Open Access
Issue
OCL
Volume 23, Number 3, May-June 2016
Article Number D303
Number of page(s) 6
Section Dossier: Lipid consumption and functionality: new perspectives / Consommations et fonctionnalités des lipides : nouveaux horizons
DOI https://doi.org/10.1051/ocl/2016001
Published online 19 February 2016

© J. Tressou et al., published by EDP Sciences, 2016

Licence Creative CommonsThis is an Open Access article distributed under the terms of the Creative Commons Attribution License (http://creativecommons.org/licenses/by/4.0), which permits unrestricted use, distribution, and reproduction in any medium, provided the original work is properly cited.

1 Introduction

L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses, ex-Afssa) a publié en 2009 un rapport sur l’étude individuelle nationale sur les consommations alimentaires 2 (INCA 2) 2006-2007 (Anses, 2009). Ce rapport présente les apports nutritionnels de la population française, mais pas le détail des apports en acides gras (AG).

Tableau 1

Profil moyen d’apports en acides gras (AG) chez l’adulte issu de l’analyse des données INCA 2. Les valeurs sont exprimées, exceptées pour l’EPA et le DHA, en pourcentage de l’apport énergétique sans alcool. Dans le cas du DHA et de l’EPA, les valeurs sont exprimées en milligrammes par jour. Les ANC sont ceux d’un adulte consommant 2000 kcal par jour (Anses, 2010).

L’Anses a mis à disposition en accès libre, en 2013 une version plus détaillée de la table de composition nutritionnelle des aliments de la base de données Ciqual (Anses, 2013) et en septembre 2014, l’ensemble des données brutes obtenues dans INCA 2 (Anses, 2014). Terres Univia, l’interprofession des huiles et protéines végétales, participe à l’amélioration de la connaissance des lipides d’origine végétale. Dans cet objectif, elle a fait réaliser d’après ces données, une étude statistique détaillée des apports en acides gras de la population française et de la place des matières grasses végétales dans ces apports. Ces apports ont pu être comparés aux apports nutritionnels conseillés (ANC) pour les acides gras définis par l’Anses en 2010 (Anses, 2010). Ainsi Terres Univia peut proposer des messages nutritionnels pour des apports plus proches des ANC.

2 Analyse statistique des données INCA 2

Le rapport complet, présentant la méthodologie et les résultats détaillés de l’étude, pour la population enfant et la population adulte, a été publié en février 2015 (Terres Univia, 2015). Seuls les principaux résultats obtenus pour la population adulte sont présentés dans cet article.

2.1 Méthodologie

L’analyse statistique menée a consisté en la combinaison des données INCA 2 (Anses, 2014) aux données de composition nutritionnelle des aliments de la base de données Ciqual 2013 (Anses, 2013). Les résultats présentés ici concernent la population adulte : toutes les statistiques ont été calculées en prenant en compte les 2624 adultes et en les pondérant de manière à assurer la représentativité de la population adulte française, conformément aux recommandations de l’Anses.

La base de données Ciqual 2013 (Anses, 2013) répertorie la composition nutritionnelle de 1496 aliments pour 61 constituants. Pour notre analyse, nous avons retenu les constituants suivants :

  • Les acides gras saturés totaux (AGS) : la somme des acides butyrique, caprique, caproïque, caprylique, stéarique, laurique, myristique et palmitique.

  • Les acides gras monoinsaturés totaux (AGMI) dont l’acide oléique, principal AGMI de type Oméga 9.

  • Les acides gras polyinsaturés totaux (AGPI) dont l’acide alpha-linolénique (ALA), l’acide docosahexaenoïque (DHA), l’acide eicosapentaénoïque (EPA), l’acide linoléique (LA), l’acide arachidonique (ARA).

  • Les lipides totaux, l’apport énergétique total (AET en Kcal) et l’alcool.

À partir de ces derniers, nous avons calculé :

  • L’apport énergétique sans alcool (AESA).

  • La somme de 3 AG saturés (les acides laurique, myristique et palmitique) qui fait l’objet d’une recommandation particulière de l’Anses.

  • Les AGPI Oméga 3, en sommant ALA, DHA et EPA.

  • Les AGPI Oméga 6, en sommant LA et ARA.

  • Le rapport Oméga 6 – Oméga 3 (ratio des Oméga 6 sur les Oméga 3).

  • Le rapport LA-ALA (ratio LA sur ALA).

  • Les apports en chacun des AG rapportés à l’AESA.

Tableau 2

Les 5 principaux groupes d’aliments contributeurs pour chaque famille d’acides gras chez l’adulte issu de l’analyse des données INCA 2. Légende : Les contributions sont données en pourcentage de l’AESA (apport énergétique sans alcool) pour la population adulte entière.

2.2 Apports en acides gras chez les adultes

Le tableau 1 présente le profil moyen d’apports en acides gras chez l’adulte issu de cette analyse des données INCA 2.

Pour la population adulte, l’apport total moyen quotidien en lipides est de 38,0 % de l’AESA. Il est donc conforme aux recommandations des ANC (35–40 % de l’AESA). Pour autant, l’analyse détaillée montre que l’apport de certains acides gras est parfois éloigné des valeurs recommandées par l’Anses.

L’apport total en acides gras saturés est lui de 14,4 % de l’AESA (pour un \hbox{$\rm ANC \leqslant 12$}% de l’AESA). Parmi les AGS, les acides laurique, myristique et palmitique représentent plus de 9,5 % de l’AESA alors que l’Anses recommande de ne pas dépasser 8 %, leur consommation en excès constituant un facteur de risque pour le développement de maladies cardio-vasculaires.

L’apport quotidien en acide oléique, principal représentant des AGMI de la famille des Oméga 9, est nettement insuffisant (10,8 % de l’AESA) au regard des ANC (15–20 % de l’AESA).

L’apport moyen quotidien en AGPI Oméga 3 est deux fois inférieur aux ANC : 0,4 % de l’AESA pour l’ALA(ANC de 1 %), 137 mg pour le DHA (ANC de 250 mg) et 102 mg pour l’EPA (ANC de 250 mg). Seuls 14,6 % de la population adulte apparaissent comme atteignant les recommandations pour le DHA, 7,8 % pour l’EPA, et seulement 1,2 % pour l’ALA, pourtant essentiel, ne pouvant pas être synthétisé par l’organisme. En revanche, l’apport moyen en acide linoléique, principal AGPI Oméga 6, est satisfaisant par rapport à la recommandation de l’Anses (8,5 g/j soit 3,9 % de l’AESA pour un ANC de 4 % de l’AESA). Ainsi, les apports nettement insuffisants en ALA induisent un rapport LA-ALA moyen de 9,6 (pour une recommandation de l’Anses <5), malgré un apport équilibré en LA.

2.3 Contributions des groupes d’aliments chez les adultes

Le tableau 2 présente les 5 principaux groupes d’aliments INCA 2 contributeurs pour chaque famille d’acides gras.

Les aliments contribuant le plus aux apports en acides gras sont les graisses animales (beurre, fromages, charcuterie et viande) pour les AGS, les huiles pour les AGMI, le poisson pour la somme des AGPI Oméga 3, et les huiles pour la somme des AGPI Oméga 6.

2.4 Publication de l’Anses

En septembre 2015, l’Anses a publié son propre rapport sur les apports en acides gras de la population vivant en France et leur comparaison aux ANC 2010 (Anses, 2015). Les résultats de l’Anses sont semblables à ceux de Terres Univia excepté pour l’acide arachidonique. En effet l’Anses a utilisé une table Ciqual actualisée (notamment sur l’apport en acide arachidonique des œufs et de leurs produits dérivés) par rapport à la version 2013. Cette table actualisée devrait être prochainement mise en ligne par l’Anses.

3 Comment adapter les messages nutritionnels pour des apports plus proches des ANC ?

Les résultats de l’étude montrent que pour la population adulte en bonne santé, les conseils et les recommandations à donner aux patients et aux consommateurs doivent concerner avant tout le choix des matières grasses. Il semble nécessaire d’éduquer en priorité vers une augmentation de la consommation des AGPI Oméga 3. Ensuite, les consommateurs doivent apprendre à privilégier et à varier les matières grasses végétales pour profiter des bienfaits de chaque source disponible.

thumbnail Fig. 1

Variété des compositions en acides gras des principales matières grasses végétales françaises.

3.1 Éduquer simplement les consommateurs sur les AGPI Oméga 3

Seul 1,2 % de la population adulte apparait comme atteignant les recommandations pour l’ALA, 14,6 % pour le DHA, 7,8 % pour l’EPA. Malgré les repères du PNNS, les ANC en AGPI Oméga 3 restent difficiles à atteindre.

Il est nécessaire d’enseigner au consommateur que l’on trouve les AGPI Oméga 3 dans deux sources complémentaires :

Les AGPI Oméga 3 d’origine végétale, l’ALA principalement, que l’on le trouve dans les huiles végétales de colza, de noix et de lin. L’ALA, apporté en quantité suffisante (2 g/j), contribue à maintenir un taux normal de cholestérol sanguin, dans le cadre d’une alimentation équilibrée.

Les AGPI Oméga 3 des poissons (EPA et DHA) que l’on trouve surtout dans les poissons gras comme le maquereau, le thon, les sardines ou le saumon. Le DHA et l’EPA contribuent au maintien d’un taux sanguin normal de triglycérides et au maintien d’une pression artérielle normale dans le cadre d’une alimentation équilibrée.

Des repères simples peuvent être communiqués aux consommateurs, comme par exemple :

  • Consommer 2 cuillérées à soupe d’huile de colza par jour ou consommer 1 cuillérée à soupe d’huile de colza et 2 cerneaux de noix (soit 10 g) apporte environ 2 g d’ALA pour un ANC de 2 à 2,5 g par jour.

  • Consommer chaque semaine 1 poisson gras (conserves de maquereau, de sardine, thon, saumon) apporte une quantité satisfaisante en EPA et DHA.

3.2 Apprendre à varier les huiles végétales

Ainsi que le recommande le Programme national nutrition santé (PNNS), il est plus que jamais important de privilégier les matières grasses d’origine végétale en variant leur consommation. Aucune huile ne possède une composition nutritionnelle idéale, il est donc nécessaire de les alterner pour garantir un bon équilibre entre les différents acides gras et profiter de leurs différentes propriétés antioxydantes (vitamine E, polyphénols). Ainsi, il est recommandé d’avoir au moins 2 huiles distinctes et d’alterner les différentes huiles achetées.

La figure 1 illustre la variété des compositions en acides gras des principales matières grasses végétales françaises.

Les huiles végétales, de par leur composition en acides gras mais aussi de par leur saveur, ont des utilisations différentes. Par exemple, les huiles riches en acide oléique sont résistantes aux hautes températures. On trouve l’acide oléique dans l’huile d’olive, mais aussi dans l’huile de tournesol oléique. Les huiles de tournesol oléique sont issues de variétés de tournesol sélectionnées pour leur richesse naturelle en acide oléique. La composition de ces huiles de tournesol oléique est proche de celle de l’huile d’olive. L’huile de tournesol oléique se trouve en général dans les bouteilles du commerce en mélange avec de l’huile de tournesol dite classique (riche en Oméga 6) ou d’autres huiles (souvent les huiles combinées).

thumbnail Fig. 2

Variété des utilisations des principales matières grasses végétales françaises.

La figure 2 illustre la variété des utilisations des principales matières grasses végétales françaises.

Des repères simples peuvent être communiqués aux consommateurs, comme par exemple :

  • 1 à 2 cuillerées à soupe d’huile par personne et par jour pour cuire et assaisonner. Pour les assaisonnements et cuissons, il faut toujours se servir d’une cuillère pour doser l’huile en cuisine; c’est plus simple pour contrôler la quantité de matières grasses ajoutées;

  • 1 noix de margarine ou de beurre par jour et par personne pour les tartines;

  • avoir au moins 2 huiles distinctes chez soi et alterner les différentes huiles achetées.

4 Conclusion/prochaines étapes

L’analyse des apports en acides gras chez les adultes montre qu’il faut améliorer l’éducation nutritionnelle des consommateurs français. Parmi les axes d’éducation, il semble que deux messages doivent faire l’objet d’un effort particulier : augmenter les apports en AGPI Oméga 3, en favorisant la consommation de poissons gras et d’huile de colza; diminuer les apports en AGS tout en les différenciant.

Avec le détail des apports par type d’huile, margarine et beurre, on entrevoit une possibilité d’équilibrer les apports en acides gras en adaptant sa consommation de matières grasses.

Il est à noter que les données INCA 2 ont été collectées en 2006–2007. L’Anses indique (Anses, 2015) que la description des consommations françaises pourra être actualisée prochainement sur la base de l’enquête de consommation INCA 3.

Déclaration des conflits d’intérêt

Céline Le Guillou et Noëmie Simon travaillent chez Terres Univia.

Jessica Tressou, Stéphane Pasteau et Solveig Darrigo Dartinet collaborent avec Terres Univia pour cette étude.

Remerciements

Terres Univia remercie le GLN d’avoir pu présenter ces travaux lors de la journée GLN du 17 novembre 2015.

Références

Cite this article as: J.T. Cosmao, S. Pasteau, S. Darrigo Dartinet, N. Simon and C. Le Guillou. Données récentes sur les apports en acides gras des Français. OCL 2016, 23(3) D303.

Liste des tableaux

Tableau 1

Profil moyen d’apports en acides gras (AG) chez l’adulte issu de l’analyse des données INCA 2. Les valeurs sont exprimées, exceptées pour l’EPA et le DHA, en pourcentage de l’apport énergétique sans alcool. Dans le cas du DHA et de l’EPA, les valeurs sont exprimées en milligrammes par jour. Les ANC sont ceux d’un adulte consommant 2000 kcal par jour (Anses, 2010).

Tableau 2

Les 5 principaux groupes d’aliments contributeurs pour chaque famille d’acides gras chez l’adulte issu de l’analyse des données INCA 2. Légende : Les contributions sont données en pourcentage de l’AESA (apport énergétique sans alcool) pour la population adulte entière.

Liste des figures

thumbnail Fig. 1

Variété des compositions en acides gras des principales matières grasses végétales françaises.

Dans le texte
thumbnail Fig. 2

Variété des utilisations des principales matières grasses végétales françaises.

Dans le texte

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