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Issue
OCL
Volume 24, Number 5, September-October 2017
Article Number D502
Number of page(s) 5
Section Niche products and crop diversification: in search of added value / Produits de niche et cultures de diversification : à la recherche de valeur ajoutée
DOI https://doi.org/10.1051/ocl/2017034
Published online 10 July 2017

© J.-C. Pierron, Published by EDP Sciences, 2017

Licence Creative CommonsThis is an Open Access article distributed under the terms of the Creative Commons Attribution License (http://creativecommons.org/licenses/by/4.0), which permits unrestricted use, distribution, and reproduction in any medium, provided the original work is properly cited.

1 Un coproduit à haute valeur ajoutée

1.1 Les marcs

Les pépins de raisin dont est issue l'huile éponyme, sont des coproduits de l'industrie vinicole. En effet, après vinification du raisin, se trouvent, en fond de cuve, les marcs. Ces derniers sont extraits puis livrés aux distilleries qui sont surtout installées dans le Sud de la France. Les marcs reçus par les distilleries contiennent en moyenne de l'ordre de 15 % de pépins, 30 % de pulpes et rafles, et 55 % d'eau. La collecte provient du grand Sud de la France : région Cognac et Bordeaux en premier, puis région Midi-Pyrénées et Provence-Alpes Côtes d'Azur (PACA), Vallée du Rhône en partie.

1.2 Un coproduit progressivement valorisé

L'industrie de valorisation des coproduits de l'industrie vinicole est née de l'obligation de ne plus destiner les marcs à l'épandage agricole dans les années 1970–1980. Cette valorisation reposait principalement sur deux produits extraits de ces marcs : l'alcool éthylique qui était alors contingenté avec une valeur marchande confortable et fixée par l'état ; et le tartrate également vendu à un bon niveau de prix, car encore peu concurrencé par le tartrate de synthèse chinois. Quant aux pépins de raisin et à la pulpe, leurs ventes ne représentaient qu'une maigre part du chiffre d'affaires de l'activité.

Aujourd'hui, la tendance s'est totalement inversée : après la mise en vente de l'alcool sur le marché libre et la concurrence féroce sur le tartrate, la valeur ajoutée de la valorisation des marcs de vinification repose désormais sur les revenus générés par les huiles de pépins et par la pulpe, notamment grâce au succès commercial de la vente des huiles de pépins.

En France, la valorisation des pépins de raisin était réalisée au sein de l'actuelle usine de Béziers (34) et dans une usine située à Marseille (13) fermée en 2000. Ces usines avaient dans un premier temps pour mission de transformer les pépins de raisin livrés par les distilleries en huile brute puis en huile raffinée, ainsi que la mise en bouteilles pour la mise en vente dans les caves coopératives des adhérents des distilleries et ce, en parallèle, avec les vins de la cave. Néanmoins, la demande demeurant très inférieure à l'offre, d'autres applications ont été développées : l'utilisation de l'huile de pépins de raisin comme composant de la fabrication de peintures lui a par exemple offert un nouveau débouché.

La commercialisation de cette huile en grande distribution a été très progressive ; les ventes ont surtout été dopées par les qualités vantées de la haute teneur en oméga-6 de cette huile.

2 Les étapes de production de l'huile

2.1 Quatre produits issus des marcs

Les marcs, après réception dans les distilleries, sont entassés dans des fosses puis recouverts d'une bâche de couleur noire afin de les protéger de la lumière et de l'oxygène de l'air et ainsi de minimiser au maximum leur transformation au cours du temps.

En effet, la production des marcs, et donc leur livraison, s'étale sur une courte période de temps alors que les distilleries vont traiter ces coproduits durant les 6 à 10 mois suivant leur réception.

Les marcs traités en distillerie vont produire quatre grands produits :

  • l'alcool éthylique ;

  • le tartrate ;

  • le pépin de raisin ;

  • la pulpe.

Certaines grandes distilleries produisent également, à partir des marcs, des colorants alimentaires, des polyphénols, du fructose, des oligomères pro cyanidoliques (OPC).

Après tous les traitements, les coproduits de la distillerie vont être séchés, criblés et séparés. Parmi ceux-ci vont se trouver les pépins de raisin ainsi que les pulpes et rafles destinées à l'alimentation animale.

2.2 Du pépin de raisin à l'huile

La transformation des pépins de raisin en huile se déroule en quatre étapes :

  • écrasement des pépins pour les transformer en une sorte de farine ;

  • agglomération de cette farine en petits bouchons ou pellets ;

  • arrosage d'un lit de pellets à l'aide d'un solvant qui aura pour but d'extraire l'huile ;

  • séparation de l'huile du solvant par distillation.

L'huile ainsi produite porte le qualificatif d'huile brute ; elle n'est pas consommable telle quelle.

Le coproduit ultime des pépins de raisin, appelé tourteau, est essentiellement constitué de fibres. Il est donc principalement utilisé en énergie thermique comme combustible. L'huile brute quant à elle est transportée dans une usine située à Vitrolles où l'on va procéder à son raffinage.

Le raffinage de l'huile brute se déroule en trois étapes successives:

  • la neutralisation associée au décirage de l'huile : cette première étape consiste à éliminer les acides gras libres contenus dans l'huile brute ainsi que les acides gras à point de fusion élevé ou cires qui confèrent à l'huile un voile, voire un trouble à basse et ambiante température ;

  • la décoloration de l'huile : cette deuxième étape élimine la couleur plutôt foncée, voire noire, de l'huile brute ;

  • la désodorisation de l'huile : cette dernière étape élimine le goÛt désagréable de l'huile brute.

Le process de raffinage est un procédé physico-chimique.

Les difficultés majeures du raffinage de l'huile de pépins de raison concernent le décirage : en effet, les cires contenues dans l'huile brute sont longues à cristalliser et à s'agglomérer, donc à éliminer. Seconde difficulté technique : l'acidité élevée des huiles brutes produites. L'acidité oléique de l'huile brute peut en effet être très basse en début de campagne, pour évoluer très vite et fortement à la hausse.

Le rendement moyen de raffinage est modeste, de l'ordre de 85 à 90 %, ce qui se traduit par la production de 870 kg d'huile de pépins de raisin raffinée pour 1000 kg mis en œuvre. Rappelons que sur les huiles de table classiques, le rendement moyen est de 97 % environ, soit 100 kg de plus par tonne d'huile mises en œuvre.

2.3 Le rendement

Actuellement, en France, les pépins de raisin sont livrés à Béziers (34), pour extraction de l'huile contenue dans les pépins. Cette usine est la seule en France à posséder la capacité de triturer 80 à 100 000 tonnes de pépins de raisin par an.

La quantité de pépins de raisin reçue à l'usine dépend de la quantité de raisin mis en vinification, et donc de la récolte de raisin. En règle générale, l'usine d'extraction de Béziers reçoit et traite environ 70 000 tonnes par an, alors que le potentiel français est de 100 000 tonnes (les 30 000 tonnes restantes ne sont pas traitées car logistiquement situées trop loin).

Le succès commercial de l'huile de pépins de raisin durant ces dernières années a fait considérablement évoluer son prix, entraînant dans le même mouvement haussier la valeur des pépins de raisin et donc la quantité de pépins produits par les distilleries. Ainsi, la quantité de pépins reçus à Béziers a doublé en 15 ans.

La quantité d'huile contenue dans les pépins de raisin est faible, de l'ordre de 15 à 18 % en France. Elle peut être beaucoup plus basse dans d'autres pays comme l'Espagne (10 à 13 %).

Ainsi, il est nécessaire de triturer de l'ordre de 7 kg de pépins de raisin pour obtenir 1 litre d'huile. Ce ratio explique que la collecte des pépins de raisin sur Béziers se limite au grand Sud de la France : en effet, le transport a un impact d'un facteur 7 sur le prix de l'huile (puisqu'il faut 7 kg de pépins pour produire un seul kg d'huile). Les 30 000 tonnes de marcs les plus éloignés de l'usine de Bézier ne sont donc pas traités, faute de rentabilité.

Compte tenu de ce rendement de 15 à 18 % et du traitement de quelque 70 000 t de pépins de raisin par an, la production annuelle d'huile brute de pépins de raisin s'élève 11 à 12 000 tonnes. Du fait d'un rendement de 85 à 90 % entre les huiles brutes et raffinées de pépins de raisin, les huiles brutes produites françaises vont générer 10 000 tonnes environ d'huile raffinée.

3 Le marché de l'huile de pépins de raisin

3.1 Richesse en oméga-6 et fluidité

Les principales qualités reconnues de l'huile de pépins de raisin par les consommateurs sont le pourcentage élevé en acide linoléique (acide gras de la famille des oméga-6) d'en moyenne 64,7 g/100 g d'huile et pouvant atteindre jusqu'à 69,7 g/100 g, cf. Tableau 1 (Anses, 2016).

La grande fluidité de l'huile de pépin de raisin confère aux aliments frits à partir de cette huile un aspect qualifié de « moins gras ».

3.2 Marché national et international

Les clients des usines d'extraction de l'huile de pépins de raisin sont des industriels qui conditionnent principalement l'huile raffinée en bouteilles, soit tel quel, soit en assemblage avec d'autres huiles végétales. L'huile ainsi conditionnée est commercialisée principalement par la grande distribution.

Le marché annuel mondial est estimé à 35 000 tonnes d'où le qualificatif de marché de niche.

Les clients sont désormais internationaux : l'exportation représente aujourd'hui 75 % des volumes produits en France, alors qu'il y a une quinzaine d'années seulement, la France et l'Union européenne représentaient plus de 60 % de la consommation, sur un marché quantitatif certes moindre.

Les volumes d'huile de pépins de raisin produits en Europe sont exportés vers la Corée du Sud pour 30 %, les États-Unis pour 35 % et le reste du monde pour 10 %. À noter que ces 10 % ont principalement pour destination l'Asie puisque le Japon pèse 3 %, Taiwan 2 %, auxquels s'ajoute la Malaisie. Enfin, le Chili importe de l'ordre de 3 % des volumes produits.

Aux États-Unis, l'importante production vinicole, et donc de marc, génère un immense potentiel de production d'huile de pépins de raisin, très supérieur à leurs besoins. Mais les difficultés de process des pépins de raisin et les volumes concernés ne présentent à leurs yeux qu'un intérêt limité, d'autant qu'ils disposent d'une filière d'élimination des pépins produits.

3.3 Codex Alimentarius et spécifications FEDIOL

Le différentiel de prix de l'huile de pépins de raisin par rapport aux huiles de gros volumes telles que l'huile de tournesol pouvant atteindre 200 à 250 %, certains acteurs ont pu être tentés de couper des huiles ayant pour appellation « huile 100 % pépins de raisin », d'autant que les normes du Codex Alimentarius s'avèrent généreusement larges. Elles imposent aux huiles de pépins de raisin, en sus des caractéristiques qualitatives communes à toutes les huiles, des fourchettes larges de teneurs en certains acides gras et une teneur en érythrodiol supérieure à 2 % des stérols totaux (FAO/WHO, 2001), cf. Tableau 2.

D'où la volonté des quatre gros acteurs européens du marché de l'huile de pépins de raisins (deux acteurs espagnols, un acteur français et un italien) de se fédérer et de proposer une spécification (voir Tab. 2), discutée et approuvée au sein de l'association européenne des huiliers FEDIOL, basée notamment sur la teneur en oméga-6 (fourchette 65/78 % au lieu de 58/78 %) et surtout sur la teneur en acide béhénique, un acide gras saturé de formule chimique CH3–(CH2)20–COOH (maximum de 0,2 % au lieu de 0,5 %) qui permet de tracer toute adultération du produit par coupage à l'huile de tournesol. Les spécifications développées par FEDIOL, en coopération avec ses membres, sont des recommandations non contraignantes élaborées pour l'utilisation dans les contrats entre membres et non-membres (Tab. 3).

Tableau 2

Composition en acides gras de l'huile de pépin de raisin déterminée par chromatographie liquide (exprimée en pourcentage d'acides gras totaux) selon le Codex Alimentarius.

Tableau 3

Spécifications de FEDIOL pour l'huile de pépins de raisin (brute et raffinée).

4 Conclusion

L'huile de pépins de raisin rentre bien dans la définition d'un marché de niche, en raison des très faibles volumes produits. Elle incarne également la réussite d'une démarche de valorisation, qui a permis à un coproduit des marcs de vinification d'être transformé en un produit noble, largement valorisé. Pour autant, l'huile de pépins de raisins demeure un produit jeune, avec un marché qui a besoin de se réglementer, afin d'éviter que des fraudes (huiles coupées) n'en ternissent l'image.

Remerciements

Les sources chiffrées du marché de l'huile de pépins de raisin proviennent du seul et actuel acteur français, la Société Provence Huiles qui commercialise son huile dans le monde entier.

Références

Citation de l'article : Pierron J-C. 2017. L'huile de pépins de raisin en France et dans le monde. OCL 24(5): D502.

Liste des tableaux

Tableau 2

Composition en acides gras de l'huile de pépin de raisin déterminée par chromatographie liquide (exprimée en pourcentage d'acides gras totaux) selon le Codex Alimentarius.

Tableau 3

Spécifications de FEDIOL pour l'huile de pépins de raisin (brute et raffinée).

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