Numéro |
OCL
Volume 19, Numéro 3, Mai-Juin 2012
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Page(s) | 139 - 141 | |
Section | Introduction | |
DOI | https://doi.org/10.1051/ocl.2012.0452 | |
Publié en ligne | 15 mai 2012 |
Colza et développement durable
CETIOM, Département Veille, Prospective, International
La filière colza moderne s’est historiquement construite sur l’innovation scientifique et technique : la conversion vers des variétés sans acide érucique, puis à basses teneurs en glucosinolates, la mise au point de la protection de la culture et d’itinéraires techniques cohérents et efficaces, le lancement de la filière biodiesel et plus récemment le développement des variétés hybrides sont à inscrire à la liste des succès sur lesquels repose la filière actuelle. Tous ont été accomplis ou initiés dans les dernières décennies du XXe siècle, marquées par la prédominance de la demande sociale de biens de consommation en abondance, de qualité et bon marché et par la recherche de la croissance économique. Si certaines remises en cause du modèle agricole « productiviste » ont émergé dès la décennie 70, les années 1990-2000, au fil des crises dans les domaines de la santé publique et de la qualité sanitaire de l’alimentation, ont amené au niveau de la société un nouveau questionnement du progrès scientifique et technique, et une remise en cause de certaines innovations, au rang desquelles il faut compter la transgénèse qui semblait de prime abord très prometteuse, notamment pour l’espèce colza.
Dans la société d’abondance au moins apparente de l’Europe des années 1990-2000, le regard de la société sur l’agriculture a changé de perspective, s’attachant désormais aux impacts négatifs de la production sur l’environnement et la consommation de ressources avant de considérer l’utilité des biens produits.
Le cadre théorique du développement durable, énoncé dans le fameux rapport Brundtland (1987) présente l’avantage d’une approche équilibrée sur ses trois piliers, économique, environnemental et social. Il devrait donc amener d’une certaine manière à tenter la synthèse des décennies antérieures et, loin de se détourner de l’innovation, d’inscrire cette innovation dans un cadre d’évaluation multicritères pour concilier croissance économique, réponses aux besoins des populations et respect de l’environnement.
Si l’idée est simple, sa mise en œuvre est plus complexe. À l’idéal, produits et modes de production doivent répondre simultanément aux qualificatifs énoncés dans le tableau 1.
Qualificatifs des produits et modes de production
Il est relativement simple de qualifier un produit ou un mode de production sur la dimension économique : les méthodes de calcul sont rodées, et les sanctions sur l’existence même de la production rapides.
Il n’en va pas de même pour l’environnement, composé de sous-domaines (l’eau, l’air, le sol, la biodiversité…) eux-mêmes en interaction permanente. Les méthodologies sont en cours d’élaboration, et la définition d’un critère intégrateur qui se voudrait simple, comme l’empreinte environnementale d’un produit, est loin d’être acquise. Les critères de qualité de l’air ou de l’eau peuvent être mesurés relativement facilement, mais la mise en évidence des liens entre pratiques et impacts sur ces critères est souvent plus délicate, dès lors qu’elle demande de comprendre le fonctionnement des milieux.
Traiter des impacts des pratiques sur la biodiversité pose en premier lieu la question des échelles auxquelles observer la biodiversité, de la parcelle au territoire, et de la façon de la mesurer ou de l’observer par le biais d’indicateurs dont il faut s’assurer de la pertinence.
Par ailleurs, le colza n’est qu’une composante de systèmes de culture et de systèmes de production plus complexes : la génération des impacts mais aussi les leviers pour les réduire résident à différents niveaux d’organisation de ces systèmes : de la plante cultivée à l’organisation territoriale des systèmes de production, en passant par l’itinéraire technique des cultures, le système de culture (les techniques et cultures pratiquées sur une parcelle), le système d’exploitation.
Le progrès des connaissances sur le fonctionnement et l’écologie des milieux, qui est du rôle de la recherche et nécessite des investissements importants, permettra de guider l’évolution des modes de production en jouant à différents niveaux d’organisation.
La réponse aux questions posées par la société – ou certaines de ses composantes – à la filière colza, conditionne à la fois l’acceptabilité des modes de production et la reconnaissance de l’utilité de ses produits, tout particulièrement le biodiesel. En France, les questions vives portent aujourd’hui sur :
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la trop grande dépendance de la culture du colza aux intrants phytosanitaires, en premier lieu les insecticides;
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en lien avec l’utilisation d’insecticides, le rôle supposé du colza dans les problèmes de décroissance des populations d’abeilles;
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le bilan global du biodiesel de colza en termes de gaz à effet de serre et de réchauffement climatique.
Sur le premier point, il est indispensable de progresser dans la mise en œuvre de la protection intégrée. Si le volet génétique a son rôle à jouer, notamment vis-à-vis des maladies, la prise en compte des aspects agro-écologiques pourrait constituer une voie d’innovation dans la régulation des insectes ravageurs du colza, ainsi que la mise au point de systèmes de culture innovants intégrant au mieux les méthodes de lutte contre les ennemis des cultures.
Des travaux sont également en cours sur les relations entre cultures oléagineuses et populations d’abeilles domestiques, et plus généralement entre systèmes de grandes cultures et faune auxiliaire (travaux en cours, non présentés dans le dossier).
La question des bilans énergétique et gaz à effet de serre du biodiesel de colza doit être traitée selon deux voies complémentaires. La voie de l’action de terrain passe par la mise en œuvre d’une démarche de progrès impliquant les producteurs et leurs conseillers dans le but d’évaluer les bilans des parcelles cultivées, de réaliser un diagnostic pour énoncer un conseil pour améliorer ces bilans. Cette démarche de progrès (référence à la boucle de progrès des démarches d’assurance qualité) est actuellement animée par le CETIOM avec les acteurs du biodiesel en France sur les volets énergie et gaz à effet de serre. Il est prévu de l’étendre aux aspects relatifs à l’usage des produits phytosanitaires et à la biodiversité. Cette voie de travail permet de calculer les bilans à la parcelle et surtout d’agir sur ces bilans en faisant évoluer les pratiques. Il convient de souligner que, les méthodes de production du colza étant les mêmes qu’il soit destiné à des usages alimentaires ou énergétiques, les progrès réalisés seront selon toute vraisemblance valorisés pour l’ensemble de la production de colza.
La seconde voie est celle de la recherche pour mieux évaluer les émissions de gaz à effet de serre dans les conditions françaises, notamment le N2O, en procédant à des mesures précises en différents milieux et en faisant varier des paramètres de la conduite des cultures. Ces références serviront à l’élaboration de modèles, qui seront utilisés pour des simulations visant à établir des référentiels d’émissions dans les conditions françaises selon les méthodes du GIEC. Ils permettront de caractériser la production de biodiesel française au regard des seuils prévus par la directive sur les énergies renouvelables de l’Union européenne.
La question de l’impact global du biodiesel, avec prise en compte des impacts indirects liés aux changements d’affectation des terres au niveau planétaire, fait également l’objet de travaux, méthodologiques dans un premier temps.
On voit que si la réponse aux questions vives est indispensable – des travaux sont en cours – elle ne constituera qu’une approche très partielle de la question de l’intégration de la filière colza dans le cadre du développement durable, qui est beaucoup plus vaste.
Les travaux présentés ici témoignent de la dynamique d’innovation de la filière colza pour s’inscrire dans, et contribuer au développement durable.
© John Libbey Eurotext 2012
Liste des tableaux
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