Numéro |
OCL
Volume 18, Numéro 2, Mars-Avril 2011
Dossier : Vitamines liposolubles
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Page(s) | 83 - 87 | |
Section | Nutrition – Santé | |
DOI | https://doi.org/10.1051/ocl.2011.0370 | |
Publié en ligne | 15 mars 2011 |
Vitamine E et physiologie du tissu adipeux
1
Inra, UMR1260 “Nutriments Lipidiques et Prévention des Maladies Métaboliques”, F-13385 Marseille, France
2
Université Aix-Marseille 1, Université Aix-Marseille 2, Faculté de Médecine, 27 Boulevard Jean Moulin, 13385 Marseille Cedex 5
Abstract
Vitamin E constitutes a family of eight molecules well-known for its antioxidant properties and its essentiality in fertility. Its ability to regulate gene expression is more and more described and could be a major actor of its biological activity. Adipose tissue which is the main store site of vitamin E within the body is also subjected to the regulatory effect of vitamin E. These regulations could strongly impact adipose tissue physiology.
Key words: vitamin E / tocopherols / tocotrienols / adipocytes / adipose tissue / gene expression / adipokines
© John Libbey Eurotext 2011
La vitamine E, qui correspond à une famille de huit molécules est bien connue pour son pouvoir antioxydant et son caractère indispensable à la fertilité. Sa capacité à réguler l’expression génique est de plus en plus décrite et pourrait bien être le principal vecteur de son activité biologique. Le tissu adipeux, qui constitue la principale réserve de vitamine E de l’organisme est également soumis à diverses régulations médiées par la vitamine E. Celles-ci pourraient avoir un impact fort sur la physiologie du tissu adipeux.
Apports Nutritionnels conseillés (d’après Martin, 2001).
Quelques généralités
Le terme générique vitamine E regroupe deux grands groupes de molécules : les tocophérols et les tocotriénols, comprenant chacun 4 vitamères α, β, γ et δ (Jensen et Lauridsen, 2007 ; Aggarwal et al., 2010 ; Brigelius-Flohe, 2009 ; Azzi, 2007 ; Traber et Atkinson, 2007). Leurs structures chimiques se composent d’un cycle chromanol mono-, di-, ou tri-méthylé auquel est rattachée une chaîne latérale à 16 atomes de carbone, de structure isoprénique (figure 1). Cette chaîne permet de définir les deux grandes familles : les tocophérols, à chaîne latérale saturée et les tocotriénols, avec une chaîne latérale présentant trois insaturations. La désignation α, β, γ ou δ dépend du nombre et de la position des groupements méthyles sur le cycle aromatique. Dans le cas des tocophérols, l’existence de trois carbones assymétriques (en position 2 du cycle chromanol, 4’ et 8’ de la chaine latérale) permet l’existence de huit stéréo-isomères. Si la forme naturelle est le RRR-α-tocophérol, la forme de synthèse est un mélange racémique (RRR, RRS, RSS, RSR, SSS, SRR, SSR, SRS) dénommé all-rac-α-tocophérol, dont l’efficacité biologique est différente, comme nous le verrons ultérieurement.
Figure 1. Structure des différents vitamères de la vitamine E. |
Initialement identifiée comme un composé nécessaire à la reproduction des rats en 1922 (Evans et Bishop, 1922), les propriétés antioxydantes de la vitamine E furent décrites en 1937. L’activité vitaminique de la vitamine E, définie par la capacité à prévenir la mort des embryons chez des rattes gestantes carencées en vitamine E, est exprimée en tocophérols-équivalent (activité de 1 mg de RRR-α-tocophérol), ou en unité internationale (la référence est dans ce cas 1 mg de all-rac-α-tocophérol acétate). Si le all-rac-α-tocophérol a été utilisé comme référence pour les unités internationales, le RRR-α-tocophérol qui correspond à la forme naturelle est la plus biologiquement active, malgré un pouvoir antioxydant identique. Le γ-tocophérol quant à lui présente une activité biologique de l’ordre de 10 à 30 % de celle de l’α-tocophérol (Jiang et al., 2001).
Les principales sources de vitamine E
Dans notre alimentation, les céréales et les huiles constituent la source majeure de vitamine E. Les formes les plus fréquemment rencontrées sont le RRR-α et le RRR-γ-tocophérol. Les fruits et les légumes, bien que leurs teneurs en vitamine E soient faibles, contribuent pour environ 15 % aux apports en vitamine E.
En Europe, l’α-tocophérol est la forme majoritairement consommée, tandis qu’aux États-Unis, le γ-tocophérol correspond à environ 70 % des apports en vitamine E. Cette différence s’explique par des différences d’habitudes alimentaires et notamment le recours important aux huiles végétales de mais, soja ou sésame aux États-Unis (Jiang et al., 2001).
Les apports conseillés en vitamine E
Les apports nutritionnels conseillés (ANC) en vitamine E sont variables en fonction de l’âge et de l’état physiologique (Martin, 2001). Ainsi les besoins en vitamine E des adultes sont estimés à 12 mg par jour tandis que chez les enfants, ils sont compris entre 4 et 11 mg (tableau 1). Chez les personnes âgées, compte tenu de l’effet potentiellement bénéfiques sur un certain nombre de pathologies dégénératives, ils ont été fixé entre 20 et 50 mg par jour.
Des carences en vitamine E peuvent conduire notamment à des atteintes neuromusculaires ou des lésions rétiniennes (Banks et al., 2010). Ces carences s’observent dans certains cas de malabsorption lipidique (cholestase, abetalipoprotéinemie…). Il existe également une pathologie rare et mortelle dans les pays occidentaux, connue sous le nom d’ataxie vitamine E-dépendante, causée par une mutation de l’α-tocopherol tranfert protein (α-TTP) qui provoque une forte carence en vitamine E (Gohil et Vasu, 2010).
Absorption et métabolisation de la vitamine E
La vitamine E n’est pas dégradée dans le haut du tube digestif humain (Borel et al., 2001). Seule une partie de la vitamine E contenue dans les aliments est absorbée. La digestion de la vitamine E suit celle des lipides alimentaires. Elle est incorporée dans les micelles mixtes issues de la digestion des lipides et est absorbée dans le duodénum. Les transporteurs scavenger receptor type B1 (SR-B1) (Reboul et al., 2006) et Niemann-Pick C1-like 1 (NPC1L1) (Narushima et al., 2008) sont impliqués dans cette absorption. Il est admis que la vitamine E est incorporée sous forme libre dans les chylomicrons. Ce processus implique la MTP (microsomal triglycerides transfert protein ; (Anwar et al., 2007)). En cas de faible apport alimentaire de lipides ne permettant pas la sécrétion de chylomicrons, une partie de la vitamine E semble être excrétée dans les HDL d’origine intestinale par un transporteur de la famille des ATP binding cassettes : ABCA1 (Anwar et al., 2006, Reboul et al., 2010). La vitamine E restant dans les chylomicrons résiduels, c’est-à-dire celle qui n’a pas été échangée avec d’autres lipoprotéines ou distribuée aux tissus périphériques lors de la lipolyse par les lipases endothéliales, est captée par le foie. L’α-tocophérol est incorporé dans les very low density lipoprotein (VLDL), selon un mécanisme non élucidé, ce qui va permettre sa distribution aux tissus périphériques. Cette incorporation met en jeu l’α-tocopherol tranfert protein (α-TTP), qui possède une stéréospécificité forte pour le RRR-α-tocophérol, ce qui explique la prépondérance de ce vitamère dans le plasma (Traber, 2007). En effet, la concentration plasmatique d’α-tocophérol est comprise entre 12 et 35 μM tandis que la concentration en γ-tocophérol est 4 à 10 fois plus faible (Jiang et al., 2001). De même, la concentration plasmatique suite à une supplémentation augmente moins avec la all-rac-tocophérol qu’avec le RRR-α-tocophérol (Burton et al., 1998), ceci semble être en grande partie dÛ à la haute spécificité de l’α-TTP vis-à-vis du RRR-α-tocophérol (Traber, 2007), ainsi qu’à une dégradation du all-rac-tocophérol plus rapide que celle du RRR-tocophérol.
La vitamine E se répartit entre les différentes classes de lipoprotéines par des échanges dépendants de la plasma phospholipid transfer protein (PLTP) (Lemaire-Ewing et al., 2010). La captation de la vitamine E au niveau tissulaire pourrait faire intervenir soit le catabolisme des lipoprotéines sous l’action de la lipase endothéliale, soit un captage direct après endocytose des LDL ou des HDL. Le rôle du transporteur lipidique SR-B1 a été mis en évidence dans le captage cellulaire de la vitamine E par différents tissus (Mardones et al., 2002). Le transport intracellulaire de la vitamine E pourrait faire intervenir des transporteurs spécifiques appelés tocopherol associated protein (TAP), toutefois leurs propriétés et leurs fonctions restent à élucider (Zingg et al., 2008).
Toutes les formes de vitamine E sont dégradées au niveau hépatique par un mécanisme commun d’ ω-hydroxylation catalysée par des enzymes à cytochrome P450 suivie d’une β-oxydation (Brigelius-Flohe et Galli, 2010). Cette voie métabolique est commune avec celle des xénobiotiques. Les produits finaux ainsi obtenus (carboxyethyl hydroxychromanes (CEHC)) conservent leur noyau chromanol intact mais présentent une chaîne latérale raccourcie. Les CEHC sont conjugués à l’acide glucuronique ou sulfatés puis éliminés par voie biliaire ou urinaire.
Il existe une forme phosphorylée de l’α-tocophérol, présente en petites quantités dans divers échantillons biologiques (plasma, tissus…) qui proviendrait d’une phosphorylation de l’α-tocophérol suggérant l’existence d’une α-tocophérol kinase/phosphatase. De nouvelles activités biologiques seraient associées à ce métabolite de la vitamine E, mais sa fonctionnalité n’est pas encore clairement établie (Zingg et al., 2010).
Le tissu adipeux, un site majeur de stockage de la vitamine E
La vitamine E absorbée est retrouvée dans différents organes mais on estime que 90 % de la quantité totale de vitamine E est stockée dans le tissu adipeux (Traber et Kayden, 1987), plus précisément dans la gouttelette lipidique des adipocytes, la fraction stroma-vasculaire ne contenant qu’une très faible quantité de vitamine E. Ce pool de vitamine E comprend environ 2/3 d’α-tocophérol et 1/3 de γ-tocophérol (Burton et al., 1998). Les tocotriénols sont quant à eux difficilement détectables. Cependant, une supplémentation chez l’animal aboutit à une augmentation de la concentration en tocotriénols dans le tissu adipeux (Ikeda et al., 2001). Si le statut plasmatique en vitamine E peut être fortement modifié en quelques jours par l’alimentation, le stock adipocytaire est en revanche beaucoup plus stable et donne une idée à long terme des apports en vitamine E. Seule une supplémentation d’un an est capable d’augmenter significativement la quantité de vitamine E du tissu adipeux (Handelman et al., 1994). Cette stabilité (de l’ordre de plusieurs années) fait que ce stock est faiblement mobilisable lors de l’arrêt de supplémentation. Cependant, il a été récemment montré que la vitamine E présente dans le tissu adipeux peut être très rapidement (quelques semaines) mobilisable dans des conditions particulières d’hypermétabolisme, qui apparaît suite à des brÛlures sévères chez l’enfant (Traber et al., 2010).
Mode d’action de la vitamine E : le débat est ouvert
Le caractère hydrophobe de la vitamine E lui permet de s’insérer dans les membranes biologiques riches en acides gras polyinsaturés où elle joue un rôle protecteur efficace en empêchant la propagation de la peroxydation lipidique induite par les espèces réactives de l’oxygène (Traber et Atkinson, 2007). Elle agirait de même à la surface des lipoprotéines. L’oxydation de l’α-tocophérol conduit à un radical tocophéryl relativement stable, du fait du noyau chromanol. Ce radical peut être secondairement régénéré en présence de vitamine C ou d’autres réducteurs servant de donneurs d’hydrogène dont les thiols et plus particulièrement le glutathion. En l’absence de ces derniers, la vitamine E pourrait présenter des effets pro-oxydants démontrés in vitro (Bowry et al., 1992).
Si cet effet antioxydant semble bien établi in vitro, in vivo les preuves de cet effet antioxydant restent peu nombreuses et fragiles (Brigelius-Flohe, 2009). Ainsi, il a été postulé, sur la base d’études épidémiologiques, que la vitamine E pourrait avoir un rôle bénéfique vis-à-vis des pathologies dégénératives (maladies cardiovasculaires, pathologies neurodégénératives, pathologies oculaires…) dans lesquelles les espèces réactives de l’oxygène semblent être impliquées. Des études d’intervention ont été entreprises afin de montrer un rôle préventif de la vitamine E notamment sur la prévalence des maladies cardiovasculaires. Les résultats obtenus n’ont pas permis de valider ces hypothèses. À l’inverse, deux méta-analyses récentes ont conclu à une augmentation de la mortalité toute cause confondue dans les populations de sujets supplémentés (Miller et al., 2005 ; Bjelakovic et al., 2007), tandis que d’autres méta-analyses réfutent ces résultats (Abner et al., 2011 ; Berry et al., 2009), ou montrent à l’inverse une diminution du risque de mortalité liée à des maladies cardiovasculaires (Pocobelli et al., 2009). Les validations chez l’homme restent donc très difficiles à obtenir et sont pour l’instant sujet à controverse. L’effet antioxydant de la vitamine E est donc largement remis en cause aujourd’hui notamment in vivo.
En parallèle de ces travaux sur les effets antioxydants, des études récentes ont montré que la vitamine E est capable de moduler l’expression de gènes via un certain nombre de voies de signalisation et de récepteurs nucléaires (Azzi, 2007). En effet, il a été décrit que l’α- et le γ-tocotriénol, ainsi que l’α- et le γ-tocophérol dans une moindre mesure, sont des ligands de pregnane X receptor (PXR), un récepteur nucléaire impliqué dans le métabolisme de xénobiotiques ainsi que dans le catabolisme de la vitamine E (Landes et al., 2003). Il a aussi été mis en évidence que l’α-tocophérol agit spécifiquement comme un inhibiteur de l’activité de la protéine kinase C (PKC) via une modulation de son degré de phosphorylation (Ricciarelli et al., 1998). L’α-tocophérol est également capable de moduler les niveaux d’activation des facteurs de transcription comme le nuclear factor κB (NF-κB) et l’activator protein-1 (AP-1) (Maggi-Capeyron et al., 2001). Nous avons montré que la vitamine E est capable de réguler l’expression de gènes dont l’expression est dépendante du récepteur nucléaire peroxisome proliferator activated protein γ (PPARγ; (Landrier et al., 2009)) et que l’α-tocophérol module la synthèse endogène de cholestérol et d’oxystérols en modulant probablement le clivage des sterol response element binding proteins (SREBPs; (Landrier et al., 2010)). Ces régulations géniques expliqueraient en grande partie les nombreux effets non antioxydants de la vitamine E. Il est important de souligner que les mécanismes moléculaires ne sont pas spécifiques à la vitamine E, celle-ci utilise des voies de signalisations communes à de nombreux autres modulateurs de l’expression génique.
Effets de la vitamine E sur la biologie du tissu adipeux
Bien que le tissu adipeux ait été décrit depuis longtemps comme un site de stockage des tocophérols, l’étude de l’impact de la vitamine E sur la physiologie du tissu adipeux n’a été que récemment entreprise. Ainsi, l’effet de la vitamine E sur l’adipogènese a été récemment évalué, il apparaît que les différents vitamères n’ont pas les mêmes effets sur différenciation adipocyte (Uto-Kondo et al., 2009) : si l’α-tocopherol semble avoir un effet stimulant sur l’expression de PPARγ et l’accumulation de lipides au cours de la différenciation, les tocotriénols (α et γ) ont pour leur part un effet inhibiteur sur l’expression de PPARγ ainsi que sur un certain nombre d’autres marqueurs de la différenciation adipocytaire. Ces effets se traduisent par une diminution de l’accumulation de triglycérides accumulés. La diminution de la phosphorylation d’AKT en présence d’insuline mise en évidence pourrait être à l’origine de l’effet inhibiteur des tocotriénols mis en évidence.
Cet intérêt de la description des effets des tocophérols sur le tissu adipeux intervient alors que ce tissu, longtemps considéré uniquement comme un site de stockage de l’énergie sous forme de triglycérides, apparaît aujourd’hui comme un tissu présentant une fonctionnalité endocrine forte. En effet il est à présent admis que ce tissu synthétise et sécrète nombre de molécules actives sur l’homéostasie générale, que l’on appelle les adipokines. Parmi ces protéines, l’adiponectine a été particulièrement étudiée. Cette protéine de 30-kDa est synthétisée principalement par l’adipocyte (Lara-Castro et al., 2007). La concentration plasmatique de l’adiponectine est connue pour etre diminuée dans certaines conditions physiopathologiques dont l’obésité ou le syndrome métabolique. L’adiponectine est impliquée dans la régulation du métabolisme glucidique et lipidique. Elle présente notamment des propriétés insulino-sensibilisatrices, induisant ainsi une augmentation du captage de glucose et de l’oxydation lipidique au niveau musculaire (Rosen et Spiegelman, 2006 ; Lara-Castro et al., 2007 ; Oh et al., 2007). Elle augmente aussi l’oxydation lipidique et supprime la néoglucogenèse, le captage des acides gras et la lipogenèse au niveau hépatique. Sur la base de ces effets associés à l’homéostasie et au métabolisme énergétique, toutes les stratégies visant à augmenter son expression pourraient avoir un effet préventif ou thérapeutique sur la survenue de l’insulino-résistance ou du diabète de type 2.
Dans ce contexte, nous nous sommes intéressés à l’effet de l’α-tocophérol et du γ-tocophérol sur l’expression de l’adiponectine. L’induction de cette dernière, mise en évidence chez des souris gavées avec du γ-tocophérol, a été confirmée in vitro sur modèle cellulaire adipocytaire 3T3-L1 avec le γ-tocophérol mais aussi l’α-tocophérol, indépendamment de leur fonction antioxydante (Landrier et al., 2009). Compte-tenu du rôle clé de PPARγ dans la régulation de l’adiponectine, nous nous sommes intéressés à l’implication de ce récepteur nucléaire dans cette régulation, en utilisant un antagoniste spécifique de PPARγ abolissant l’induction de l’adiponectine par les tocopherols. Nous avons enfin montré que les tocopherols ne sont pas des ligands de PPARγ mais agissent via ce récepteur nucléaire en modulant la quantité intracellulaire de 15d prostaglandine J2 (15d PGJ2), un ligand bien connu de PPARγ.
Ces données ont été confirmées ultérieurement dans un modèle de rat rendu obèse (régime riche en graisse), supplémenté en vitamine E avec une augmentation de la synthèse d’adiponectine par le tissu adipeux, se traduisant par une augmentation de la concentration plasmatique d’adiponectine (Shen et al., 2010). Cependant, dans cette étude il a également été montré une diminution de la synthèse et de la concentration plasmatique de leptine alors qu’un effet inducteur de la vitamine E sur le taux plasmatique de leptine avait été rapporté chez l’homme (Isermann et al., 1999). L’origine de cette différence demeure inconnue.
On constate donc que les données accumulées sur la régulation génique médiée par la vitamine E dans le tissu adipeux et/ou les adipocytes restent parcellaires. Cependant, la modulation de l’expression de l’adiponectine ou de la leptine, deux protéines largement impliquées dans l’homéostasie énergétique et le métabolisme général, ainsi que l’implication de PPARγ et de ses ligands dans ces phénomènes laisse présager des effets bien plus vastes aux conséquences métaboliques importantes.
Conclusion
Le rôle de la vitamine E sur la physiologie du tissu adipeux commence à être décrit. Cependant, de très nombreuses questions subsistent : comment se fait le captage de la vitamine E dans les adipocytes ? Quels sont les mécanismes liés à son trafic intracellulaire, sa mise en réserve dans la gouttelette lipidique et sa mobilisation ? PPARγ est connu pour être impliqué dans les processus inflammatoires, en plus de son rôle régulateur sur les métabolismes lipidiques et glucidiques. Puisque la vitamine E induit l’expression d’un certain nombre de gènes cible de PPAR γ, nous pouvons aussi nous interroger sur le potentiel antiinflammatoire de la vitamine E dans l’adipocyte. Enfin, il n’existe à ce jour aucune donnée sur l’effet de la vitamine E sur la balance lipogenèse/lipolyse. Toutes ces questions constituent autant de pistes de recherche pour les années à venir, qui pourront peut-être participer à expliquer les effets santé de la vitamine E, indépendamment de leur effets antioxydants.
Remerciements
Je tiens à remercier Marie-Josèphe Amiot-Carlin pour la relecture attentive de ce manuscrit et ses conseils avisés.
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Pour citer cet article : Landrier JF. Vitamine E et physiologie du tissu adipeux. OCL 2011 ; 18(2) : 83–87. doi : 10.1051/ocl.2011.0370
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Figure 1. Structure des différents vitamères de la vitamine E. |
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