Open Access
Numéro
OCL
Volume 17, Numéro 1, Janvier-Février 2010
Dossier : Comment peut-on améliorer la qualité nutritionnelle des graisses animales ?
Page(s) 1 - 5
Section Environnement
DOI https://doi.org/10.1051/ocl.2010.0285
Publié en ligne 15 janvier 2010

© John Libbey Eurotext 2010

Les plantes génétiquement modifiées (OGM) cultivées actuellement pour un usage commercial sont essentiellement, par ordre d’importance des surfaces, du soja résistant à un herbicide, du maïs résistant à un herbicide et/ou à des insectes, du coton résistant à des insectes et du colza résistant à des herbicides (James, 2008). Elles totalisent plus de 99 % des cultures transgéniques. Les bénéfices attendus de l’utilisation de variétés résistantes à des herbicides ou résistantes à des insectes sont :

  • des gains de productivité et de qualité en évitant plus efficacement que les autres pratiques agricoles la concurrence des mauvaises herbes et les dégâts des insectes;

  • une simplification du travail en passant moins fréquemment sur les cultures pour pulvériser les pesticides ou réaliser d’autres praiques;

  • une assurance d’une protection efficace et continue;

  • et, bien entendu, une économie d’intrants herbicides ou insecticides.

La situation est sensiblement différente entre les insecticides et les herbicides. Les cultures résistantes aux insectes ont vocation à remplacer les insecticides, alors que les plantes résistantes aux herbicides ne peuvent que servir à mieux utiliser les herbicides. Dans le premier cas, les plantes transgéniques produisent, elles-mêmes, une molécule toxique pour les insectes, tandis qu’avec la résistance aux herbicides elles se protègent d’une molécule toxique pour la plante. Malgré cela, les toxines insecticides produites par les plantes transgéniques ne sont jusqu’à présent pas évaluées in planta au même titre que tout autre produit phytosanitaire, alors que toute extension d’utilisation d’un désherbant sur une nouvelle culture est soumise à une homologation réglementaire, que ce soit pour une culture transgénique ou non. Conçus notamment pour réduire l’usage des herbicides et des insecticides, il est légitime d’en rechercher les premiers effets sur l’agriculture au travers des bilans d’utilisation des pesticides et des conséquences induites sur la protection des cultures dans les 10 à 15 dernières années, essentiellement aux États-Unis d’Amérique où un ensemble cohérent de données est disponible.

Impact sur l’utilisation des insecticides

La situation idéale est décrite dans les expérimentations de développement des variétés transgéniques. Ainsi, on peut voir le nombre de traitements insecticides et le temps de travail pour une surface donnée réduits de cinq à sept fois dans des rizières en Chine, et la quantité de matières actives répandues et leur coût diminués d’un facteur 10, le tout pour un rendement maintenu égal, sans compter l’impact bénéfique pour la santé des agriculteurs (Huang et al., 2005). Une telle situation peut cependant se dégrader du fait de l’arrivée d’autres insectes trouvant une niche vide de parasites et s’y installant, et surtout à cause de l’apparition de mutants résistant aux toxines implantées dans la culture. En effet, les insectes peuvent eux aussi trouver des moyens de contournement de la stratégie de résistance de la culture, d’autant plus que la toxine est présente en continu et constitue une pression de sélection très forte.

Une stratégie d’utilisation durable de ces OGM a donc été proposée. On connaît de nombreuses mutations permettant la résistance à la toxine du bacille de Thuringe (toxine Bt) chez différents insectes, mais elles se sont toutes avérées être plus ou moins récessives. Cela fait qu’un insecte hétérozygote, c’est-à-dire possédant un allèle de résistance et l’autre de sensibilité (RS), ne présente pas une résistance très forte vis-à-vis des toxines (Tabashnik et al., 2008). Seuls les individus homozygotes, c’est-à-dire possédant deux allèles de résistance (RR), sont résistants et peuvent se développer en se nourrissant de la plante. Puisqu’on ne peut rien faire pour empêcher des mutants d’apparaître naturellement, il faudrait empêcher les individus RS et RR de se reproduire entre eux pour éviter l’apparition des résistants RR. Dans ce but, on a imaginé de laisser pulluler des individus complètement sensibles, c’est-à-dire des homozygotes avec deux allèles de sensibilité (SS), dans des parcelles non transgéniques, appelées zones refuges, adjacentes aux champs d’OGM. Cela donne toutes les chances aux individus RR, rares par définition, de ne s’accoupler qu’avec des individus SS, abondants auprès des champs normaux, ce qui ne donnera que des hétérozygotes RS dans leur descendance. Reste ensuite à s’assurer que l’expression de la toxine dans les plantes est toujours suffisante pour tuer les larves hétérozygotes RS. Bien organisée et attentivement suivie, cette stratégie a permis d’éviter pendant dix ans l’apparition de populations d’insectes résistants. Cependant, cette efficacité est fondée sur plusieurs hypothèses :

  • les mutations qui apparaissent sont toutes récessives de sorte que l’hétérozygote ait une résistance intermédiaire;

  • la fréquence de l’allèle mutant doit être inférieure à 0,1%;

  • les insectes doivent être très mobiles pour se retrouver à la fécondation;

  • la mutation ne doit pas engendrer de décalage comportemental;

  • un fort pourcentage de refuge doit être maintenu.

On peut s’attendre à que certaines de ces conditions ne soient pas toujours respectées, et donc que des foyers de populations d’insectes résistants puissent se former et se propager ensuite. Ainsi, une première mutation dominante est récemment apparue dans les champs de maïs transgéniques malgré un pourcentage de refuge de 39%, montrant bien que, si l’on dispose d’un moyen de retarder ce type de problème, cela ne suffit pas à moyen ni à long termes pour garantir l’efficacité de la technologie OGM (Tabashnik et al., 2008). Le maintien de refuges implique que toutes les surfaces ne doivent pas utiliser la technologie OGM. Un pourcentage de 20% non-OGM était recommandé au début. Avec les variétés OGM les plus récentes qui possèdent plusieurs transgènes produisant des toxines agissant sur le même type d’insecte cible (trois dans le cas du maïs SmartStax™), ce qui doit retarder l’apparition d’insectes montrant simultanément plusieurs mutations (stratégie « pyramidale » ; Roush, 1998), le pourcentage recommandé est passé à 5 %.

Il existe des conséquences indirectes. Elles peuvent être immédiates comme la diminution de la fécondité et de la longévité d’auxiliaires des cultures (organismes sauvages prédateurs ou parasites des ravageurs) à cause de la contamination ou de la disparition de leurs proies intoxiquées (Lövei et Arpaia, 2005). Elles peuvent aussi consister en l’augmentation de l’attaque de la culture par d’autres ravageurs non contrôlés par la toxine, comme les hémiptères suceurs de sève dans le cas des pommes de terre (Cloutier et al., 2008). Les conséquences pourraient être différées si une culture transgénique se croisait avec une espèce apparentée qui dès lors deviendrait, elle aussi, résistante à des insectes. Disposant de ce nouvel avantage, cette plante apparentée involontairement transgénique pourrait s’étendre aux dépens d’autres espèces dans des milieux non cultivés, voire abonder encore plus dans les cultures, entraînant un surplus de travail pour l’agriculteur. Enfin, les conséquences peuvent être aussi liées à la confiance dans la stratégie OGM unique. Ainsi, avant l’introduction des premiers maïs résistants à la pyrale aux États-Unis, seules 10% des surfaces de maïs étaient traitées contre cet insecte, mais c’est maintenant sur plus de 50% des surfaces que les variétés transgéniques résistantes à la pyrale sont cultivées. Dans la mesure où l’agriculteur doit prendre sa décision avant le semis, il ne peut s’agir que d’une stratégie a priori, qui constitue une « assurance de protection » qu’on peut supposer adoptée sur la majeure partie des surfaces potentiellement concernées, là où auparavant le traitement devait se faire à vue ou sur avertissement, donc sur une partie plus réduite des surfaces. Il en résulte une généralisation de la présence de la toxine Bt dans les champs qui peut contribuer à sélectionner plus rapidement des insectes résistants ou avoir des effets secondaires éventuels sur la microfaune et la microflore du sol et dans les eaux de ruissellement (Rosi-Marshall et al., 2007), mais en contrepartie il faut aussi prendre en compte la disparition des effets dus aux insecticides remplacés (Bruck et al., 2006).

En l’absence de ces problèmes éventuels à évaluer sur le long terme, les années écoulées depuis 1996 ont montré une réduction du tonnage d’insecticides épandus contre la pyrale et les autres insectes ciblés par les toxines Bt. De l’ordre de 150 g/ha, il y a dix ans, pour le coton, et de 100 g/ha pour le maïs, l’économie réalisée est restée globalement constante en quantité de pesticides malgré des évolutions différentes entre les deux cultures. Pour le coton, d’autres insecticides restant encore souvent utilisés contre de nombreux autres insectes dont la pullulation est variable, la réduction globale varie de 0 à 40% selon les années, et n’est que de 11% en moyenne (figure 1A). Pour le maïs, les industries agrochimiques concurrentes ayant réalisé des progrès sur l’efficacité de leurs produits pesticides dont les doses d’emploi ont aussi été réduites (ce dernier point étant à mettre au crédit des OGM comme élément déclencheur), la réduction des insecticides est passée de 15 à 60% en dix ans par rapport à la référence non-OGM de la même année (figure 1B). Les deux rapports les plus récents diffèrent sur les chiffres mais s’accordent à trouver un bénéfice durable (Benbrook, 2009, fondé sur les statistiques du NASS; Brookes et Barfoot, 2009, fondé sur les statistiques de Dmrkynetec). Cela assure un bénéfice financier, malgré l’achat de la technologie, aux agriculteurs qui ont adopté cette stratégie OGM. Le premier bilan pour le maïs Bt en Europe, dans trois provinces d’Espagne sur trois ans, montre aussi une économie substantielle en nombre moyen de traitements par an (Gomez-Barbero et al., 2008). De plus, les statistiques indiquent une augmentation des rendements, du fait de la protection permanente dont ces cultures bénéficient contre les ravageurs, de 5% pour le maïs et de 9-11% pour le coton (Brookes et Barfoot, 2009).

thumbnail Figure 1.

Évolution de la consommation moyenne d’insecticides en gramme par hectare dans le coton (A) et dans le maïs (B) conventionnels (ronds, ligne pointillée) et OGM résistants aux insectes (carrés, ligne continue). Données tirées de Brookes et Barfoot, 2009.

Impacts sur l’utilisation des herbicides

La résistance aux herbicides nous est familière, car 98% de nos grandes cultures sont désherbées depuis 50 ans à l’aide de produits de synthèse, parfois à plusieurs reprises, c’est-à-dire qu’elles sont déjà résistantes à un ou plusieurs désherbants : les plantes transgéniques ne font qu’accroître la palette des produits disponibles pour une culture donnée. Il existe de nombreuses motivations pour la recherche de résistances aux herbicides. Parmi celles d’ordre technique ou biologique on peut citer :

  • éviter la toxicité plus ou moins marginale des désherbants classiques sur la culture, et permettre leur utilisation à des stades de développement où l’agriculteur ne pouvait pas intervenir auparavant et où les mauvaises herbes sont les plus sensibles;

  • détruire les mauvaises herbes apparentées aux cultures qui disposent des mêmes résistances naturelles que la plante domestiquée (par exemple colza et brassicées sauvages, tomate et solanées sauvages, etc.);

  • atteindre, sans tuer la culture, les plantes parasites (orobanche) dont les ressources sont assurées par la sève de la culture elle-même;

  • permettre l’utilisation de matières actives plus efficaces contre les mauvaises herbes mais moins polluantes et moins toxiques pour l’environnement.

Il y a aussi des justifications économiques pour l’agriculteur comme adopter un herbicide moins cher pour faire baisser les coûts de revient, et pour les industriels pour élargir la part de marché ouverte à l’un de leurs produits. Le génie génétique s’est révélé très efficace pour produire des plantes résistantes à des herbicides, alors que la sélection classique s’en était peu préoccupée. Mais le fond de la stratégie de désherbage reste le même ainsi que ses conséquences. Que ce soit une matière active adaptée aux variétés conventionnelles, ou vice-versa une variété génétiquement modifiée pour résister à une matière active donnée, il s’agit toujours de l’épandage de désherbants de synthèse avec des conséquences similaires sur les pratiques agricoles et l’environnement (Darmency, 2002).

La majorité des surfaces d’OGM résistants à un herbicide est résistante au glyphosate, un produit très efficace contre la plupart des mauvaises herbes et à faible coût dû à l’expiration de son brevet, à la grande satisfaction des agriculteurs. Comme pour les insecticides, les premières estimations des gains « toutes choses égales par ailleurs » ont été très attractives. Ce sont le plus souvent des extrapolations calculées à partir d’une dizaine de points de référence régionaux où la pratique conventionnelle la plus répandue (ou la plus complète) est comparée à celle de la culture OGM. Fondées sur des statistiques de surfaces des différents types de cultures par région, le gain potentiel est alors obtenu pour le pays entier. Ainsi, une économie de 27 600 t d’herbicide aurait été réalisée en 2005 aux États-Unis, soit environ 10% des herbicides agricoles (Sankula, 2006). Le procédé est le même pour l’impact mondial, sommé depuis le début de l’utilisation des OGM, qui aboutirait à une économie de 123 000 t d’herbicides depuis dix ans (Brookes et Barfoot, 2006). La définition d’un index d’impact environnemental (EIQ) fixé pour chaque matière active (bien que cela soit en réalité très variable selon la formulation commerciale, les conditions d’usage et le milieu d’application !) permet de suggérer un allègement de l’effet des pesticides de 15% (Brookes et Barfoot, 2006). En alternative à ces estimations, l’évaluation a posteriori des consommations effectives de pesticides a été rendue possible par l’enquête quinquennale de 2002 du service statistique de l’USDA, complétée à l’aide d’enquêtes partielles pour 2003 et 2004. On constate alors qu’après quelques années où la culture des OGM était effectivement la plus économe, un renversement de situation apparaît en termes de quantité d’herbicides utilisés, dès 1998 pour le soja, en 2001 pour le coton et en 2002 pour le maïs (Benbrook, 2004). Ces tendances ont été confirmées par l’enquête quinquennale de 2007, avec cependant un calcul approché, car la collecte des données n’était pas toujours complète.

Quelles que soient les méthodes d’approximation utilisées, les rapports récents montrent une surconsommation d’herbicides avec les cultures OGM. Selon Fernandez-Cornejo et al. (2009), le total des quantités de glyphosate et des autres herbicides utilisés aux États-Unis était réduit d’un cinquième en 2007 par rapport à 1996 pour le maïs, mais inchangé pour le coton et de 10% en augmentation pour le soja. L’interprétation dans le détail est difficile, car tous les indicateurs n’ont pas été recueillis systématiquement. Selon Brookes et Barfoot, 2009, qui s’appuient sur des sources Dmrkynetec, c’est 17% en moins d’herbicide (en kilogramme par hectare) pour le maïs OGM, mais 58% de plus pour le coton OGM, et 27% de plus pour le soja OGM (figure 2A, C, E). Cependant, ces auteurs interprètent la surconsommation apparente par le fait que les agriculteurs n’utilisant pas la stratégie OGM sont ceux qui ne rencontrent pas de gros problèmes de désherbage dans leurs champs, et donc n’ont pas lieu de désherber intensivement, au contraire de ceux qui ont adopté les variétés OGM résistantes aux herbicides. Par le biais d’une méthodologie d’estimation afin de comparer des situations où les intensités de désherbage seraient similaires (Sankula, 2006), on obtiendrait une économie des quantités épandues de 21% pour le maïs, 23% pour le coton et 7% pour le soja. Il apparaît néanmoins que la tendance est à l’augmentation des quantités d’herbicides par unité de surface de culture OGM depuis 13 ans : 25% chez le maïs, 13% chez le coton et 11% chez le soja, même si le rapport reste très optimiste quant à l’attrait de la technologie (Brookes et Barfoot, 2009). Nettement moins nuancé, le rapport de Benbrook (2009), qui s’appuie sur des sources NASS fédérales, montre que les OGM entraîneraient une surconsommation en matière active de 10% pour le maïs, 23% pour le coton et 330% pour le soja par rapport aux équivalents non-OGM aujourd’hui (figure 2B, D, F).

thumbnail Figure 2.

Évolution de la consommation moyenne d’herbicides en gramme par hectare dans le maïs (en haut : A, B), le coton (au milieu : C, D) et dans le soja (en bas : E, F) conventionnels (ronds, ligne pointillée) et OGM résistants aux herbicides (carrés, ligne continue). À gauche (A, C, E), données tirées de Brookes et Barfoot, 2009; à droite (B, D, F), données tirées de Benbrook (2009).

Les causes de ce renversement de bilan étaient prédites dès avant même la commercialisation à moins que, de la même manière que pour les variétés OGM résistantes aux insectes, des mesures de gestion agronomique n’aient été adoptées au lieu de laisser croire à la panacée. En effet, l’usage répété des mêmes pressions de sélection, ici du même herbicide, entraîne inéluctablement l’apparition d’individus adaptés. Il s’agit soit d’espèces de mauvaises herbes qui étaient déjà moins sensibles que d’autres et qui arrivent à trouver un créneau de développement, soit des plantes résistantes sélectionnées parmi les nombreux mutants qui apparaissent naturellement de manière récurrente au sein d’une espèce préalablement complètement sensible. Ainsi, des érigerons, des amarantes et des ambroisies résistants sont apparus à partir de 2000 et sont maintenant présents dans de nombreux États américains cultivant le coton, le soja et le maïs résistant au glyphosate (Heap, 2010). Ces plantes ont entraîné des difficultés de désherbage conduisant à une augmentation des doses et/ou du nombre de passage de glyphosate : 39% en plus pour le maïs, 200% pour le coton, et 98% pour le soja (Benbrook, 2009). Puis l’usage d’autres désherbants de synthèse, généralement appliqués en prélevée, a été recommandé pour détruire spécifiquement les plantes résistantes. Ainsi, le « Roundup Ready® Corn 2 system » (monsanto.com) préconise des traitements en présemis contenant alachlor, acetochlor, atrazine ou diuron, plus éventuellement 2,4-D, dicamba et diuron en association avec le glyphosate. Ces produits supplémentaires doivent être épandus à des doses de matières actives bien supérieures à celle du glyphosate, et leurs profils écotoxicologiques sont nettement moins bons. Par ailleurs, les sociétés de l’agrochimie concurrentes, pour ne pas perdre complètement des marchés, ont présenté une offre de produits et de formulations plus efficaces avec moins de matières actives, modifiant ainsi la ligne de base faisant référence pour la comparaison en termes de quantité de matières actives consommées. C’est ainsi que toutes les courbes des variétés conventionnelles montrent une tendance décroissante dans la figure 2 , alors que celles des variétés OGM montrent une tendance croissante. Reste encore que la technologie OGM s’avère moins coûteuse aujourd’hui que l’usage de désherbants sélectifs sur des variétés conventionnelles, ce qui conduit une majorité d’agriculteurs américains à privilégier les OGM résistants aux herbicides tant qu’ils n’ont pas de problème. La commercialisation d’une nouvelle génération de variétés OGM résistantes à deux herbicides vient actuellement résoudre certains de ces problèmes, mais elle ne peut conduire qu’aux mêmes résultats, et elle génère des repousses multirésistantes encore plus difficiles à gérer (Messéan et al., 2007).

Dans le cas du colza, le risque d’apparition de mauvaises herbes ayant acquis la résistance à l’herbicide par croisement sexué avec la culture ajoute encore un risque d’échec de la stratégie : un tel cas a été découvert chez la navette sauvage au Canada (Warwick et al., 2008). Ce phénomène est également prédit dans le cas du tournesol, des betteraves, du riz et du blé (Darmency, 1997). On voit donc que seules les motivations d’ordre financier tiennent encore aux dépens des considérations agronomiques :

  • l’instauration de programmes de désherbage avec plusieurs passages rend caduque la promesse de souplesse d’emploi;

  • les apparentés sauvages de la culture peuvent recevoir le gène de résistance;

  • des résistances spontanées apparaissent chez les autres mauvaises herbes;

  • la quantité de produits chimiques de synthèse répandue dans les champs n’est pas réduite;

  • des molécules anciennes qui ne bénéficient pas des normes d’innocuité les plus récentes sont

  • réutilisées.

De plus, comme le désherbage avec des produits de synthèse était auparavant aussi efficace qu’avec les OGM résistants aux herbicides, il n’y a pas de gain de rendement (Brookes et Barfoot, 2009). Du côté des bénéfices pour l’environnement, on notera néanmoins que les résistances aux herbicides actuellement développés permettent de réaliser des semis directs, ce qui entraîne des économies de carburant pour le labour et accroît l’effet de stockage de carbone dans le sol (Brookes et Barfoot, 2006).

Conclusion

L’essentiel des cultures OGM actuellement commercialisées fait partie de l’arsenal de la protection des cultures contre les mauvaises herbes et les ravageurs. Elles sont actuellement mises en culture dans des structures agricoles très différentes des nôtres et sans obligation de surveillance de telle manière qu’il n’est pas très facile d’en extrapoler des indications fiables sur la consommation des pesticides et l’impact sur l’environnement. L’usage aux États-Unis montre qu’il ne s’agit en aucun cas de panacée, et au contraire qu’elles n’ont de valeur qu’intégrées dans des systèmes de culture diversifiés afin d’être durablement efficaces. Les OGM résistants aux insectes peuvent conduire à une réduction des quantités d’insecticides moyennant une bonne gestion agronomique. Ils ont aussi conduit à une augmentation du rendement, à une réduction du nombre d’interventions dans le champ, et ont donc répondu aux bénéfices escomptés. Il n’en est pas de même avec les herbicides pour lesquels on remarque une augmentation des quantités pulvérisées, le retour à d’interventions multiples, l’apparition de mauvaises herbes résistantes qui rend caduque la stratégie OGM, et pas d’augmentation du rendement. Ces dérives, si elles ne pouvaient pas être enrayées par de bonnes pratiques agronomiques, rendraient inutilisables les OGM résistants aux herbicides dans le cadre des plans de raisonnement de l’usage des pesticides, voire dans le plan Écophyto 2018 qui appelle la « ferme France » à une réduction de leur consommation de 50%.

Références

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Liste des figures

thumbnail Figure 1.

Évolution de la consommation moyenne d’insecticides en gramme par hectare dans le coton (A) et dans le maïs (B) conventionnels (ronds, ligne pointillée) et OGM résistants aux insectes (carrés, ligne continue). Données tirées de Brookes et Barfoot, 2009.

Dans le texte
thumbnail Figure 2.

Évolution de la consommation moyenne d’herbicides en gramme par hectare dans le maïs (en haut : A, B), le coton (au milieu : C, D) et dans le soja (en bas : E, F) conventionnels (ronds, ligne pointillée) et OGM résistants aux herbicides (carrés, ligne continue). À gauche (A, C, E), données tirées de Brookes et Barfoot, 2009; à droite (B, D, F), données tirées de Benbrook (2009).

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