Numéro |
OCL
Volume 17, Numéro 5, Septembre-Octobre 2010
Dossier : Les complémentarités oléagineux/protéagineux (agronomie, nutrition)
|
|
---|---|---|
Page(s) | 301 - 311 | |
Section | Agronomie – Environnement | |
DOI | https://doi.org/10.1051/ocl.2010.0332 | |
Publié en ligne | 15 septembre 2010 |
Diversifier les rotations céréalières notamment avec du pois et du colza – Données récentes d’expérimentations et d’études
1
UNIP, Union Nationale Interprofessionnelle des plantes riches en Protéines, 12 avenue George V, 75008 Paris, France
2
CETIOM, Centre de Grignon, 78 850 Thiverval Grignon, France
3
Chambre d’Agriculture de la Nièvre, 25 boulevard Léon Blum, BP 80, 58028 Nevers Cedex, France
4
INRA, UMR Agronomie, Bâtiment EGER, 78 850 Thiverval-Grignon, France
5
ART, Agroscope Reckenholz Tänikon, Reckenholzstrasse 191, 8046
Zürich, Suisse
Abstract
Simplification has been a clear trend in the composition of French crop rotations in the past decades, whereas agronomic knowledge proves the interest of diversification in order to benefit from the so called “preceding effects” and “cumulative effects”. It is needed to study the possible input of crops such as rape seed or pea for the cereal-based rotations in agronomic terms but also in economic and environmental terms. The first step is to quantify the impacts specifically due to the change in crop succession composition, and afterwards to allocate an objective economic value to them so that they are easy to integrate into comparisons of production systems. The regional case studies of a current multi-partner project enable to illustrate the economic and environmental evaluation of alternatives to the rotation “Oilseed rape – Wheat – Barley”. In addition, the recent field experiment data of this project (farm tests or experimental trials) provide technical and scientific elements on technical feasibility and the economic performance of the innovative succession “pea before rape seed”, but also on the interest of the introduction of symbiotically fixed nitrogen in crop rotations in order to decrease the negative environmental impacts of mineral fertilisers-based systems. Diversification of crops and nitrogen fixation appear to be two key elements for (i) competitiveness, when at least the agronomic effects are taken into account, and (ii) sustainable systems, when one considers the preservation of farm potential and of the environment.
Key words: crop rotation / crop system competitiveness / environmental impacts / wheat / oil seed rape / pea
© John Libbey Eurotext 2010
Dès l’Antiquité, qu’ils soient grecs ou chinois, les agriculteurs ont compris qu’ils pouvaient accroître la production végétale en cultivant de façon séquentielle sur plusieurs saisons. Ainsi, en plus de la jachère, se sont développées les rotations raisonnées longues pour restaurer et entretenir la fertilité des sols. La rotation culturale est un système où différentes cultures se succèdent dans un sens ordonné dans le temps sur une même parcelle agricole de manière récurrente (Vilain, 1989). Si la répétition dans le temps n’est pas respectée, on parle de succession culturale.
Cependant, à partir des années 1950, suite aux guerres mondiales et à la pression économique, les pays industrialisés occidentaux ont connu de façon concomitante la spécialisation des bassins de production et des exploitations agricoles (soit pour l’élevage, soit pour les céréales) ainsi que la simplification des systèmes de production. Les rotations se sont raccourcies, le nombre d’espèces et la diversité génétique présente se sont réduits. C’est l’usage d’engrais de synthèse et de produits agrochimiques comme les pesticides qui est le pivot du développement de ces nouveaux systèmes de production végétale spécialisés (Meynard, 2010; Vanloqueren et Baret, 2009). Pour les productions végétales européennes et françaises, depuis les années 2000, les différentes réformes de la Politique Agricole Commune et les prix observés ont renforcé la prédominance en surfaces (et production) de trois principales grandes cultures : céréales à paille, maïs grain et colza (Mignolet, 2007).
Aujourd’hui, on assiste à une multiplication des situations d’impasses techniques liées aux résistances aux herbicides (comme le ray-grass résistant aux FOPS et Sulfonylurées) ou à l’épuisement des sols (baisse de productivité due notamment à la réduction de la teneur en matière organique et de l’activité microbienne). De plus, les pressions politiques et environnementales se font de plus en plus fortes pour aller vers la diminution des produits phytosanitaires, la réduction de la consommation d’énergie fossile et des émissions de gaz à effet de serre. Ce nouveau contexte amène à une réflexion sur le besoin de diminuer les intrants (notamment azotés et phytosanitaires) et de rediversifier les rotations céréalières et de tout faire pour chercher de meilleurs équilibres des systèmes agroécologiques.
Diversification des cultures : mécanismes impliqués et facteurs mesurables
En effet, la composition de la rotation est un facteur clé du système de production végétale type « grandes cultures » pour piloter les composantes agronomiques (en plus de l’itinéraire technique qu’elle influence par ailleurs).
La rotation et la diversité des cultures permettent d’exploiter ce qu’on nomme les « effets précédent » et les « effets cumulatifs » c’est-à-dire les effets qu’une culture a sur les cultures qui suivent à plus ou moins long terme. Les « effets précédent » recouvrent l’évolution des caractéristiques physiques, chimiques et biologiques causées par la culture précédente et la réaction de la culture suivante (Sebillotte, 1990). Les « effets agronomiques cumulatifs » recouvrent l’accumulation dans le temps des effets de la succession culturale et des paramètres associés, à moyen terme (ensemble de la rotation) et à long terme (potentiel de l’exploitation agricole).
Ces effets liés à des interactions entre cultures d’un système agricole dans le temps (rotation ou succession culturale) peuvent être aussi par ailleurs complémentaires de ceux liés aux interactions des cultures de l’exploitation agricole dans l’espace (assolement). D’ailleurs, les successions étant décalées dans le temps sur les différentes parcelles de l’exploitation, l’assolement à un temps donné peut être le reflet de la succession majoritaire utilisée.
Les effets agronomiques liés à la diversification de la succession culturale sont souvent bénéfiques sur la croissance des cultures de rente et sur le contrôle des parasites (adventices, agents pathogènes et parasites animaux, auxiliaires favorables à la régulation des populations parasites).
Les mécanismes impliqués sont ceux liés au fonctionnement des sols, aux cycles biogéochimiques et à l’écologie fonctionnelle et concernent toutes les composantes de l’agrosystème : le sol (ses états physique et chimique, structure et matière organique étant les facteurs clés de la fertilité des sols), les organismes vivants du sol et les organismes vivants aériens végétaux et animaux.
La rotation culturale modifie ainsi les critères mesurables suivants (en mieux ou moins bien selon sa composition mais plus la rotation est diversifiée et raisonnée, plus les bénéfices seront dominants) :
-
la stabilité de la structure du sol (grandement influencée par la matière organique) qui a un impact sur l’aération, la rétention en eau, la résistance à la pénétration, l’érosion ou la battance;
-
la matière organique (sol, résidus de culture et activité microbienne) et la disponibilité des éléments minéraux : la rotation diversifiée apporte une gamme de systèmes racinaires, de nutriments apportés dans la matière organique au cours de la culture, de qualité et de gestion des résidus (exportés, laissés ou enfouis);
-
le cycle de l’azote : modifié par l’apport de la fertilisation azotée par engrais chimiques ou organiques appliqués sur les cultures et par le type de plantes : fixatrice d’azote comme les légumineuses1 ou pas, teneur en C/N et vitesse de minéralisation des résidus de culture;
-
la réduction des pertes en nutriments (et des sources de polluants) : perte d’azote, lessivage des nitrates, etc.;
-
la gestion des mauvaises herbes : elle est influencée par la rotation de différentes cultures via les phénomènes de compétition ou d’allélopathie, via les effets sur le microclimat du sol et via les pratiques culturales associées;
-
le contrôle des ravageurs et maladies : la rotation culturale a ici un rôle essentiellement préventif en permettant la coupure des cycles des pathogènes et autres parasites, et la variation des conditions de l’habitat des ravageurs.
Les effets précédents et cumulatifs permettent finalement une appréciation globalisante de ces différents facteurs impliqués et ils sont mesurables notamment par la variation du rendement et l’ajustement de l’itinéraire technique du suivant, par la diminution (ou l’augmentation) des intrants tels que l’engrais azoté industriel ou les produits phytosanitaires appliqués sur l’ensemble de la rotation.
Quantifier la valeur économique des effets précédent et cumulatifs à attribuer dans la rentabilité de la rotation
Les analyses et outils couramment utilisés par les conseillers agricoles et les agriculteurs pour évaluer la rentabilité des cultures et prévoir les assolements s’appuient essentiellement sur la marge brute calculée à l’échelle de la culture, indicateur économique qui ne prend pas en compte l’effet du précédent sur la culture qui suit, ni l’impact de la succession culturale à moyen et long termes sur la rentabilité des assolements et sur la durabilité du système de production. Pour chiffrer la rentabilité d’une culture X, la comparaison de sa marge à celle des autres cultures ne suffit pas, il est nécessaire de comptabiliser aussi ce que cette culture X apporte à la marge des autres cultures du système, d’une part sur le plan agronomique et d’autre part sur le plan environnemental (les aspects sociaux seront aussi à considérer par ailleurs).
Dans l’objectif d’établir une méthodologie commune de quantification économique des effets agronomiques dits « effets précédent » des différentes têtes d’assolement des rotations céréalières, une analyse (Ballot, 2009) a été menée via un stage de fin d’études encadré par l’ONIDOL et l’UNIP en lien avec les services économiques du CETIOM et d’ARVALIS – Institut du végétal, et en étroite collaboration avec trois Centres d’Economie Rurale (CERFRANCE Aube, CERFRANCE 277, CERFRANCE Alliance Centre).
L’originalité de la démarche a été d’isoler le facteur « précédent » des autres facteurs de variation en travaillant (i) à l’échelle de petites régions agricoles, homogènes pour le potentiel de rendement, en écartant délibérément les cas où une allocation préférentielle d’une culture sur un type de sol pourrait introduire un biais; (ii) sur un nombre d’années suffisant pour intégrer la variabilité climatique interannuelle; (iii) sur un nombre suffisamment important de parcelles (par année, petite région et précédent) pour intégrer la variabilité des pratiques utilisées.
Références pour l’écart moyen de rendement des blés assolés
L’analyse statistique et analytique des données sur sept petites régions agricoles des départements de l’Aisne, l’Aube et l’Eure-et-Loir (données de 1991 à 2008 des enquêtes parcellaires CERFRANCE, avec 36 000 parcelles de blé enquêtées) révèle une forte variabilité des écarts observés de rendements annuels moyens en blé entre les trois principaux précédents : blé, colza et pois. Cette analyse a donc permis de définir de façon fiable des valeurs mini, moyenne et maxi d’écart de rendement du blé pour trois précédents, par rapport au rendement moyen en blé tous précédents confondus, en quintal par ha : – 5,1 pour le blé de blé; + 1,4 pour le blé de colza, + 3,3 pour le blé de pois. Ainsi, le blé de pois a un rendement majoré de 8,4 q/ha par rapport à un deuxième blé.
Même s’il y a des effets annuels importants, comme il y a peu d’écarts entre régions en moyenne pluriannuelle, on peut utiliser ces données comme références par défaut dans d’autres régions ne disposant pas de bases de données équivalentes.
Ainsi, les valeurs de référence par défaut pour les blés assolés du tableau 1 sont directement utilisables dans le calcul de rentabilité des rotations présenté dans la suite du texte.
Valeurs de référence pour les écarts de rendement du blé selon le précédent, par rapport au rendement moyen en blé de colza, en q/ha (d’après Ballot 2009).
Références pour l’écart moyen de rendement du colza de blé
Le précédent pois pour le colza étant moins fréquent dans les pratiques, la méthode précédente basée sur les éléments historiques et statistiquement représentatifs n’a pas pu être appliquée. Cependant de nouvelles références sont en cours d’acquisition sur différents précédents du colza dans les essais de segments de rotation de trois ans du projet Pois-Colza-Blé (encadré 1). Et à l’heure actuelle, les résultats intermédiaires amènent à proposer d’utiliser les références de +1 quintal en rendement et – 40 unités d’azote apporté pour prendre en compte l’effet du précédent pois sur les performances moyenne et l’itinéraire technique du colza. La partie Faisabilité et performances de l’innovation « colza après un protéagineux » ci-après développe les éléments nouveaux obtenus sur cette succession innovante pois-colza.
Encadré 1. « Pois-Cloza-Blé », un projet en cours pour acquérir des références sur les systèmes céréaliers avec pois et colza
Quelles sont les conséquences de l’introduction du pois dans les rotations actuelles à base de céréales à pailles et colza d’une série de régions françaises sur les critères de performances tant agronomiques et économiques qu’environnementaux ? Comment optimiser de telles rotations ? L’utilisation du pois en précédent du colza peut-elle être pertinente et sur quels critères ?
Le projet Pois-Colza-Blé s’attache à répondre à ces questions via des références issues à la fois d’expérimentations sur le terrain et d’outils de modélisation. Ce projet CASDAR 7-175 « Amélioration des performances économiques et environnementales de systèmes de culture avec pois, colza et blé » est co-financé par les pouvoirs publics de janvier 2008 à avril 2011. Il associe les partenaires suivants : UNIP (coordinateur), INRA (Grignon, Dijon), CETIOM (Grignon, Mons, Bourges), ARVALIS – Institut du Végétal, Chambres d’agriculture de Mayenne, Moselle, Nièvre et Yonne, Agroscope Reckenholz –Tänikon (Zurich, Suisse), ESA (Angers), UNIP (Paris).
Deux objectifs principaux :
-
Optimiser des rotations avec colza, blé et pois sur le plan économique et environnemental
-
Acquérir des références sur les effets environnementaux des protéagineux dans les rotations
Six actions :
Action 1. Tests de faisabilité de la culture de colza avec précédent ‘pois’ comparé au précédent habituel ‘céréales à pailles’, en parcelles agriculteurs
Action 2. Essais de réponse du colza à l’apport d’azoteminéral en fonction du précédent
Action 3. Essais segments sur 3 ans d’une succession de cultures en station expérimentale
Action 4.Modélisation et optimisation économique de rotations à base de colza, blé et pois dans différentes régions et systèmes de culture
Action 5. Evaluation des impacts environnementaux
Action 6. Coordination, synthèse et diffusion.
Quantification économique des écarts de charges opérationnelles (notamment liées à la gestion de l’azote et de l’enherbement) d’une rotation diversifiée
L’analyse statistique et analytique sur les pratiques agricoles des enquêtes CER (équivalente à celle faite sur les rendements) met en lumière des différences moyennes faibles pour les charges opérationnelles du blé selon les précédents (Ballot, 2009). Contrairement aux effets sur le rendement qui semblent stables en moyenne pluriannuelle, il serait nécessaire de réactualiser régulièrement les données sur la différence de gestion azotée pour des approches prévisionnelles. Mais surtout, on constate que les pratiques ne reflètent que très peu les écarts de doses de fertilisation selon le précédent recommandées par les outils de préconisation (figure 1), même si l’on observe une évolution avec une plus grande différentiation dans les dernières années dans certaines régions.
Figure 1. Comparaison de la dose azotée selon les précédents dans le cas de l’Aisne : (a) telle qu’appliquée par les agriculteurs (moyenne 2005–2006 des données d’enquêtes CER02 sur les pratiques culturales des agriculteurs); (b) telle que préconisée à une série d’agriculteurs (selon leur objectif de rendement) par les conseillers agricoles à l’aide de l’outil de précision « Farmstar » d’Arvalis – Institut du végétal (moyenne 2005-2006). |
Les statistiques observées ne reflètent donc pas le réel écart entre précédents. Des approches complémentaires sont à poursuivre pour l’intégration de valeurs de références quantifiant ces effets du précédent à moyen terme sur la rotation, au sein des indicateurs de rentabilité lors de comparaisons d’assolements. Il est proposé d’utiliser la base des préconisations techniques (issues des expérimentations) sur la dose azotée à apporter selon le précédent. Ainsi avec une réduction de 20 à 60 unités d’azote pour un blé assolé, les écarts de charges opérationnelles liées à l’azote iraient de – 12 à – 78 €/ha selon le prix de l’azote.
Par ailleurs, pour approcher la quantification des écarts liés à la gestion des adventices entre un système type d’une région et des systèmes alternatifs (tableau 2), on a utilisé le modèle ALOMYSYS (développé par l’INRA) qui simule la dynamique de développement des adventices comme le vulpin (voir l’article Colbach et al. du présent dossier). Dans les cas étudiés, les systèmes de cultures introduisant le pois en précédent du colza dans la rotation type colza – blé – orge d’hiver, permettent de cumuler la réduction de l’usage des herbicides à un nombre d’interventions de travail du sol réduit, et présentent donc les plus faibles cumuls de charges liées à la maîtrise de l’enherbement (charges herbicides et de mécanisation) avec jusqu’à 30 euros par hectare et par an de moins que pour le témoin.
Ecarts de charges (en €/ha/an) liées au contrôle des adventices (herbicides et mécanisation) par rapport au système de culture témoin pour plusieurs systèmes ayant la même efficacité de gestion des adventices dans deux cas d’étude, Moselle et Bourgogne (avec indication sur le risque d’apparition des graminées résistantes aux herbicides pour chaque système étudié).
Des analyses économiques pour comparer des rotations alternatives plus diversifiées par rapport à la rotation type d’une région
En prenant en compte seulement l’effet précédent
En appliquant la méthode de la différentiation des rendements selon les précédents, issue de Ballot (2009) dans deux cas régionaux, il s’avère par exemple que, contrairement à ce que peut laisser imaginer l’analyse des marges brutes à la culture, la marge brute calculée à l’échelle de la rotation est plus intéressante en incluant le pois, notamment à la place d’un blé de blé (Schneider et al., 2009).
Le premier exemple illustrant cette tendance est une rotation Colza/Blé dur/Blé tendre/Blé tendre/Orge de printemps qui reflète l’assolement dominant en Beauce non irriguée et Thymerais (source CER), où la part du colza approche 20% et celle des céréales à paille 80% (souvent blé de blé).
Par rapport à cette rotation de référence, la substitution d’un blé de paille par un pois, avec une part de culture de rente constante, permet d’améliorer la marge brute à la rotation ramenée à l’année (à prix et aides actuels) tout en améliorant la durabilité économique. L’assolement avec pois resterait compétitif (équivalent) par rapport à la référence en l’absence de toute prime. En prenant aussi en compte le soutien renforcé aux protéagineux effectif à partir de 2010 (hypothèse a minima de 100 €/ha de pois), l’introduction d’un pois à la place du blé de blé devient alors systématiquement profitable (tableau 3).
Marge brute prévisionnelle annuelle des cultures représentatives de l’assolement moyen de Beauce et Thymerais en non irrigué (chiffres CERFRANCE Alliance Centre) comparée à celles avec pois sous trois scénarios de prime, en tenant compte de l’effet agronomique du précédent.
Le deuxième cas d’étude est une rotation Colza/Blé tendre/Blé tendre/Orge d’hiver, la plus fréquente de la région Centre Poitou-Charentes. Les marges calculées et présentées dans le tableau 4 montrent que l’ajout du pois donne une rotation qui reste compétitive dans les conditions 2009 (a) sans augmentation significative de plus-value (l’allongement de la rotation a réduit la part des cultures à forte plus-value) et équivalente ou légèrement moins intéressante si aucune aide n’était prise en compte (b). Dans la configuration 2010, la rotation avec pois devient sensiblement plus profitable que la rotation de référence (c).
Marge brute prévisionnelle annuelle de la rotation la plus fréquente en Centre – Poitou Charentes (source Ecophyto R&D sur base SCEES) comparée à celles avec pois sous trois scénarios de prime, en tenant compte de l’effet agronomique du précédent.
En prenant tous les effets en compte
Par une collaboration entre différentes Chambres d’Agriculture et les filières des grandes cultures au sein d’un projet commun « Pois-Colza-Blé » de janvier 2008 à avril 2011 (encadré 1), des analyses économiques sont en cours sur l’amélioration de rotations à base de céréales dans trois cas d’étude de systèmes plus ou moins diversifiés basés sur la succession Colza/Blé/Orge/Colza/Blé/Orge : (i) Moselle et plateau Lorrain, (ii) zones de Bourgogne à sols à bon potentiel, (iii) Thymerais et Beauce dunoise irriguée.
Une série de rotations alternatives est définie à partir d’une rotation type : remplacement d’une culture par une culture de printemps, insertion du pois devant le colza, systèmes de culture optimisés avec moins d’engrais azotés et moins de phytosanitaires, etc. Les partenaires des Chambres d’Agriculture de l’Yonne, de la Nièvre et la Moselle ainsi que l’UNIP collectent les données à dires d’experts en visant des performances, itinéraires techniques et contextes de prix les plus représentatifs possibles de la moyenne statistique de la région, sur un historique suffisamment long (2002-2009) pour atténuer l’impact des facteurs conjoncturels (prix et rendements)2.
Les systèmes étudiés sont :
-
R0 : système témoin moyen de la région avec la rotation Colza-Blé-OrgeH-Colza-Blé-OrgeH;
-
R3 : l’orge de printemps remplace une orge d’hiver;
-
R4 : le pois remplace un colza;
-
R4bis : le pois est inséré devant le colza;
-
R7 : le tournesol remplace un colza;
-
R20 : rotation témoin mais en conduite intégrée (raisonnement du programme et notamment réductions de dose azotée sur chaque culture);
-
R40bis : équivalent de R4 mais en conduite intégrée;
-
R100 : rotation permettant d’avoir moins de 80 u.ha/an comme moyenne d’azote appliqué à la rotation.
Les premiers résultats (printemps 2010) sur les indicateurs économiques tels que la marge brute et la marge semi-directe3 en prenant un contexte réglementaire 20124 soulignent que, lorsque l’on prend bien en compte les écarts de rendements selon les précédents ainsi que les ajustements à la rotation des programmes herbicides ou/et de la gestion de l’azote, les rotations alternatives apparaissent aussi rentables sinon plus que les rotations de référence.
En Bourgogne, le remplacement d’une orge d’hiver par une orge de printemps ou d’un colza par un pois de printemps ainsi que l’insertion d’un pois devant un colza sont des systèmes à marges semi-directes équivalentes à celle du système de référence (279 à 288 contre 285 €/ha/an), et qui, comme elles permettent d’accéder à une MAE rotationnelle, apportent finalement une augmentation de + 9% (de + 26 €/ha/an) pour l’orge de printemps et de + 12% (+ 35 €/ha/an) pour le pois (tableau 5).
Ecarts de charges semi-directes (MSD) des systèmes de culture alternatifs à la rotation de référence des plateaux de l’Yonne (Bourgogne), dans le contexte à venir 2012 avec ou sans les primes environnementales spécifiques (MAE rotationnelle à 32 €/ha ou FERTI-01 en BAC à 137 €/ha).
Dans le cas d’étude de la Moselle, les tendances sont encore plus marquées. Ainsi par rapport à la référence Colza-Blé-Orgefourragère sur 6 ans, l’insertion du pois avant un colza améliore de +14% la marge semi-directe et de + 27% si on compte l’accès à la MAE rotationnelle (cad 312 €/ha/an, soit + 66 €/ha/an par rapport au témoin dont la marge semi-directe est de 245 €/ha/an). L’effet est le même si le pois remplace une orge fourragère pour éviter d’allonger la rotation à 7 ans.
Si l’on prend une rotation témoin avec deux blés successifs, l’insertion du pois entre les deux blés permet une amélioration de MSD de +22% (soit +5 €/ha/an) (dans le système Colza-Blé-Blé-Colza-Blé) ou + 25% (+ 62 €/ha/an) dans le système Colza-Blé-Blé- Orgefourragère (figure 2).
Figure 2. Ecarts de charges semi-directes (MSD) des systèmes de culture alternatifs à la rotation de référence du plateau lorrain (Moselle), dans le contexte à venir 2012 avec ou sans les primes environnementales spécifiques (MAE rotationnelle à 32 €/ha ou FERTI-01 en BAC à 137 €/ha). |
En conclusion, sur le plan économique, des alternatives intéressantes permettent d’améliorer les marges de rotations majoritaires C-B-O et des rotations à forte proportion de céréales (équivalence ou environ + 20 à + 80 euros/ha/an sur la marge semi-directe), grâce à des cultures de diversification, et notamment avec le pois qui permet une meilleure gestion de l’azote sur l’ensemble de la rotation. Si on insère le pois devant le colza, cela permet de cumuler ces intérêts agronomiques et économiques avec très peu de perturbations de l’équilibre des filières locales (sans supprimer de débouchés existants et en rajoutant seulement une matière première facilement utilisable par l’alimentation animale) (tableau 6). Les bénéfices sont encore renforcés dans un contexte à azote plus cher (par exemple à 1, 2 €/kg contre ici l’hypothèse moyenne à N = 0,6 €/kg).
Synthèse de l’intérêt économique des systèmes de culture alternatifs à la rotation de référence de la région Colza/Blé/Orge sur 6 ans, avec deux scénarios de primes à la production, dans deux régions françaises (Bourgogne et Moselle), et l’impact de ces systèmes sur l’approvisionnement des filières.
Les comparaisons de compétitivité des assolements couvrent ici une diversité de contextes conjoncturels (dans l’objectif de s’en extraire). Le contexte récent d’accroissement de la volatilité des prix des matières premières agricoles mais aussi des intrants comme l’azote le phosphore ou la potasse, ainsi les changements à venir mais non définis à ce jour des politiques agricoles européennes, ne facilitent pas les projections pour l’avenir, cependant les fondamentaux agronomiques, eux, seront de toute manière maintenus.
Les impacts environnementaux
En plus des effets agronomiques de la rotation diversifiée, les impacts environnementaux sont aussi à prendre en considération dans les comparaisons de systèmes.
Pour les systèmes de grande culture, on sait que tout ce qui favorise la diversité des espèces végétales et animales en présence au cours de la culture permet d’alléger les phytosanitaires et de diminuer leurs impacts environnementaux négatifs, tout ce qui permet une couverture du sol pendant toute l’année réduit les risques de fuites des nitrates ou produits phytosanitaires vers les eaux profondes et tout ce qui permet de diminuer la dose azotée appliquée (engrais minéral industriel ou engrais organiques) entraîne une réduction de la consommation d’énergie fossile et du pouvoir de réchauffement planétaire.
Cependant, plusieurs points restent à creuser pour comprendre les mécanismes en jeu dans les interactions entre cultures et avec l’itinéraire technique d’un système de production, et pour quantifier les effets ayant un impact environnemental (réel ou potentiel) pour pouvoir donner ensuite une valeur économique aux services écologiques reconnus.
Pour une approche multicritère et intégrant toutes les étapes de production
La méthode de l’analyse de cycle de vie (ACV) SALCA (Swiss Agricultural Life Cycle Assessment), qui est développée par l’ART (institut de recherche suisse), permet d’évaluer les impacts environnementaux de l’agriculture en général et des systèmes de culture en particulier.
Par cette méthode une étude européenne précédente (GL-Pro, et Baumgartner Nemecek 2006; données revues ensuite avec références IPCC 2007 et incrémentées dans la base de données environnementale Ecoinvent) a montré qu’inclure 20% de légumineuses entre deux céréales dans les rotations de systèmes intensifs (exemples : le Barrois en France et la Saxe-Anhalt en Allemagne) permet une réduction de :
-
environ 13% de moins d’énergie fossile consommée par hectare de l’exploitation agricole;
-
jusqu’à 18% de moins d’acidification par hectare (réduction de 20-40 kg SO2 équivalents);
-
environ 14% de moins du potentiel de réchauffement climatique par hectare (évitant 2,5 tonnes équivalents CO2 : environ 0,4 tonnes de moins par an).
Les nouvelles ACV en cours en 2010 dans le projet français « Pois-Colza-Blé » vont permettre de compléter les références pour trois régions françaises choisies, avec d’autres contextes spécifiques et d’autres rotations majoritaires notamment la rotation Colza-Blé-Orge, avec les mêmes rotations et données que celles utilisées pour les analyses économiques (voir partie En prenant tous les effets en compte de ce texte).
Dans le cas de la Bourgogne, les résultats confirment à nouveau la responsabilité des engrais azotés apportés comme source prédominante (plus de 50%) des deux impacts « besoin en énergie non-renouvelable » (figure 3) et « potentiel de réchauffement climatique » (figure 4) et il ressort que tous les systèmes alternatifs étudiés, mis à part le remplacement de l’orge d’hiver par l’orge de printemps, apportent une réduction de ces deux impacts par rapport au système de référence de la région. La réduction devient cependant significativement intéressante (plus de 10%) avec les systèmes conçus à conduite intégrée (application d’engrais azoté réduite sur chaque culture selon son précédent et autres allégements, notamment herbicide, liés à la composition de la rotation); et dans ces cas là, c’est le système avec l’insertion du pois devant le colza qui apporte le bénéfice le plus élevé : – 18% pour la consommation d’énergie fossile, c’est-à-dire – 3,8 GJ d’économisées par hectare et par an, et – 16% pour le rôle des gaz à effet de serre (c’est-à-dire 408 kg CO2eq par ha et par an d’économisés).
Figure 3. Besoin en énergie non renouvelable de différents systèmes de culture dans les plateaux bourguignons de l’Yonne (89), conçus en alternatifs du système majoritairement cultivé (R0) par substitution ou insertion d’une nouvelle culture ou/et adaptation de l’itinéraire technique selon la composition de la rotation. |
Figure 4. Potentiel de réchauffement climatique de différents systèmes de culture dans les plateaux bourguignons de l’Yonne (89), conçus en alternatifs du système majoritairement cultivé (R0) par substitution ou insertion d’une nouvelle culture ou/et adaptation de l’itinéraire technique selon la composition de la rotation. Légende des rotations : similaire à celle de la figure 3. |
La visée d’une mesure de bonification lorsque la dose d’azote minéral appliquée est inférieure à 80 u/ha/an en moyenne (cas de la rotation R100 Pois-Colza-Blé-OrgeP-Tournesol) permet une véritable avancée environnementale avec une réduction de plus de 28% pour ces deux impacts environnementaux (– 5,9 GJ et – 735 kg CO2eq d’économisés par hectare et par an).
Dans ces ACV, les autres impacts environnementaux sont également réduits dans tous les systèmes alternatifs (sauf le cas de l’orge de printemps pour la formation d’ozone et la toxicité humaine). La part d’engrais azoté appliqué est le facteur explicatif de 73 à 84% du potentiel d’acidification qui diminue donc directement en fonction de la dose moyenne par an et par hectare de chaque système étudié. Les toxicités aquatique et terrestre relèvent essentiellement des herbicides utilisés donc la majorité des rotations diversifiées proposées permet une diminution de moitié ou plus par rapport au témoin.
Cette évaluation via les critères des ACV est aussi complétée par des indicateurs de pression environnementale simples, dont le choix devra permettre de couvrir le même champ d’impacts que les indicateurs produits à l’aide des analyses de cycles de vie. Ils pourront être également complétés par des indicateurs de pratique ce qui facilitera l’interprétation de ces indicateurs d’impacts environnementaux au regard des spécificités des pratiques culturales testées.
Des mesures au champ pour des références complémentaires
Par ailleurs les essais du projet permettent d’acquérir des références complémentaires notamment liées au cycle de l’azote via des mesures sur les différents flux d’azote au niveau de la parcelle pendant les différentes cultures et intercultures : exports pour les graines, apports par les engrais et la fixation symbiotique, y compris au niveau des racines et de la rhizodéposition, lixiviation des nitrates, émissions gazeuses de NH3 et N2O, stockage d’azote organique dans le sol (le tout pour deux niveaux de fertilisation : dose optimale calculée pour chaque culture et sans fertilisation).
Des parcelles expérimentales en blé, colza et pois ont été suivies sur le site de Grignon (Ile-de-France) et sur le site de Mons (Picardie) avec 4 blocs sur les trois campagnes 2007-08, 2008-09 et 2009-10. Le colza et le blé sont fertilisés à l’optimum ou sans apport d’azote.
Sur le site de Grignon, les mesures des émissions de protoxyde d’azote (N2O) sont faites en discontinu tout au long du cycle de la culture et en interculture (avec une fréquence de deux fois par mois ou deux fois par semaine après un apport d’engrais azoté) avec des chambres fermées placées au champ (2 chambres par modalité avec 3 répétitions; environ 30 j de mesure par an avec, chaque jour de mesure, pour chaque chambre du dispositif, 4 prélèvements successifs à intervalles de 45 min pour mesures du flux de N2O).
Les premiers résultats des deux campagnes de mesures sur le site de Grignon au champ confirment :
-
(i) les très faibles émissions sous culture de pois et sous culture de blé non fertilisé : le pois se comporte comme une culture non fertilisée en azote, sauf parfois en fin de cycle (à vérifier car il pourrait s’agir seulement d’un artéfact) (figure 5); ce qui va dans le même sens que l’hypothèse du GIEC (2006) stipulant que la fixation symbiotique n’est pas source d’émissions de N2O;
Figure 5. Emissions de protoxyde d’azote (N2O) des cultures de blé, colza et pois au champ de mars à juin 2008.
-
(ii) des émissions significativement plus importantes pour le blé fertilisé et le colza fertilisé, avec une dynamique similaire pour les deux cultures (notamment des émissions plus fortes après apport d’engrais azoté) (figure 5);
-
(iii) l’importance des facteurs pédoclimatiques : les émissions de N2O sont accrues en situation de sol humide (après pluies de 10 mm et plus) ou en présence d’une quantité d’azote minéral dans le sol importante, l’accroissement étant plus fréquent et plus important avec simultanéité (humidité et quantité N-sol importante) (figure 5);
-
(iv) on observe très peu d’émission à l’automne, quel que soit le précédent, sur ces 2 années, et les émissions sous colza après pois ne sont pas plus importantes que celles après blé fertilisé (figure 6);
Figure 6. Emissions de protoxyde d’azote (N2O) du colza à l’automne selon le précédent cultural.
-
(v) les émissions cumulatives pendant les deux printemps et l’automne sont les plus faibles pour les systèmes de culture qui incluent le pois ou le blé non fertilisé (figure 7).
Figure 7. Emissions cumulées de N2O (en g N/ha) sous les différentes cultures selon leur précédent sur le site de Grignon de mars 2008 à juin 2009 (42 jours de mesure).
Il est cependant nécessaire de valider ces conclusions préliminaires en disposant, par des modèles de simulation, du calcul d’émissions tout au long du cycle, et non pas ponctuellement (comme l’impose le dispositif en chambres statiques utilisé pour les mesures dans ce projet). Ce travail est en cours de réalisation.
Faisabilité et performances de l’innovation « colza après un protéagineux »
Dans les rotations culturales pratiquées, lorsque le pois est cultivé, il est souvent placé avant un blé comme bon précédent aux céréales, mais parfois on observe un positionnement du pois comme précédent du colza. Il s’avère que l’originalité de la succession pois-colza trouve un avantage indéniable dans la gestion du cycle de l’azote. En effet, après le pois, l’implantation du colza est plus précoce que par rapport à un blé et le colza présente une excellente capacité d’absorption de l’azote. On peut ainsi obtenir une meilleure valorisation de l’azote minéral apporté par le pois notamment durant l’automne et une limitation des pertes azotées, soit un gain économique et environnemental au niveau de la rotation. D’autres types de bénéfices agronomiques seraient aussi associés à cette succession.
En effet les premiers résultats des essais multisites de deux campagnes du projet Pois-Colza-Blé tendent à montrer l’intérêt multiple de la succession pois-colza.
Bonne conduite agronomique du colza après pois
Les observations terrain se sont basées sur des tests de faisabilité chez les agriculteurs où étaient observées et mesurées les performances du colza en fonction du précédent pois ou paille sur des moitiés de parcelle à même historique cultural.
Il s’avère que l’on observe peu de résidus en surface, un sol sec et donc un lit de semence affiné lorsqu’il est préparé tôt, des repousses non adventives ou gélives, peu de limaces (sol sec et effet repoussant du pois pour les limaces). Les risques de rémanence d’herbicides restent faibles et il est surtout conseillé d’éviter le Nirvana S. qui contient l’imazamox sur le pois précédent le colza.
La diversification de la rotation est un levier préventif important pour le contrôle de l’enherbement surtout s’il y a peu d’autres moyens de lutte agronomique qui sont mis en œuvre (comme le travail du sol ou le décalage de la date de semis des céréales). Ici, l’enherbement est mieux géré à l’échelle de la rotation (dans le colza et le blé suivant) grâce à un décalage de la date de semis (printemps ou fin automne, pour le pois d’hiver) par rapport aux levées habituelles des adventices, à la succession de deux dicotylédones avant deux céréales (blé et orge). Le désherbage des graminées est facilité (AGF fop-dyme, AGR type Kerb), et le désherbage des géraniums peut se faire grâce à la bentazone.
Par ailleurs, les repousses de pois ne sont pas gênantes (destruction et fourniture azote) et on n’observe pas d’aggravation du risque de verse. Sachant que le colza et le pois sont deux espèces sensibles au scléronitia, des observations ont été mises en place pour estimer ce risque éventuel (% de fleurs contaminées par le sclérotinia à F1 avec des Kit pétales CETIOM, nombre de pieds touchés par le sclérotinia noté mi juin, comparaison du rendement, traité ou non, des deux précédents). Les 8 essais observés en 2008-2009 et 2009-2010 ne montrent pas de différence significative dans les témoins avec zéro fongicide (sauf avec le kit pétales : mesure un potentiel plus élevé) et on observe une très bonne maîtrise avec fongicide pour les deux précédents. Cependant, la pression sclérotinia était faible ces années-là, donc il est nécessaire d’étendre les références à ce sujet.
Globalement on n’a donc pas constaté de problèmes agronomiques en 2008 et 2009 dans les tests de faisabilité chez les agriculteurs, mais des confirmations sont nécessaires en multipliant les références sur une plus large gamme de sites et de conditions pédoclimatiques (extension du réseau en cours en 2010).
Meilleure gestion de l’azote
Les tests chez les agriculteurs ont donné une moyenne de dose azotée appliquée au colza réduite de – 24 unités pour un même rendement en conditions de champs d’agriculteurs.
Par ailleurs des expérimentations ont été menées pour tester la réponse du colza à la dose d’engrais azoté minéral apportée en fonction du précédent. Les résultats obtenus sur les deux premières campagnes montrent qu’avec le précédent pois, il est possible de déplafonner le potentiel du colza et de diminuer la dose N pour un même rendement (Dumans et al., 2010).
Grâce à l’amélioration de l’efficience de l’impact de l’engrais azoté sur colza, dans 6 essais sur 8, le rendement du colza en précédent pois est supérieur au colza en précédent paille pour toutes les doses d’azote. La figure 8 illustre cette réponse différenciée selon le précédent cultural du colza (avec une courbe de forme quadratique-plateau): dans l’essai de l’Yonne, pour une dose de 100 unités en précédent pois, le rendement du colza atteint n’est jamais obtenu dans le cas du précédent « céréales à paille » quelle que soit la dose.
Figure 8. Réponse du colza à la dose azotée appliquée selon le précédent cultural : courbe modélisée obtenue par le Cetiom d’après les essais 2009 menés par la Chambre d’Agriculture de l’Yonne. |
En terme économique, avec une dose N réduite et un rendement plus élevé, la marge azotée5 pour le colza est meilleure en précédent pois qu’en précédent céréales à paille. En moyenne sur les 8 essais exploitables en 2008 et 2009, dans 5 scénarios de prix de colza (210 à 400 €/t) et d’azote (0.35 à 1 €/kg N), la marge azotée optimisée du colza est toujours supérieure (de 3,5 à 10%, i.e. de 40 à 90 euros) avec un précédent pois par rapport à un précédent céréale à paille, avec :
-
un rendement à la dose N optimale augmenté en moyenne de + 1 quintal;
-
et une dose azotée correspondante réduite de – 40 unités N (de – 37 à – 50 unités).
Ainsi, par rapport à un colza en précédent paille, le colza en précédent pois permet donc de réduire la fertilisation azotée du colza (– 40 unités), de déplafonner le rendement du colza (avec + 1 quintal environ) et d’améliorer la gestion de l’enherbement dans la rotation : il en résulte une augmentation de la marge brute et du rendement énergétique du colza.
Par ailleurs l’étude de reliquats azotés dans ce projet se fait sur plusieurs années de la rotation et, d’après les tous premiers résultats encore à confirmer, on observe bien un risque de fuites en nitrates parfois plus élevé derrière pois, mais un risque moins élevé derrière la culture qui suit un pois (à l’automne suivant).
Les intérêts agroéconomiques de la succession pois-colza, qui sont aussi liés à des avantages environnementaux (par réduction de la dose d’azote et des herbicides et donc de leur impacts dommageables possibles ou avérés), sont à confirmer dans des situation pédoclimatiques plus variées (et avec une année à forte pression sclérotinia).
Premières conclusions
Faire évoluer la composition des rotations des systèmes céréaliers plus ou moins intensifs, en introduisant notamment du colza et du pois, s’avère une alternative au moins équivalente sinon mieux sur le plan économique, du moment que l’on intègre bien dans les calculs au moins la valeur des interactions agronomiques entre cultures (en terme d’impact sur leurs performances et sur leur itinéraires techniques). Les avantages environnementaux liés sont un plus additionnel non négligeable et sur le plan économique (économies de charges ou accès à des primes) et sur le plan de la durabilité de l’exploitation agricole (maintien du potentiel et acceptabilité sociale par les services écologiques).
Seule la famille botanique des Fabacées recouvrent des plantes capables d’utiliser directement l’azote de l’air (N2) par fixation naturelle (symbiose avec les bactéries du sol Rhizobium ou Bradyrhizobium) pour le transformer en azote minéral intermédiaire qui va rentrer dans la composition des protéines et autres molécules organiques vitales de la plante.
Rendements moyens 2002-2009 sur la base des références des partenaires des Chambres d’agriculture : ROSACE ou suivi de groupes d’agriculteurs, avec un taux de 20% de déclassement pour l’orge de brasserie; Prix Moyens Campagne, cad acompte + compléments, en moyenne 2002-08 sur la base d’une enquête UNIP auprès de plusieurs organismes stockeurs de Bourgogne et Lorraine.
Références
- Ballot R. Prise en compte des facteurs agronomiques dans les indicateurs de rentabilité des successions culturales. Mémoire de fin d’études de l’ESA encadré avec l’ONIDOL et l’UNIP, soutenu en septembre 2009. 135 p. [Google Scholar]
- Dumans P, Flénet F, Wagner D, Bonnin E, Schneider A. Prise en compte des effets précédents dans la rentabilité des cultures – Pour gagner plus avec du colza, placez-le après pois ! Perspectives Agricoles 2010 ; 368 : 4–8. [Google Scholar]
- Meynard JM. Réinventer les systèmes agricoles : quelle agronomie pour un développement durable ? In: Bourg Dominique et Alain Papaux (Eds), Vers une société sobre et désirable. Paris : Presses Universitaires de France et Fondation Nicolas Hulot, 2010 : 342–363. [Google Scholar]
- Mignolet. Spatial dynamics of farming practices in the Seine basin: Methods for agronomic approaches on a regional scale. Science of the Total Environment 2007 ; 375 : 13–32. [CrossRef] [PubMed] [Google Scholar]
- Nemecek T, Baumgartner D. Rapport de l’étude environnementale de GL-PRO: Environmental Impacts of Introducing Grain Legumes into European Crop Rotations and Pig Feed Formulas. Concerted Action GL-Pro, Final report WP4. ART, 63 S. 2006. http://www.art.admin.ch/themen/00617/00622/index.html?lang=de [Google Scholar]
- Sebillotte M. Système de culture, un concept opératoire pour les agronomes. In : Combe L, Picard D, eds. Les systèmes de culture. INRA éditions. 1990 : 165–196. [Google Scholar]
- Schneider A, Ballot R, Carrouée B, Berrodier M. Rentabilité des protéagineux dans la rotation – Quelle valeur économique pour l’effet du précédent ? Perspectives Agricoles 2009 ; 360 : 6–11. [Google Scholar]
- Vanloqueren G, Baret PV. How agricultural research systems shape a technological regime that develops genetic engineering but locks out agroecological innovations. Research Policy 2009 ; 38 : 971–983. [CrossRef] [Google Scholar]
- Vilain M. La production végétale. Volume 2 – La maîtrise technique de la production. Paris : Editions Lavoisier, 1989, 361 p. [Google Scholar]
Liste des tableaux
Valeurs de référence pour les écarts de rendement du blé selon le précédent, par rapport au rendement moyen en blé de colza, en q/ha (d’après Ballot 2009).
Ecarts de charges (en €/ha/an) liées au contrôle des adventices (herbicides et mécanisation) par rapport au système de culture témoin pour plusieurs systèmes ayant la même efficacité de gestion des adventices dans deux cas d’étude, Moselle et Bourgogne (avec indication sur le risque d’apparition des graminées résistantes aux herbicides pour chaque système étudié).
Marge brute prévisionnelle annuelle des cultures représentatives de l’assolement moyen de Beauce et Thymerais en non irrigué (chiffres CERFRANCE Alliance Centre) comparée à celles avec pois sous trois scénarios de prime, en tenant compte de l’effet agronomique du précédent.
Marge brute prévisionnelle annuelle de la rotation la plus fréquente en Centre – Poitou Charentes (source Ecophyto R&D sur base SCEES) comparée à celles avec pois sous trois scénarios de prime, en tenant compte de l’effet agronomique du précédent.
Ecarts de charges semi-directes (MSD) des systèmes de culture alternatifs à la rotation de référence des plateaux de l’Yonne (Bourgogne), dans le contexte à venir 2012 avec ou sans les primes environnementales spécifiques (MAE rotationnelle à 32 €/ha ou FERTI-01 en BAC à 137 €/ha).
Synthèse de l’intérêt économique des systèmes de culture alternatifs à la rotation de référence de la région Colza/Blé/Orge sur 6 ans, avec deux scénarios de primes à la production, dans deux régions françaises (Bourgogne et Moselle), et l’impact de ces systèmes sur l’approvisionnement des filières.
Liste des figures
Figure 1. Comparaison de la dose azotée selon les précédents dans le cas de l’Aisne : (a) telle qu’appliquée par les agriculteurs (moyenne 2005–2006 des données d’enquêtes CER02 sur les pratiques culturales des agriculteurs); (b) telle que préconisée à une série d’agriculteurs (selon leur objectif de rendement) par les conseillers agricoles à l’aide de l’outil de précision « Farmstar » d’Arvalis – Institut du végétal (moyenne 2005-2006). |
|
Dans le texte |
Figure 2. Ecarts de charges semi-directes (MSD) des systèmes de culture alternatifs à la rotation de référence du plateau lorrain (Moselle), dans le contexte à venir 2012 avec ou sans les primes environnementales spécifiques (MAE rotationnelle à 32 €/ha ou FERTI-01 en BAC à 137 €/ha). |
|
Dans le texte |
Figure 3. Besoin en énergie non renouvelable de différents systèmes de culture dans les plateaux bourguignons de l’Yonne (89), conçus en alternatifs du système majoritairement cultivé (R0) par substitution ou insertion d’une nouvelle culture ou/et adaptation de l’itinéraire technique selon la composition de la rotation. |
|
Dans le texte |
Figure 4. Potentiel de réchauffement climatique de différents systèmes de culture dans les plateaux bourguignons de l’Yonne (89), conçus en alternatifs du système majoritairement cultivé (R0) par substitution ou insertion d’une nouvelle culture ou/et adaptation de l’itinéraire technique selon la composition de la rotation. Légende des rotations : similaire à celle de la figure 3. |
|
Dans le texte |
Figure 5. Emissions de protoxyde d’azote (N2O) des cultures de blé, colza et pois au champ de mars à juin 2008. |
|
Dans le texte |
Figure 6. Emissions de protoxyde d’azote (N2O) du colza à l’automne selon le précédent cultural. |
|
Dans le texte |
Figure 7. Emissions cumulées de N2O (en g N/ha) sous les différentes cultures selon leur précédent sur le site de Grignon de mars 2008 à juin 2009 (42 jours de mesure). |
|
Dans le texte |
Figure 8. Réponse du colza à la dose azotée appliquée selon le précédent cultural : courbe modélisée obtenue par le Cetiom d’après les essais 2009 menés par la Chambre d’Agriculture de l’Yonne. |
|
Dans le texte |
Les statistiques affichées correspondent au cumul d'une part des vues des résumés de l'article et d'autre part des vues et téléchargements de l'article plein-texte (PDF, Full-HTML, ePub... selon les formats disponibles) sur la platefome Vision4Press.
Les statistiques sont disponibles avec un délai de 48 à 96 heures et sont mises à jour quotidiennement en semaine.
Le chargement des statistiques peut être long.