DANS LE RETRO - Michel-Eugène CHEVREUL, un immense savant à la Société d’agriculture de Paris (future Académie d’agriculture de France)

Par : C. FERAULT, Directeur de recherche honoraire INRAE, Membre émérite et Vice-secrétaire honoraire de l’Académie d’agriculture de France

Abstract – Michel-Eugène Chevreul is elected as an Ordinary Partner [Titular Member] of the Royal and Central Society of Agriculture on 22 August 1832, barely at the age of 46. He will remain particularly active there until his death. That is for 57 years and under six successive denominations of the Company before becoming an Academy in 1915.

Even today, its sensitive marble statue, imposing and edifying, the work of sculptor Eugène Soldi, inaugurated on July 19, 1882, welcomes visitors to the mansion of the Academy located at “The Hôtel of Rue de Bellechasse” in Paris.

Considered from the beginning by his peers as a first-level scientist, Chevreul frequently intervenes during discussions and he communicates. He joined the Bureau, becoming an Officer in 1849 and then President the following year.

Remarkable fact: he exercised this function twenty times, each even year until 1888, thus remaining in charge of this responsibility for forty years, which gave him a complete vision of the Company and its evolution over the long term. During his long years as a member of the Bureau, he played a leading role in a very eclectic behavior, focusing on scientific and technical aspects but much less on contingencies.

According to custom, he is called upon to give a speech as President during the solemn annual sessions, most often in the presence of the Minister responsible for Agriculture. His interventions, short, sometimes improvised but based on his vast culture, are favored by the audience because of their depth. His prolixity, which quickly became legendary, is not found at this level.

Strongly active during the sessions, he submits various notes, reports and communications, but in total in a limited number (14) on very diverse themes, including items not expected.

His relationships with his fellow scholar of the academy are always close and full of respect, especially towards those he considered as scholars. And when he happens to be absent, some take it upon themselves to say, "Mr. Chevreul would no doubt think..." Through his reflections, his writings, his attitudes and his deep attachment to the Society, which pays him back well, one can feel that he has found there his favorite place of anchorage. The latter organizes a solemn banquet on the occasion of the 50th anniversary of its election, in the presence of the Minister, as well as an emotional ceremony for its centenary.

It is under his presidencies that the mansion of the Academy is built in connection with the extreme generosity of one of his fellow scholars of the Academy.

From 1878 onwards, the new status of the Society, then the National Agricultural Society of France, is in fact that of an Academy, but the Great Man does nothing to facilitate this transformation, probably because of the reservations expressed by some of his colleagues at the Academy of Sciences, or even because of his own reservations. However, he greatly contributes to giving an international reputation to the Academy, thanks to the high quality of its national and foreign recruitments, to his own bright understanding of the questions asked and his growing openness to sectors related to agriculture, such as food industries, social issues and human nutrition.

Résumé – Michel-Eugène Chevreul est élu Associé ordinaire [Membre titulaire] de la Société royale et centrale d’agriculture le 22 août 1832, à 46 ans à peine. Il y restera particulièrement actif jusqu’à son décès, soit pendant 57 ans et sous six des dénominations successives de la Compagnie qui ne deviendra Académie qu’en 1915.

Aujourd’hui encore, sa statue de marbre, sensible, imposante et édifiante, œuvre du sculpteur Eugène Soldi, inaugurée le 19 juillet 1882, accueille le visiteur de l’Hôtel académique, rue de Bellechasse à Paris.

Considéré dès l’abord par ses pairs comme un savant du premier niveau, Chevreul intervient fréquemment au cours des échanges et communique. Il entre au Bureau, devenant ainsi Officier en 1849 puis Président l’année suivante.

Fait remarquable : il exercera cette fonction à vingt reprises, chaque année paire jusqu’en 1888, demeurant ainsi en responsabilité quarante ans ce qui lui confère une vision complète de la Société et de son évolution sur le temps long. Au cours de ses si longues années au Bureau, il joue un rôle moteur sous un comportement très éclectique, s’attachant aux aspects scientifiques et techniques mais nettement moins aux contingences.

Selon l’usage, il est conduit à prononcer un discours de Président à l’occasion de la séance annuelle solennelle, le plus souvent en présence du ministre chargé de l’Agriculture. Ses interventions, courtes, parfois improvisées mais appuyées sur sa vaste culture, reçoivent les faveurs de l’assistance en raison de leur profondeur. Sa prolixité, devenue vite légendaire, n’est pas retrouvée à ce niveau.

Très actif pendant les séances, il y présente des notes, rapports et communications, mais au total en nombre limité (14) sur des thèmes fort divers, y compris là où on ne l’attend pas.

Les relations à ses confrères sont toujours de proximité et empruntes de respect, spécialement à l’égard de ceux considérés par lui comme savants. Et lorsqu’il lui arrive d’être absent, certains se chargent d’affirmer : « M. Chevreul penserait sans doute... ». On ressent par ses réflexions, ses écrits et ses attitudes, son attachement profond à la Société qui le lui rend bien, et le sentiment qu’il y a trouvé son lieu d’ancrage préféré. Celle-ci organise un Banquet solennel à l’occasion du 50e anniversaire de son élection, en présence du ministre, ainsi qu’une cérémonie émouvante pour son centenaire.

C’est sous ses présidences que l’Hôtel de l’Académie est édifié en lien avec l’extrême générosité de l’un de ses confrères.

A partir de 1878, le nouveau statut de la Société, alors nationale d’agriculture de France, est en fait celui d’une Académie, mais le Grand homme ne fait rien pour faciliter cette transformation, probablement en raison des réserves de certains de ses confrères de l’Académie des sciences, voire de lui-même. Toutefois, il participe grandement à lui conférer une renommée internationale, grâce à la qualité de ses recrutements nationaux et étrangers, à sa propre lumineuse proximité avec les questions posées et à son ouverture croissante à des secteurs connexes à l’agriculture, tels que les industries alimentaires, des questions de société et l’alimentation humaine.

Au cours de la seconde moitié du XIXe siècle, il est le sociétaire le plus connu, en vue et écouté et sans doute le plus brillant avec son confrère Louis Pasteur, cependant moins engagé au service de la Compagnie.

Mots-clés – Chevreul, présidence, Société d’agriculture de Paris, Académie d’agriculture de France