Open Access
Issue
OCL
Volume 18, Number 6, Novembre-Décembre 2011
Structures des lipides dans les aliments et impacts nutritionnels
Page(s) 384 - 392
Section Fondamental
DOI https://doi.org/10.1051/ocl.2011.0423
Published online 15 November 2011

© John Libbey Eurotext 2011

Introduction

Pentadesma butyracea, arbre de la famille des Clusiacées est l’un des nombreux Produits Forestiers Non Ligneux (PFNL) dont on peut tirer des amandes un beurre semblable au beurre de karité (Vitellaria paradoxa). Ce beurre constitue un substitut appréciable au beurre de karité localement utilisé par les populations aussi bien en agro-alimentaire, en cosmétique que pour certains traitements thérapeutiques. Son importance socio-économique a été mentionnée par Sinsin and Sinadouwirou (2003). Plus récemment Natta et al. (2010) ont révélé que les amandes étaient la partie la plus recherchée de P. butyracea et que l’extraction du beurre était la seule utilisation commune à plusieurs groupes ethniques au nord-ouest du Bénin. Le ramassage des fruits de P. butyracea et la transformation de ses amandes en beurre sont une importante source de revenu pour les femmes impliquées dans ces activités. L’analyse commerciale du bénéfice net a prouvé que les femmes impliquées dans le commerce des amandes et du beurre récupèrent entre 47% et 80% du prix payé par le consommateur, selon la qualité du produit et les canaux spécifiques de vente (Avocèvou-Ayisso et al., 2009). Cependant, en raison de la méconnaissance de ce beurre par les acheteurs venant des villes, les transformatrices produisent souvent un beurre mixte, issu d’un mélange à proportion très variable des amandes de Pentadesma et de karité. Les amandes de P. butyracea sont également vendues mélangées aux amandes de V. paradoxa qui coûtent plus chers à certaines périodes de l’année (novembre à avril) (Avocèvou-Ayisso et al., 2009). Les amandes et le beurre de Pentadesma pourraient donc, jouer un grand rôle dans la diversification des filières agro-forestières au Bénin.

Plusieurs études notamment celles d’Adomako (1977), de Kouadio et al. (1990), de Dencausse et al. (1995), et de Tchobo et al. (2007) se sont intéressées aux caractéristiques physico-chimiques et la composition de ce beurre. Tous les échantillons de beurre analysés par ces différents auteurs ont été extraits au laboratoire par des procédés physiques ou par une extraction au solvant. Or, sur toute l’aire de répartition du P.butyracea, le beurre de Pentadesma est essentiellement obtenu en milieu rural par une extraction aqueuse d’amandes traditionnellement prétraitées. Cependant, à ce jour, très peu de travaux de recherche se sont intéressés à la technologie de transformation des amandes en milieu réel et aucun à l’influence des prétraitements post-récolte des amandes sur les caractéristiques physico-chimiques et la qualité du beurre extrait en milieu réel. L’itinéraire technique de la transformation traditionnelle des amandes provenant des deux espèces forestières Vitellaria paradoxa et Pentadesma butyracea est presque le même. La seule différence réside dans l’étape de décorticage des noix de karité, les amandes de P. butyracea ne possédant pas de coques. L’extraction du beurre est une activité essentiellement féminine (Sinsin et Sinadouwirou, 2003). Elle est précédée des opérations de ramassage, de dépulpage, de prétraitement, de séchage et de stockage des amandes. Ces opérations sont suivies de l’extraction proprement dite qui abouti à l’obtention d’un beurre dont la qualité marchande n’est souvent pas maîtrisée. Une analyse des procédés traditionnels d’extraction du beurre de karité suivant un référentiel HACCP (Hazard Analysis Critical Control Point) a montré que certaines opérations unitaires : le dépulpage des fruits, le décorticage et la cuisson des graines, le séchage et le broyage des amandes, l’extraction proprement dite sont critiques pour la qualité du beurre (Womeni, 2004). Le séchage des amandes se fait généralement au soleil ou par fumage (Womeni et al., 2004). Les amandes de P. butyracea sont quant à elles traditionnellement bouillies ou rôties selon les ethnies des transformatrices puis séchées au soleil. Le traitement thermique des produits alimentaires induit plusieurs modifications biologiques, physiques et chimiques, entraînant des changements de leurs propriétés sensorielles, nutritionnelles et de leur texture (Van Boekel et al., 2010).

Dans le cadre de l’amélioration des techniques de transformation des amandes de Pentadesma, le présent travail a pour objectif d’étudier l’effet des prétraitements post-récolte des amandes sur les caractéristiques physico-chimiques, le rendement d’extraction et la qualité du beurre de Pentadesma butyracea d’une part et l’effet des différentes opérations unitaires de la technologie de transformation sur la qualité du beurre issu des amandes traitées d’autre part. Ceci peut s’avérer utile dans une approche rurale de l’amélioration de la technologie traditionnelle dans le sens où cela contribuerait à renseigner sur les bases scientifiques des différentes opérations unitaires de la technologie traditionnelle et sur l’impact des prétraitements post-récolte appliqués aux amandes sur le rendement d’extraction et la qualité du beurre.

Matériel et méthodes

La méthodologie adoptée au cours de cette étude comprend un traitement des amandes et une extraction du beurre en milieu réel avec les transformatrices selon le diagramme traditionnel couramment utilisé dans les régions du nord-ouest du Bénin. Ensuite, une analyse physico-chimique des échantillons prélevés tout au long du procédé de transformation a été effectuée.

Traitement des amandes

Deux types de prétraitements ont été appliqués aux amandes. Un premier lot d’amandes a été bouilli à l’eau dans une marmite pendant 2 heures puis séché au soleil pendant 72 heures. La durée de l’ébouillantage varie en fonction de la quantité d’amande et de l’intensité du feu. Le deuxième lot d’amandes a été rôti pendant 48 heures dans un grand four traditionnel spécial fait en terre cuite avec au dessus une grille faite de tiges d’arbre. Ce four est alimenté par un feu de bois. La partie supérieure du four est remplie d’amandes et couverte pour les protéger des intempéries et concentrer la chaleur venant du feu allumé dans la partie inférieure du four. L’ébouillantage des amandes de Pentadesma est pratiqué par les ethnies Waama, Batombu, Yom, et Natimba tandis que le rôtissage est pratiqué par les Otamari. Lorsque les amandes rôties ne sont pas suffisamment sèches elles sont également séchées au soleil jusqu’à ce qu’elles le deviennent. Les deux types d’amandes ainsi obtenus ont été transformés et le reste stocké à température ambiante dans des bassines et des sacs de jute.

Extraction du beurre

Les deux types d’amandes obtenus après les traitements décrits ci-avant ont été utilisés. Ces amandes provenaient de Yimporma, un village de la commune de Natitingou au Nord-ouest de la République du Bénin. Deux types de beurre, l’un issu des amandes bouillies et l’autre des amandes rôties, ont été extraits selon le même procédé traditionnel (figure 1).

thumbnail Figure 1.

Diagramme technologique d’extraction traditionnelle du beurre de Pentadesma

Rendement du procédé

La transformation des amandes traitées de Pentadesma en beurre a été faite auprès d’un échantillon de 5 femmes représentant les ethnies dominantes de la zone d’expérimentation. Des suivis ont permis de quantifier les rendements d’extraction de beurre. La masse initiale d’amandes prétraitées sèches transformées en beurre a été de 5 kg. Le rendement en beurre a été calculé selon la formule suivante :

[Masse de beurre obtenu × 100]/[Masse d’amandes sèches transformées].

La durée et les pertes de matière à chaque opération unitaire ont également été enregistrées.

Analyses physico-chimiques

Deux lots d’échantillons ont été prélevés à différentes étapes du procédé d’extraction et analysés. Le premier lot est constitué d’échantillons prélevés au cours de la transformation des amandes bouillies et le deuxième lot d’échantillons prélevés au cours de la transformation des amandes rôties. Chaque lot est constitué d’amandes, d’amandes torréfiées, de pâte d’amandes torréfiées moulues, de beurre sale, de beurre lavé et de beurre de Pentadesma. La matière grasse des échantillons d’amandes et de pâte d’amandes a été extraite par la méthode au Soxhlet.

La teneur en eau et matières volatiles, la teneur en impuretés insolubles, l’acidité, les indices de réfraction, de peroxyde et de saponification des beurres ont respectivement été déterminés suivant les normes de l’AFNOR (Association Française de Normalisation): NF 60-201, NF T60-202, NF 60-204, ISO 6320, NF T 60-220 et NF ISO 3657 (AFNOR, 1993).

La force nécessaire à la rupture par pression des amandes prétraitées a été mesurée à l’aide d’une presse de type compression (Satec Systems, Model MKIII 60 TVL serial 1002).

La couleur des farines d’amandes et des beurres a été mesurée dans l’espace L*, a*, b* (CIELAB) à l’aide d’un chromamètre (Minolta CR 200 b) préalablement étalonné avec une céramique blanche. Les paramètres de couleur mesurés sont : la luminance ou clarté ou blancheur (L*), la saturation en rouge (a*), la saturation en jaune (b*) et l’écart de couleur par rapport à la céramique blanche de référence (ΔE).

Détermination de la composition en acide gras

Les esters méthyliques des échantillons de beurre ont été préparés par trans-estérification avec du méthylate de sodium selon la norme NF T60-233. Les esters méthyliques ainsi préparés ont été ensuite analysés au moyen d’un chromatographe Agilent 6890 series équipé d’une colonne capillaire supelcowax 10 {L = 30 m; D = 320 μm ; e = 0,25 μm)}, d’un injecteur split (rapport de fuite : 1/80) et d’un détecteur à ionisation de flamme. Les températures du détecteur et de l’injecteur étaient respectivement de 250 et 270 ̊C et le four a été programmé de 150 ̊C à 225 ̊C avec un gradient de 5 ̊C/minute. Le gaz vecteur était de l’Hélium avec un débit de 1 mL/minute. L’identification des esters méthyliques a été faite par comparaison des temps de rétention avec les esters méthyliques de témoins préalablement analysés.

Détermination de la composition en tocophérols

La composition en tocophérols des beurres a été déterminée selon la norme ISO 9936. La chaîne HPLC utilisée était composée d’une pompe (Modèle Spectra System P1000xR), d’un injecteur automatique (Modèle Spectra System AS1000) et d’un détecteur à fluorescence (Modèle Spectra System FL3000). La colonne était de type Hypersil Silica (Si 60, 5 μm, 250 × 4,6 mm) et le mélange de solvant d’élution composé d’hexane et de dioxane pour HPLC (97/3, v/v). Le débit dans la colonne maintenue à 30 ̊C a été de 1 mL/minute, la pression de 350 psi, les longueurs d’onde d’excitation et d’émission respectivement de 290 nm et de 330 nm, la boucle d’injection de 100 μL et le volume d’injection de 20 μL. Les tocophérols ont été identifiés et quantifiés par rapport aux témoins injectés.

Résultats et discussion

Caractéristiques physico-chimiques des amandes et rendement d’extraction

Les caractéristiques physico-chimiques des amandes de Pentadesma non traitées, bouillies ou rôties sont présentées dans le tableau 1 . Les teneurs en eau et matières volatiles des amandes prétraitées ou non et séchées étaient inférieures à 8% avec néanmoins quelques différences. Les prétraitements post-récolte et le séchage des amandes ont donc permis de réduire la teneur en eau et matières volatiles des amandes à des valeurs favorables à leur bonne conservation. Cependant, leurs aspects (figure 2) et leurs textures ont été différents. Les amandes prétraitées sont devenues lisses. Ceci s’explique par le fait que les prétraitements thermiques appliqués ont entraîné le décollage des téguments résiduels encore accolés aux amandes non traitées et qui leur confèrent une texture rugueuse. De plus, remarquons que les amandes bouillies ont présenté une fente longitudinale caractéristique du prétraitement. Cette fente favoriserait leur infestation rapide par les insectes. Les différences observées quant à la teneur en eau et matières volatiles seraient dues au type de prétraitement post-récolte appliqué. L’ébouillantage favoriserait une hydratation des amandes contrairement au rôtissage traditionnel qui se fait sans eau. Le séchage solaire effectué après l’ébouillantage n’a pas permis d’éliminer toute l’eau qu’auraient absorbée les cellules pendant la cuisson.

thumbnail Figure 2.

Aspect des amandes et des beurres de Pentadesma

Tableau 1.

Caractéristiques physico-chimiques des amandes de Pentadesma

Les couleurs des amandes bouillies, des amandes rôties et de celles n’ayant subi aucun prétraitement étaient différentes. Comparées aux amandes non traitées, les amandes prétraitées ont présenté une clarté et une saturation en rouge plus élevées. L’augmentation de la rougeur (b*) et de la couleur jaune (a*) a été nette pour les amandes bouillies. Les amandes rôties devenues moins jaunes après rôtissage ont bruni. Il a été affirmé pour beaucoup de produits rôtis que les changements de couleur sont principalement liés au brunissement non enzymatique puisque les enzymes sont dénaturées du fait des températures élevées (Özdemir et Devres, 2000; Kahyaoglu et Kaya, 2006). Ces résultats montrent que la couleur prise par les amandes est caractéristique du prétraitement de ces dernières. La force minimale nécessaire à la rupture par pression des amandes a varié en fonction du prétraitement appliqué. Il a fallu exercer une force moyenne de 1,35 kN pour rompre la structure des amandes bouillies séchées pendant que déjà à 0,75 kN celle des amandes rôties séchées a été rompue. La rupture de la structure des amandes non traitées séchées a nécessité la plus grande force. Ces dernières sont en effet très dures. Le prétraitement a donc rendu les amandes moins dures et plus faciles à transformer. Ceci justifie le fait qu’en milieu rural, seules les amandes prétraitées sont transformées en beurre. Les caractéristiques physico-chimiques des amandes varient donc en fonction du prétraitement post-récolte appliqué. Les observations faites suggèrent que le rôtissage au four traditionnel serait plus approprié si les amandes doivent être conservées plus longtemps.

Les résultats présentés dans le tableau 2 montrent que le rendement en beurre du procédé traditionnel de transformation des amandes de Pentadesma bouillies a été plus élevé que celui des amandes rôties. Cependant, les pertes de matière et la durée de chaque opération unitaire de transformation des amandes rôties ont été moins grandes. Les différences observées quant aux rendements en beurre du procédé de transformation traditionnel des amandes de Pentadesma sont liées aux caractéristiques physico-chimiques des amandes prétraitées. En effet, les amandes bouillies séchées étaient plus dures que les amandes rôties séchées. Ainsi, la transformation de ces dernières a nécessité beaucoup moins d’énergie et de temps que celle des amandes bouillies. De même, les pertes plus élevées de matière au cours des différentes opérations unitaires de transformation des amandes bouillies sont dues à la résistance qu’elles opposent aux pressions exercées par les transformatrices via les différents équipements/outils de transformation. Ces pertes justifient partiellement, le faible rendement de la méthode traditionnelle en plus de son inefficacité à extraire le maximum de matière grasse contenue dans les amandes prétraitées en général et dans les amandes rôties en particulier. Cette technologie traditionnelle est en effet, essentiellement manuelle avec tout au plus l’utilisation de moulin pour la mouture des amandes torréfiées. Elle est basée sur l’extraction aqueuse de la matière grasse des amandes avec un rendement qui n’excède guère 38% de la masse de ces dernières. Ces observations confirment celles de Houngbédji (1997) qui avait déjà affirmé que les procédés actuels permettaient d’obtenir un beurre de type bio avec un rendement de 25%. Toutefois, en rapportant ces rendements à la masse grasse réelle de ces amandes, soit en moyenne 50% de leur masse totale (Adomako, 1977; Tchobo et al., 2007), ils se situent entre 45,4 et 75,2%, ce qui montre la relative efficacité de la technologie d’extraction traditionnelle.

Tableau 2.

Rendement, temps et pertes de matière au cours de l’extraction du beurre de Pentadesma en milieu réel

Caractéristiques physico-chimiques et qualité des beurres

Les beurres de Pentadesma sont toujours extraits à partir d’amandes prétraitées séchées. Les aspects des beurres obtenus sont différents (figure 2). Les caractéristiques physico-chimiques des beurres issus des amandes de Pentadesma rôties et bouillies sont présentées dans le tableau 3. Les valeurs trouvées notamment l’indice de saponification sont voisines de celles obtenues par Adomako (1977), Kouadio et al. (1990) et Dencausse et al. (1995). Les prétraitements post-récolte n’ont pas influé sur l’indice de réfraction des beurres. La figure 3 montre la couleur des beurres extraits. Le beurre issu des amandes bouillies a une couleur jaune plus intense (b* plus grand) que celui provenant des amandes rôties. Le paramètre (a* < 0) révèle une saturation en vert de la couleur des beurres. Le beurre issu des amandes rôties est plus saturé en vert. Les pigments colorés seraient donc moins préservés dans les amandes rôties que dans les amandes bouillies. Les acidités des beurres sont voisines des faibles valeurs obtenues par Tchobo et al. (2007). Le beurre de Pentadesma ne disposant pas encore de critères internationaux de qualité, il a été apprécié en comparaison à ceux proposés sur le plan régional africain pour le beurre de karité non raffiné (RTC, 2006). Ainsi, les beurres de Pentadesma et en particulier celui extrait des amandes rôties ont une acidité, un indice de peroxyde et une teneur en eau inférieur aux limites imposées par les critères de qualité pour l’utilisation du beurre en industrie alimentaire et même en cosmétique et en pharmacie. Les faibles acidités et indices de peroxyde obtenus témoignent de l’efficacité des prétraitements post-récolte et de la technologie traditionnelle d’extraction du beurre. Néanmoins, la teneur en impuretés insolubles des beurres est relativement élevée et suggère que des améliorations telles que la filtration sur toile doivent être apportées à l’opération de décantation dans le but de réduire leur taux.

thumbnail Figure 3.

Effet du prétraitement sur la couleur du beurre de Pentadesma

Tableau 3.

Caractéristiques physicochimiques des beurres de Pentadesma

L’acidité exprimée en pourcentage d’acide oléique varie en fonction des divers prétraitements et des opérations unitaires mises en œuvre pendant l’extraction des beurres (figure 4). Les amandes bouillies sont plus acides que les amandes rôties. Il en est de même pour les beurres dérivés. Ceci serait dû à l’humidité de ces dernières et aux conditions inadéquates de séchage solaire favorables à leur hydrolyse chimique et/ou enzymatique. La torréfaction, le chauffage et le lavage ont permis de réduire cette acidité ou de limiter l’hydrolyse post-extraction du beurre, soit par effet de dissolution des acides gras libres lors de l’extraction aqueuse soit par inactivation des lipases éventuellement présentes. Ces observations confirment celles de Womeni et al. (2003) qui ont comparé l’effet des traitements traditionnels qui affectent la qualité du beurre de karité extrait selon deux procédés différents.

thumbnail Figure 4.

Variation de l’acidité au cours de l’extraction du beurre de Pentadesma

La figure 5 montre les variations de l’indice de peroxyde en fonction des divers prétraitements et des opérations unitaires mises en œuvre pendant l’extraction des beurres. Les amandes bouillies ont les indices de peroxyde les plus élevés, cependant le beurre dérivé présente un indice de peroxyde voisin de celui dérivant des amandes rôties. La cuisson et la mouture des amandes ont favorisé l’augmentation de l’indice de peroxyde. Ces observations pourraient s’expliquer selon Womeni et al. (2003) par le fait que la température élevée de la cuisson aurait inactivé les enzymes responsables de l’oxydation enzymatique mais elle aurait, avec le concours d’une humidité élevée, catalysé une oxydation non enzymatique d’où la production des peroxydes. De plus, la mouture augmenterait la surface de contact entre l’oxygène, les acides gras et l’humidité élevée. Il est à remarquer qu’au minimum douze heures de temps s’écoulent entre la mouture et le barattage. Ceci est dû au fait qu’en milieu rural, la mouture des amandes de Pentadesma est fastidieuse et longue, ce qui expose longtemps les amandes moulues à l’air et à la lumière. Ainsi, les amandes torréfiées ne sont souvent moulues que tard le soir et la transformation ne se poursuit que tôt le lendemain matin. Cette perte de temps favoriserait aussi la formation des peroxydes. La torréfaction et le lavage ont réduit la teneur en peroxydes. Ces peroxydes sont détruits par la chaleur et éliminés lors de l’extraction aqueuse par effet de dissolution lors du lavage à l’eau du beurre.

thumbnail Figure 5.

Variation de l’indice de peroxyde au cours de l’extraction du beurre de Pentadesma

Le profil en acide gras (tableau 4) montre que le beurre de Pentadesma est majoritairement composé de deux acides gras, l’acide oléique et l’acide stéarique et est pauvre en acides gras essentiels. Ce profil est semblable à ceux obtenus dans la littérature (Adomako, 1977; Kouadio et al., 1990; Dencausse et al., 1995, Tchobo et al., 2007). La composition en acides gras des beurres a été influencée par les prétraitements des amandes. Les amandes rôties ont fourni un beurre plus riche en acide stéarique et moins riche en acide oléique que celui extrait à partir des amandes bouillies. Les prétraitements en général et le rôtissage en particulier auraient influencé les compositions en acides gras notamment les acides stéarique et oléique des beurres extraits en milieu aqueux comparativement à celles du beurre extrait au soxhlet à partir d’amandes non traitées provenant de la même région. Des résultats similaires, ont été obtenus par Žilić et al. (2010) au cours de l’étude de l’effet des élévations de température sur l’activité de la lipoxygénase et la composition en acides gras des graines de soja transformées. Selon ces auteurs, les températures élevées ont induit des changements au niveau de la composition en acides gras insaturés à 18 atomes de carbone entraînant l’augmentation relative du taux d’acide stéarique. Toutefois, les variations de la composition physico-chimique d’huiles végétales obtenues à partir d’amandes ont souvent été attribuées aux facteurs environnementaux tels que les précipitations, la fertilité du sol, la période de maturation, les pratiques agronomiques et la substitution génétique (Maranz et al., 2004). Kowalski (2007) avait déjà observé que les fortes températures avaient un effet négatif sur la composition en acides gras des huiles d’olive et de tournesol chauffées à 90 ̊C pendant 72 à 120 h. De même, Pai et al. (1979) qui ont étudié l’effet du chauffage sur la teneur en composés volatiles de l’huile de coco ont également affirmé que le chauffage à l’air augmente de manière significative les quantités des acides gras produits.

Tableau 4.

Composition (%) en acides gras des beurres de Pentadesma

Les tocophérols sont globalement reconnus comme étant de la vitamine E et représentent une classe importante d’antioxydants (Pocklington et Dieffenbacher, 1988). Le tableau 5 donne le profil en tocophérols des différents beurres de Pentadesma en fonction des prétraitements des amandes. Les prétraitements post-récolte ont favorisé un enrichissement des beurres en γ-tocophérol, une perte totale des β et δ-tocophérols et une diminution de la teneur en α-tocophérol. Cette même observation a été faite par Moreau et al. (1999) qui ont étudié l’effet des prétraitements thermiques sur le rendement et la composition d’huile extraite à partir de germe de maïs. D’autres études ont mentionné une diminution de la teneur en tocophérols totaux en réponse à l’élévation de la température de quelques produits agricoles (Dolde et al., 1999) ou des augmentations du pourcentage d’un type de tocophérol sans affecter la teneur en tocophérols totaux (Britz et Kremer, 2002). Selon Maranz et Wiesman (2004), la teneur en α-tocophérol des beurres de karité semble être directement liée à la température de la zone climatique de provenance.

Tableau 5.

Composition (μg/g) en tocophérols des beurres de Pentadesma

Conclusion

Les prétraitements traditionnels assurent la conservation des amandes mais influencent leurs caractéristiques physico-chimiques, le rendement d’extraction et la qualité du beurre. Les amandes rôties pourraient être mieux conservées que les amandes bouillies. L’extraction à partir des amandes bouillies a été plus pénible mais a donné le meilleur rendement. Le beurre issu des amandes rôties a présenté la meilleure acidité et la plus faible teneur en eau et matières volatiles. L’acide linolénique, le β et le δ-tocophérol sont totalement perdus après les prétraitements post-récolte. Il faudra donc trouver un compromis entre le choix du prétraitement, la durée de conservation des amandes et la qualité du beurre et enfin éviter les pertes de temps entre les différentes opérations unitaires de transformation pour obtenir un beurre de bonne qualité. De plus, la mise au point d’équipements destinés à la transformation de ces amandes ou l’adaptation d’équipements de transformation du karité permettrait de contrôler les conditions de prétraitements, d’améliorer le rendement d’extraction et la qualité du beurre. Le beurre de Pentadesma présente de nombreux atouts pour son utilisation en cosmétique, pharmacie et en agroalimentaire. Pour cette raison la valorisation de cette filière devrait être encouragée au même titre que celle de la filière karité parce qu’elles peuvent être jumelées et permettre ainsi aux transformatrices d’améliorer leurs revenus sans être obligées de continuer à mélanger les amandes et/ou les beurres issus de ces deux espèces forestières.

Remerciements

Cette étude a été réalisée grâce à la franche collaboration des transformatrices de Natitingou, une commune située au Nord-ouest de la République du Bénin et au soutien financier de l’Institut National des Recherches Agricoles du Bénin (INRAB).

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Pour citer cet article : Aissi MV, Tchobo FP, Natta AK, Piombo G, Villeneuve P, Sohounhloue DCK., Soumanou MM. Effet des prétraitements post-récolte des amandes de Pentadesma butyracea (Sabine) sur la technologie d’extraction en milieu réel et la qualité du beurre. OCL 2011 ; 18(6) : 384–392. doi : 10.1051/ocl.2011.0423

Liste des tableaux

Tableau 1.

Caractéristiques physico-chimiques des amandes de Pentadesma

Tableau 2.

Rendement, temps et pertes de matière au cours de l’extraction du beurre de Pentadesma en milieu réel

Tableau 3.

Caractéristiques physicochimiques des beurres de Pentadesma

Tableau 4.

Composition (%) en acides gras des beurres de Pentadesma

Tableau 5.

Composition (μg/g) en tocophérols des beurres de Pentadesma

Liste des figures

thumbnail Figure 1.

Diagramme technologique d’extraction traditionnelle du beurre de Pentadesma

Dans le texte
thumbnail Figure 2.

Aspect des amandes et des beurres de Pentadesma

Dans le texte
thumbnail Figure 3.

Effet du prétraitement sur la couleur du beurre de Pentadesma

Dans le texte
thumbnail Figure 4.

Variation de l’acidité au cours de l’extraction du beurre de Pentadesma

Dans le texte
thumbnail Figure 5.

Variation de l’indice de peroxyde au cours de l’extraction du beurre de Pentadesma

Dans le texte

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