peuvent exister : vibrations, flux d’air chaud, pulvérisation d’eau chaude…

Des systèmes de filtration de l’huile sont également utilisés pour éliminer les résidus présents dans l’huile et optimiser sa stabilité.

Pour sélectionner l’huile à utiliser, il ne faut pas oublier la surgélation. La vitesse de descente en température et la température à la sortie du tunnel de surgélation sont des critères à prendre en compte. L’objectif est de cristalliser l’huile le plus tôt possible dans le process pour éviter une prise en masse des produits après leur conditionnement. Ceci doit être intégré dans le choix du profil d’acides gras et du point de fusion de l’huile.

Rappelez-nous quelles sont les teneurs en matière grasse des principaux types de produits frits de pomme de terre (frites, pré-frites cuisson four, … chips). Connaît-on les paramètres qui vont jouer sur cette teneur résiduelle ?

La teneur en matière grasse est surtout liée au rapport surface/volume. On peut donc voir une influence de la coupe : plus les frites sont fines, plus elles contiendront de matière grasse ; ceci explique aussi pourquoi les chips affichent des teneurs plus élevées en matières grasses (tableau 1).

Tableau 1.

Produits de pommes de terre : valeurs moyennes de teneurs en matières grasses.

Comparées à des frites « maison », la teneur en matières grasses des produits surgelés est, en tendance, légèrement plus basse. Ceci est surtout dû au fait que la matière première est sélectionnée et que le process de fabrication est très bien maîtrisé.

Venons-en à présent aux principaux critères de sélection d’une huile pour friture (pour Mc Cain). On imagine bien que la résistance de l’huile aux conditions du procédé est un facteur primordial; de même que son adaptation aux contraintes particulières de fabrication, mais on parle de plus en plus de qualité nutritionnelle (élimination des acides gras trans, diminution des acides gras saturés, optimisation des apports en acides gras insaturés); comment tous ces aspects sont-ils traités dans ce type d’applications friture ?

La stabilité de l’huile aux températures et dans les conditions de la friture est bien entendu un critère attendu. D’une manière générale, c’est le respect de bonnes pratiques qui va conditionner un comportement optimal des huiles végétales utilisées à chaud et plus particulièrement en friture : pas plus de 175-180 ̊C, nombre de cycles ou taux de remplacement limités; faute de quoi les huiles s’altèrent significativement et ce, d’autant plus rapidement qu’elles sont riches en acides gras polyinsaturés (AGPI). Les huiles riches en acides gras saturés (AGS) ou mono-insaturés (AGMI) résisteront plus longtemps à chaud que des huiles très polyinsaturées.

D’un point de vue nutritionnel, les recommandations incitent à réduire significativement la part des AGS de notre alimentation après avoir pointé avec insistance et succès celle des acides gras trans (AGT) d’origine technologique; parallèlement, nous sommes encouragés à augmenter la part des AGMI et à optimiser nos apports en AGPI.

Parmi les huiles contenant peu d’AGS, certaines sont riches en AGMI (tournesol oléique, colza oléique, olive), d’autres en AGMI avec des AGPI (colza) et d’autres encore sont riches en AGPI (tournesol); l’huile de palme contient pratiquement autant d’AGS que d’AGMI (figure 3).

thumbnail Figure 3.

Sélection de quelques huiles végétales classées par catégorie d’acides gras (AGS : acides gras saturés – AGMI : acides gras mono-insaturés – AGPI : acides gras polyinsaturés, linoléique C18:2 n-6 et alphalinolénique C18:3 n-3).

Dans le contexte d’une utilisation en friture, il s’agit de trouver le meilleur compromis entre un profil en acides gras plutôt insaturé ou réduit en AGS (et sans AGT) et une stabilité optimale dans les conditions mises en œuvre; en effet, il s’agit de limiter au maximum les dégradations thermo-oxydatives conduisant à la formation de différents composés d’oxydation (polaires) et autres indésirables pouvant avoir un impact santé. La formation de composés d’altération polaires est d’ailleurs encadrée par la réglementation nationale (teneurs en composés polaires < 25 % et/ou polymères de triglycérides < 14 %; les niveaux de ces deux catégories de marqueurs d’altération thermo-oxydative étant corrélés - décret n̊ 2008-184 de février 2008, article 8).

C’est probablement à ce niveau du meilleur compromis à trouver qu’il vous faut évoquer d’autres critères importants et évolutifs dont la prise en compte ont amené Mc Cain à faire évoluer régulièrement la qualité de ses huiles de friture.

En effet, le choix d’une nouvelle huile (ou mélange d’huiles) de friture doit composer également avec des critères portant sur la facilité d’approvisionnement (ou la disponibilité sur le marché), sur le prix (qui va impacter le prix de vente du produit fini), sur l’image des huiles (respect des filières, sécurité sanitaire garantie, OGM, empreinte environnementale, historique), sur des contraintes technologiques particulières au produit pré-frit surgelé (éviter la prise en masse du produit lors de la solidification de l’huile à la surgélation) et bien entendu sur la qualité organoleptique (goût, odeur, texture) du produit fini.

La disponibilité des huiles sur le marché dépend des volumes produits (par part décroissante de la production mondiale des huiles végétales brutes : palme, 33 %; soja, 28 %; colza, 15 %; tournesol, 8 %; arachide, 3 %; olive, 2,5 %) et/ou de la spécificité plus ou moins grande de leurs débouchés; ce dernier aspect concerne en particulier les variétés oléiques (tournesol, colza notamment).

En ce qui concerne les prix, l’huile de tournesol est 60 % plus chère que l’huile de palme et l’huile de tournesol oléique 30 % plus chère que le tournesol conventionnel (quant à l’huile d’olive, elle est 4 fois plus chère que l’huile de palme); dans un contexte général de montée des prix des matières premières agricoles et de spéculation…

L’image de marque des huiles n’est pas la même dans tous les pays : ainsi en Espagne, le colza est encore perçu négativement suite à une grave crise alimentaire ayant entraîné des morts, survenue dans les années 1980 avec une huile de colza dénaturée et frauduleusement remise en vente.

L’huile de palme souffre actuellement d’une image négative dans certains pays européens à cause des problèmes environnementaux et de biodiversité posés par la déforestation liée au développement des palmeraies principalement en Indonésie.

En ce qui concerne les aspects organoleptiques, la qualité du produit frit est bien perçue au niveau du goût avec les huiles de tournesol, d’arachide ou de palme; des odeurs agréables de produit frit sont souvent associées aux fritures dans le tournesol et l’arachide; la présence d’acide linolénique (C18:3) génère a minima une odeur de verdure au-dessus du bain de friture.

En considérant les principales huiles disponibles sur le marché au regard de ces différents critères, peut-on retracer l’évolution des options huiles pour friture sur les vingt dernières années ?

Le critère de résistance aux conditions du procédé a longtemps prévalu avec l’emploi d’huiles végétales fluides partiellement hydrogénées (HVPH) pour les enrichir en AGS, puis (fin des années 1990 début 2000) l’emploi de l’huile de palme (50 % d’AGS, approvisionnement aisé) lorsque s’est posée la question de l’impact nutritionnel négatif d’une consommation excessive d’acides gras trans apportés par notamment par ces HVPH; aujourd’hui, comme évoqué précédemment, les objectifs nutritionnels ciblent les AGS qui doivent être apportés en moindre quantité au bénéfice des acides gras insaturés.

Parallèlement, l’offre en huiles végétales a évolué et les nouvelles variétés riches en acide oléique (AGMI), d’abord le tournesol et plus récemment le colza (figure 3), ont été sans conteste un moteur du développement d’options innovantes notamment en application friture sous forme de mélanges (avec les variétés conventionnelles ou d’autres huiles).

Ainsi, pour Mc Cain, l’optimisation des huiles de friture débute dès 1995 avec l’engagement 1 % d’AGT, se poursuit avec une stratégie de réduction de 40 % des AGS à partir de 2006 (diminution à 50 % de l’huile de palme consommée) et depuis 2008, l’engagement à poursuivre l’augmentation de la part des acides gras insaturés qui se traduit depuis 2011 (figure 4), par l’emploi exclusif d’huiles de tournesol (variétés conventionnelle et oléique). La suppression progressive de l’huile de palme de nos approvisionnements s’inscrit donc avant tout dans une logique de baisse de la part des AGS dans nos huiles.

thumbnail Figure 4.

Composition du nouveau mélange d’huile utilisé pour tous les produits de pomme de terre par Mc Cain en Europe continentale.

Vous avez cité le colza parmi les nouvelles variétés oléique arrivant sur le marché. Pourquoi n’avez-vous pas envisagé d’utiliser cette option ?

Notre politique nutritionnelle est une politique européenne et nous souhaitons qu’elle soit identique dans tous les pays où nous commercialisons nos produits. C’est pour cela que nous avons choisi une seule huile pour l’ensemble de nos gammes, qu’elles soient vendues en grande distribution ou en restauration hors foyer. Dans ce cadre, étant donné l’historique de l’huile de colza en Espagne, nous nous devions de ne pas incorporer cette huile dans notre mélange.

D’autre part, l’huile de colza classique présente quelques inconvénients, en particulier l’odeur qu’elle peut développer au chauffage.

En ce qui concerne les variétés de colza à faible teneur en acide linolénique qui commencent à apparaître sur le marché, leur disponibilité est à ce jour insuffisante pour satisfaire la demande. C’était le cas il y a quelques années pour le tournesol oléique, ce qui nous a en partie obligés à patienter pour changer notre huile.

Avez-vous envisagé de n’utiliser que du tournesol oléique ?

Non car nous souhaitions que notre mélange contiennent une part encore significative d’AGPI (acide linoléique, C18:2 oméga-6) mais aussi pour une question de comportement à la cristallisation lors de la surgélation créant une agglomération des frites entre elles dans les sachets, comme évoqué précédemment.

Ce nouveau mélange d’huiles de tournesol est donc utilisé pour toutes vos fabrications en Europe. Avez-vous perçu une appréciation différente de vos produits par les consommateurs ? Avez-vous constaté des différences d’évolution des produits au stockage ?

Cette nouvelle huile est dédiée à tous les produits de pommes de terre commercialisés en Europe continentale.

Avant de décider définitivement le changement de notre mélange d’huiles, nous avons réalisé des tests consommateurs pour un ensemble de produits commercialisés dans différents pays. Nous avons aussi suivi l’évolution de la dégradation éventuelle de l’huile au cours de la conservation des produits. Les résultats de ces tests ont montré que les consommateurs ne détectaient pas de modification organoleptique de ces produits. D’autre part, l’huile choisie étant très stable, elle ne subit pas de modification au cours du stockage.

Vous maîtrisez la qualité des frites pré-frites surgelées à cuire au four mais que recommandez-vous pour la préparation des frites pré-frites surgelées pour friteuse (en restauration collective ou à la maison) ?

En effet dans ce cas, la qualité de l’huile absorbée par la frite dépend davantage de l’huile que va utiliser le consommateur ou le restaurateur que de celle du fabricant. En gros, 80 % de l’huile présente dans les frites de l’assiette du consommateur provient de l’huile choisie par l’utilisateur de nos produits et 20 % de l’huile utilisée en usine.

Nous recommandons d’utiliser de préférence un mélange d’huiles pour friture (à base de tournesol conventionnel et de tournesol oléique) qui se rapprochera au mieux de l’huile de nos fabrications.

Liste des tableaux

Tableau 1.

Produits de pommes de terre : valeurs moyennes de teneurs en matières grasses.

Liste des figures

thumbnail Figure 1.

Schéma des étapes de production de frites pré-frites surgelées.

Dans le texte
thumbnail Figure 2.

Ligne de production, entrée friteuse. Capacité 15 tonnes par heure. ©Copyright Mc Cain.

Dans le texte
thumbnail Figure 3.

Sélection de quelques huiles végétales classées par catégorie d’acides gras (AGS : acides gras saturés – AGMI : acides gras mono-insaturés – AGPI : acides gras polyinsaturés, linoléique C18:2 n-6 et alphalinolénique C18:3 n-3).

Dans le texte
thumbnail Figure 4.

Composition du nouveau mélange d’huile utilisé pour tous les produits de pomme de terre par Mc Cain en Europe continentale.

Dans le texte

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