Issue |
OCL
Volume 22, Number 6, November-December 2015
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Article Number | D608 | |
Number of page(s) | 6 | |
Section | Dossier: Flax and hemp / Lin et chanvre | |
DOI | https://doi.org/10.1051/ocl/2015053 | |
Published online | 04 November 2015 |
Research Article
Caractéristiques des huiles de lin et de chanvre
Linseed and hempseed oils characteristics
ITERG, 11 rue Gaspard Monge, 33600
Pessac,
France
* Correspondance : o.morin@iterg.com
Reçu : 1 Septembre 2015
Accepté : 11 Septembre 2015
Les huiles de lin et de chanvre appartiennent à la famille des huiles riches en acides gras polyinsaturés contenant de l’acide alpha-linolénique (ALA). Le contexte actuel du déficit d’apport en ALA, précurseur indispensable des AGPI de la série des omégas 3 (ou n-3), comme en ses dérivés métaboliques supérieurs (EPA, DHA), fonde le regain d’intérêt pour les sources apportant le précurseur de ces acides gras essentiels. Les autorisations de commercialisation de l’huile de chanvre ou l’évolution réglementaire dans le cas de l’huile de lin en France, ont tenu compte de cet atout nutritionnel pourvu que les conditions de stabilité en conservation soient garanties.
Abstract
Linseed and hempseed oils belong to the family of vegetable oils rich in polyunsaturated fatty acids containing alpha-linolenic acid (ALA). According to nutritional surveys, the recommended daily amounts of ALA are not fulfilled, leading to a non-optimised balance between omega 6 and 3 in the diet; in this context, vegetable oil sources of ALA have their role to play. Authorisations for food uses or regulation in the specific case of linseed oil in France have taken this nutritional asset into account, provided that the conditions of storage and utilisation are mentioned.
Mots clés : Huile de lin / huile de chanvre / acides gras / oméga 3 / tocophérols / stérols / réglementation
Key words: Linseed oil (flaxseed oil) / hempseed oil / fatty acids / omega 3 / tocopherols / sterols / French regulation
© O. Morin, Published by EDP Sciences, 2015
This is an Open Access article distributed under the terms of the Creative Commons Attribution License (http://creativecommons.org/licenses/by/4.0), which permits unrestricted use, distribution, and reproduction in any medium, provided the original work is properly cited.
1 Les huiles de lin et de chanvre : des huiles végétales riches en acides gras polyinsaturés
L’huile de lin, avec en moyenne plus de 54 % de ses acides gras constitutifs, appartient sans conteste à la famille des huiles contenant de l’acide alpha-linolénique (C18:3, oméga 3), aux côtés des huiles de cameline (27–35 %), de chanvre (14–18 %), de noix (9–15 %), de colza (8–10 %) et de soja (4–10 %).
Une fois constaté ce point commun, ces huiles riches en acides gras polyinsaturés (AGPI), présentent des différences de composition (profil qualitatif et quantitatif en acides gras, degré d’insaturation, présence d’autres nutriments tels que les tocophérols) qui leur confèrent des potentiels particuliers notamment en termes d’intérêt nutritionnel et de stabilité (Morin, 2012).
compositions en acides gras des huiles de lin et de chanvre comparées à celles d’autres huiles végétales de la famille alpha-linolénique (cameline, noix, colza et soja).
composition en acides gras de l’huile de lin (5 échantillons d’origines différentes, approvisionnements Europe – Résultats ITERG).
composition en triglycérides de l’huile de lin. (a) 6 échantillons d’origines différentes, approvisionnements Europe – Résultats ITERG. (b) Résultat littérature : Gunstone FD, Padley FB, 1965, JAOCS 42:957. Légende : P, palmitique; St, stéarique; O, oléique; L, linoléique; Ln, α-linolénique.
répartition (%) des acides gras en positions interne (sn-2) et externes (sn-1 & -3) des triglycérides de l’huile de lin. (4 échantillons d’origines différentes, approvisionnements Europe – résultats ITERG).
L’évolution de leurs utilisations en alimentaire reflètent ces particularités. Par ailleurs les apports nutritionnels conseillés (Martin, 2001; AFSSA – ANSES, 2010–2011) et le contexte du déficit d’apport en acide alpha-linolénique (ANSES, 2011; ONIDOL, 2015), précurseur indispensable des AGPI de la série des omégas 3 (ou n-3), comme en ses dérivés métaboliques supérieurs (EPA1, DHA2), fonde le regain d’intérêt pour les sources apportant le précurseur de ces acides gras essentiels.
En France, si la possibilité d’utiliser l’huile de cameline en alimentation humaine a été officiellement confirmée en 1998, l’agrément officiel d’alimentarité de l’huile de chanvre a été obtenu en 2002 : dans les deux cas, l’utilisation alimentaire significative des huiles antérieure à 19973 dans l’Union européenne, a donné lieu à un simple dossier de demande de commercialisation en France soumis aux Services de la DGCCRF. En ce qui concerne l’huile de lin, la France (depuis 1973) et la Grèce disposaient, à cette époque, d’une réglementation en interdisant les usages alimentaires; l’évolution de la réglementation nationale sur les graisses et huiles comestibles autorise aujourd’hui la consommation sous conditions de l’huile de lin vierge et raffinée (Textes réglementaires. Décret n° 2008-184; arrêté du 4/12/2008 modifié par arrêté du 12/07/2010).
2 Huile de lin
2.1 Compositions
2.1.1 Acides gras et triglycérides
La composition en acides gras est présentée dans le tableau 1 telle qu’on la trouve dans la littérature rassemblant des origines différentes (Europe, Canada), ce qui a pour effet d’élargir les fourchettes de valeurs. Le tableau 2 présente des résultats correspondant à des approvisionnements plus resserrés conduisant à une moindre variabilité des compositions. La provenance a un impact significatif sur la teneur en acide alpha-linolénique.
Étant donné la proportion importante d’acide alpha-linolénique de l’huile de lin, la composition de ses triglycérides (Tab. 3) montre une quantité prépondérante de trilinolénine (LnLnLn : 24 %).
En termes de structure des triglycérides, le tableau 4 indique la répartition des acides gras de l’huile de lin entre les positions interne (sn-2) et externes (sn-1 & 3) de ses triglycérides : en toute cohérence, cette répartition se fait pour un tiers en position interne et pour deux tiers en positions externes.
2.1.2 Tocophérols, stérols
Les données sont réunies dans le tableau 5 (Firestone, 1999); d’autres auteurs ont repris ou publié des résultats similaires, compris dans les fourchettes indiquées (Daun, et al. 20034; Gunstone, Harwood, 2007; Schwartz, et al., 2008).
L’huile de lin contient de 40 à 60 mg/100 g de tocophérols, quantité similaire à celle de l’huile de noix mais inférieure à celles des huiles de colza et de soja; la forme gamma-tocophérol, au potentiel protecteur antioxydant élevé, est pratiquement la seule forme présente (96–98%); les formes alpha- et delta-tocophérols étant de ce fait présentes en très faibles quantités.
Les teneur et composition en stérols de l’huile de lin sont comparables à celles de la plupart des huiles végétales avec le beta-sitostérol majoritaire.
2.2 Évolution du statut alimentaire de l’huile de lin en France
De façon paradoxale aujourd’hui, la richesse particulière de l’huile de lin en C18:3 oméga 3 a été à l’origine de son statut d’huile non alimentaire en France à partir de 19735 suite à un avis du Conseil Supérieur d’Hygiène Publique de France (CSHPF) émis en 1967, sur la base de connaissances antérieures à 1965.
Á l’époque, le caractère essentiel et indispensable de l’acide alpha-linolénique n’avait pas été identifié et le fait « qu’il existe 2 familles d’acides gras polyinsaturés essentiels, n-6 et n-3, sans transformation métabolique et sans substitution fonctionnelle possible de l’une à l’autre » n’avait pas été établi, tout comme la nécessité d’un rapport équilibré (5) entre les précurseurs (acide linoléique, oméga 6 & acide alpha-linolénique, oméga 3) des deux familles (Martin, 2001).
Ainsi, la richesse en C18:3 oméga 3 était alors considérée comme un critère négatif lié à la fragilité d’une huile très polyinsaturée et au risque de dégradation élevé et non maîtrisable dans les usages à chaud (cuisson, friture).
En l’absence de données fiables de consommation et de recommandations nutritionnelles, un avis également négatif du CSHPF fut prononcé en 1997 à l’encontre de capsules d’huile de lin en tant que complément alimentaire.
Pour mémoire, le CSHPF donna en 1998 un avis favorable à l’emploi de graines de lin dans les pains (sous conditions : taux limité à 5 % avec une limite de 1 mg/kg d’acide cyanhydrique dans la denrée alimentaire liée à la présence de composés cyanogéniques dans la graine de lin).
De façon anecdotique, on peut remarquer l’autorisation en 1998, rappelée en introduction, de l’huile de cameline, dont les 30–33 % en moyenne d’ALA auraient pu constituer un handicap à son usage alimentaire; de fait, la réglementation d’alors imposait pour cette huile un usage réservé à l’assaisonnement (pour toutes les huiles contenant plus de 2 % de C18:3 oméga 3), excluant ainsi le risque de dégradation à chaud.
L’évolution des connaissances scientifiques en matière de métabolisme et de nutrition (en particulier lipidique) ont notamment conduit à la publication en 2001 de recommandations nutritionnelles officielles issues d’une politique nutritionnelle coordonnée (PNNS)6; c’est dans ce nouveau contexte que la réglementation nationale sur l’huile de lin a pu évoluer.
Les nouvelles dispositions sur l’huile de lin se sont inscrites dans la révision de la réglementation concernant les graisses et huiles comestibles finalisée en 2008 (Textes réglementaires. Décret n° 2008–184) et mettant en place deux changements majeurs :
-
l’indication des usages, en particulier la friture, n’est plus liée à la teneur en acide alpha-linolénique; doivent apparaître sur l’étiquette les conseils d’utilisation et les bonnes pratiques de friture quand cet usage est mentionné;
-
l’autorisation sous conditions de l’huile de lin dans l’alimentation (huile vierge, huile raffinée dans la fabrication de denrées alimentaires).
Cette évolution dont les étapes sont résumées dans le schéma 1, s’est traduite par deux arrêtés spécifiques huile de lin (Textes réglementaires. Arrêtés du 4 décembre 2008 et du 12 juillet 2010) faisant suite au décret 2008-184; elle s’est appuyée sur :
-
un dossier élaboré par la FNCG7 avec le soutien scientifique et technique de l’ITERG, complété pour répondre aux demandes de précisions de l’AFSSA (comités d’experts spécialisés « Nutrition humaine » et « Résidus et contaminants chimiques et physiques »);
-
5 avis de l’AFSSA, entre 2003 et 2010, jusqu’à la publication du second arrêté incluant les conditions d’emploi de l’huile de lin vierge.
En résumé depuis le dernier arrêté de juillet 2010, l’huile de lin raffinée est autorisée comme ingrédient en mélange dans les huiles alimentaires et les matières grasses tartinables.
La teneur en alpha- et gamma-tocophérols des aliments contenant de l’huile de lin raffinée doit être supérieure à 3 mg/g d’acide alpha-linolénique.
L’huile de lin vierge est autorisée seule ou en mélange dans les huiles alimentaires.
Elle doit être présentée dans un conditionnement en matériau opaque d’un volume maximal de 250 ml, ayant subi un inertage à l’azote avant son obturation et ayant une date limite d’utilisation optimale (ou une DDM8) inférieure à neuf mois.
L’étiquetage de l’huile de lin vierge doit comporter les mentions suivantes :
-
« ne pas utiliser pour la friture »;
-
« conserver à l’abri de la chaleur avant ouverture »;
-
« après ouverture, conserver au réfrigérateur maximum trois mois ».
L’autorisation de l’huile de lin en alimentation repose ainsi sur des données de composition (acides gras, triglycérides, tocophérols), de sécurité sanitaire (maîtrise du risque contaminants), de conditions à respecter pour assurer une stabilité optimale de l’huile vierge ou raffinée (usage cru, huile de lin seule ou en mélange, conditionnement, conservation). Sa richesse en acide alpha-linolénique est un atout qui peut notamment être valorisé en mélange pour proposer des assemblages d’huiles au ratio oméga 6 (C18:2, linoléique)/oméga 3 (C18:3, alpha-linolénique) optimisé, plus proche des recommandations nutritionnelles; ou encore de renforcer l’apport en vitamine E en associant huile de lin et huiles riches en alpha-tocophérol.
Schéma 1 Résumé des étapes de l’évolution du statut de l’huile de lin dans le cadre de la révision de la réglementation relative aux huiles et graisses en France (Avis Afssa/Décret et arrêtés). |
2.3 Utilisations910
L’utilisation en alimentation humaine demeure limitée (5–7%) et la filière Bio modeste (0,3 % de la collecte enquêtée en 2008 et 2009).
L’alimentation animale constitue le principal débouché (graines entières).
Les utilisations techniques de l’huile de lin, non développées ici, concernent les secteurs des peintures, encres, linoleum, savons, produits de traitement du bois et carrelage, etc.
3 Huile de chanvre (ou de chènevis)
3.1 Compositions
3.1.1 Acides gras (Tab. 1)
L’huile de chanvre présente une composition en acides gras proche de celle de l’huile de noix avec 55–57 % d’acide linoléique (C18:2 oméga 6) et un peu plus d’acide alpha-linolénique (C18:3 oméga 3), 14–18 % (9–15 % pour la noix); elle contient également entre 2 et 4 % d’acide gamma-linolénique (C18:3 oméga 6) et environ 1 % d’acide stéaridonique (C18:4 oméga 3).
L’acide gamma-linolénique est le premier acide gras dérivé de l’acide linoléique dans la voie de biosynthèse des acides gras polyinsaturés de la série oméga 6 (par action de la Δ6 désaturase) conduisant à l’acide arachidonique. L’acide stéaridonique est l’homologue de l’acide gamma-linolénique dans la série oméga 3, à partir de l’acide alpha-linolénique.
On trouve ces deux acides gras particuliers dans l’huile de pépins de cassis (gamma-linolénique, 15–19 % et stéaridonique 2–4 % avec 12–14 % d’acide alpha-linolénique). Les huiles d’onagre et de bourrache contiennent aussi de l’acide gamma-linolénique (respectivement 8–13 % et 18–25%) mais pratiquement pas d’acide alpha-linolénique (<1%).
3.1.2 Tocophérols, stérols (Tab. 6)
L’huile de chanvre contient environ 80 mg/100 g de tocophérols sous la forme gamma à près de 92 %, ce qui contribue à protéger cette huile polyinsaturée de l’altération oxydative après son extraction et en conservation.
La composition en stérols majoritaires est similaire à celle de la plupart des huiles végétales : β-sitostérol, campestérol, Δ5 avénastérol, stigmastérol; certains stérols minoritaires peuvent être identifiés (ou non) sans être atypiques.
3.2 Principales utilisations
Selon que l’huile est proposée en qualité vierge ou raffinée les débouchés pourront concerner la consommation alimentaire directe (huile vierge, huile vierge Bio) ou en cosmétique et autres secteurs (huile raffinée) sous réserve des volumes produits et de la régularité des approvisionnements.
Les utilisations alimentaires, tenant compte de la composition particulière de l’huile de chanvre, seront réservées à un usage à froid (assaisonnements et sauces).
Textes réglementaires :
-
Décret n° 2008-184 du 26 février 2008 portant application du code de la consommation en ce qui concerne les graisses et huiles comestibles (J.O.R.F. 28 février 2008).
-
Arrêté du 4 décembre 2008 fixant les conditions d’utilisation de l’huile de lin pour un usage alimentaire (J.O.R.F. 10 décembre 2008).
-
Arrêté du 12 juillet 2010 modifiant l’arrêté du 4 décembre 2008 fixant les conditions d’utilisation de l’huile de lin pour un usage alimentaire (J.O.R.F. 21 juillet 2010).
Références
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Cite this article as: Odile Morin. Caractéristiques des huiles de lin et de chanvre. OCL 2015, 22(6) D608.
Liste des tableaux
compositions en acides gras des huiles de lin et de chanvre comparées à celles d’autres huiles végétales de la famille alpha-linolénique (cameline, noix, colza et soja).
composition en acides gras de l’huile de lin (5 échantillons d’origines différentes, approvisionnements Europe – Résultats ITERG).
composition en triglycérides de l’huile de lin. (a) 6 échantillons d’origines différentes, approvisionnements Europe – Résultats ITERG. (b) Résultat littérature : Gunstone FD, Padley FB, 1965, JAOCS 42:957. Légende : P, palmitique; St, stéarique; O, oléique; L, linoléique; Ln, α-linolénique.
répartition (%) des acides gras en positions interne (sn-2) et externes (sn-1 & -3) des triglycérides de l’huile de lin. (4 échantillons d’origines différentes, approvisionnements Europe – résultats ITERG).
Liste des figures
Schéma 1 Résumé des étapes de l’évolution du statut de l’huile de lin dans le cadre de la révision de la réglementation relative aux huiles et graisses en France (Avis Afssa/Décret et arrêtés). |
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