Open Access
Issue
OCL
Volume 20, Number 4, July-August 2013
Article Number D408
Number of page(s) 5
Section Dossier: Freins et leviers à la diversification des cultures / Crop diversification in France
DOI https://doi.org/10.1051/ocl/2013012
Published online 31 July 2013

© S. Bertucelli et al., published by EDP Sciences, 2013

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Introduction

L’histoire du chanvre illustre jusqu’à présent l’adage « on ne peut pas être et avoir été ». Toute la dynamique de la filière aujourd’hui consiste à faire mentir cet adage par celui-ci : quand une situation évolue fortement, les causes, conséquences et opportunités changent. Il est alors possible de changer de paradigme, c’est-à-dire de grille d’interprétation du monde. Le chanvre, matière végétale qui fleure bon les armoires de grand-mères et sur laquelle peu parient, a alors une opportunité de devenir une activité d’avenir, ce qui passe dans notre société saturée d’information tant par une existence technologique que par une visibilité médiatique.

La filière française du chanvre industriel est l’exemple type d’une activité agricole qui aurait disparu sans l’implication permanente du maillon agricole, sous sa forme individuelle et coopérative.

1 Historique et contexte

Le chanvre et le lin ont été jusqu’en 1850 des filières stratégiques pour l’économie mondiale comme transformateur de l’énergie éolienne en moteur de déplacement. Jusqu’au développement de la marine à vapeur, la production de voiles était la condition sine qua non de l’expansion économique, militaire et commerciale. Dans un monde alors dominé par la Vieille Europe, c’est donc logiquement les fibres endémiques qui se sont développées pour ces usages. Le chanvre a atteint au 19e siècle son apogée avec près de 150 000 ha de culture en France, culture fortement réglementée pour la fourniture des chantiers navals. Par ailleurs, le chanvre était cultivé à des fins domestiques (sacherie, ficelles, cordes) dans les exploitations agricoles. Le développement du moteur à vapeur a marqué le début du déclin de la filière du chanvre. Ces usages se sont limités à la production massive de cordage de marine jusqu’à l’avènement du nylon. La légendaire imputrescibilité du chanvre n’était plus suffisante face aux qualités incomparables des cordages synthétiques : imputrescibilité aussi, mais surtout élasticité, résistance mécanique et hydrophobie : peu ou prou, un cordage de nylon jeté à la mer pèse le même poids à l’aller et au retour ...Reste au milieu du 20e siècle une filière chanvrière anecdotique avec des pointes d’activité pendant les périodes de guerre, grandes consommatrices de ressources, humaines comme matérielles. Il faut par ailleurs, sur la période courant d’environ 1850 à 1950, tenir compte de la politique des pays européens, qui dans le cadre de la circulation commerciale avec leurs colonies exportaient des biens manufacturés et importaient des matières premières. Le coton, outre ses qualités intrinsèques de confort en habillement, s’est retrouvé ainsi favorisé par rapport aux fibres « européennes ».

2 Première clé à l’innovation : survivre ou contrecarrer les menaces

Plus encore que le désintérêt industriel et que la politique coloniale, le chanvre est mis en péril au milieu du 20e siècle par son frère faux-jumeau le cannabis. Bien que le débat fasse polémique dans le microcosme chanvrier, la communauté scientifique s’accorde pour affirmer qu’il n’existe qu’une espèce de chanvre, le Cannabis sativa L. Deux sous-espèces principales se déclinent, le Cannabis sativa sativa (le chanvre industriel) et le Cannabis sativa indica (le chanvre drogue). Ces deux sous-espèces cachent en fait un continuum génétique qui jusqu’aux années 1950 allait de types « européens », avec des taux de présence de delta 9 tétrahydrocannabinol (THC) de l’ordre de 0,5 % dans les parties vertes, jusqu’à des types « africains » ou « indiens » avec des taux de THC de l’ordre de 5 %. La différenciation endémique apparaît fortement liée aux latitudes et températures du biotope. Jusqu’au milieu du 20e siècle la consommation de cannabis en Europe était limitée à un cercle restreint d’initiés (dont le fameux club des Hashishins de Théophile Gautier), et ne présentait pas de danger social. La décolonisation a provoqué le retour en métropole « d’expatriés » dont certains avaient goûté aux joies de l’ivresse cannabique. Pour contrecarrer ce qui devenait progressivement un problème social, la quasi-totalité des pays de la future Union Européenne ont purement et simplement interdit la culture de chanvre, sans distinction entre les types. Seules la France et l’Italie ont fait le choix de réglementer plutôt que de proscrire. En France, la filière de production était structurée à l’initiative des agriculteurs par la Fédération nationale des producteurs de chanvre (FNPC), créée en 1932. Le premier verrou à lever de l’époque moderne du chanvre a donc été la sélection et la multiplication de variétés de chanvre respectant la réglementation en vigueur, menée en parallèle d’une recherche fondamentale sur la biologie du chanvre, la biogénèse du THC et le contrôle au champ du respect de la norme. Ces travaux ont été menés principalement par la FNPC (J.P. Mathieu et O. Beherec), par l’Inra (M. Arnoux) et par le laboratoire de pharmacognosie de l’université de Chatenay Malabry (Pr G. Fournier et Dr. A. Macuick). La multiplication des semences a été assurée depuis 1964 par la Coopérative centrale des producteurs de semences de chanvre (CCPSC), en partenariat exclusif avec la FNPC.

En ceci, la filière chanvre apporte un premier enseignement : plus une filière est petite, plus elle doit se doter de structures solides pour assurer ses fonctions vitales : sélection créatrice « défensive » pour parer les événements extérieurs (hier durcissement régulier de la réglementation THC, potentiellement demain développement potentiel du seul parasite du chanvre, l’orobanche rameuse), maintien variétal, multiplication de semences dans des volumes faibles qui n’intéressent pas les entreprises de multiplication multi-espèces, recherche fondamentale.

La stratégie élaborée par la filière chanvre est l’implication des producteurs dans ces structures névralgiques : capital de la CCPSC (4 ETP1) tenu par 80 agriculteurs multiplicateurs de semences spécialisés et par la FNPC, investissement fort du maillon agricole dans la sélection et l’organisation de la filière (FNPC : 9 ETP), convention d’exclusivité croisée entre l’obtenteur et le multiplicateur, financement de la recherche fondamentale par les producteurs.

Le frein est toutefois que la capacité de progrès sur ce segment est limitée par la faible assiette de financement, de l’ordre de 10 000 ha en France. La CCPSC est l’acteur majeur de production de semences à destination de l’Union Européenne avec plus de 90 % des parts de marché, marquant ici de manière criante le désintérêt des structures de taille plus importante pour cette culture. Ceci a permis à la filière chanvre de lever le premier verrou de l’innovation : la survie.

3 Deuxième clé de l’innovation : s’adapter au marché, le chanvre moderne

Dans les années 1960, la filière du chanvre était au plus bas et était en train de s’éteindre, l’assiette de production n’étant plus capable de financer les structures minimales de sélection conservatrice et de multiplication. Au même moment, la surabondance de fibres synthétiques qui avaient tant affaibli le chanvre lui a créé une ouverture de marché. Encore fallait-il saisir cette opportunité. Jusque dans les années soixante, les fabricants de cigarettes utilisaient du « papier chiffon », issu du recyclage des vêtements usagés. Mais, la présence de plus en plus importante de tissus mélangeant fibres synthétiques et fibres naturelles a rendu cette ressource impropre à l’usage en papeterie spécialisée. Les fabricants de cigarettes, d’infusette à thé et de filtres à café se sont alors mis en quête de cellulose pure dont l’archétype était les fibres végétales de coton, lin et chanvre. Dans le double objectif de s’assurer une fourniture globale sécurisée de fibres en qualité et en quantité, les papetiers spécialisés (Cellulosa de Levante, Schweizer Mauduit Int.) ont agi simultanément sur trois leviers : achat sur le marché international de sous-produit textile de coton, souvent à bon prix mais en quantité fluctuante en fonction des situations économiques et géopolitiques; achat sur le marché européen (France, Belgique, Pays-Bas) de sous-produits de lin textile, avec des fluctuations importantes du prix en fonction de volumes de fibres longues consommées par un marché de l’habillement « fashion » fluctuant; achat sur le marché français de fibres de chanvre produites sous contrat (intégration), généralement plus chères que celles de lin et coton, mais dont l’approvisionnement était sécurisé par une large zone de production. Conjointement avec la création d’un atelier de décorticage dans la Sarthe par la holding Schweizer Mauduit Int., un groupe de producteur de l’Aube a créé une coopérative dédiée exclusivement au chanvre, La Chanvrière de l’Aube (LCDA), en 1974. Cet acteur n’a pas tardé à être le plus important producteur européen de fibre de chanvre européen, et peut-être mondial.

Nous avons ici un deuxième exemple de verrou à lever : saisir les opportunités avec des financements endogènes. Il est évident avec le recul, et au vu de la « success story » de LCDA, que le choix des producteurs était le bon. En 1974, investir dans la papeterie de spécialité, c’était de l’innovation. Il y a là un concept à conserver en permanence à l’esprit : les activités les plus banales d’aujourd’hui ont été hier des activités innovantes. L’analyse des verrous d’hier et de la manière dont ils ont été levés est riche d’enseignement pour gérer ceux d’aujourd’hui et anticiper ceux de demain. Près de quarante ans plus tard, LCDA est toujours leader de la filière européenne, et n’a pas été reprise par une structure économique plus importante (LCDA consolide environ 40 ETP en comptant ses sous-traitants). Mais l’activité chanvre, « petite industrie lourde », représente un investissement de départ important (de l’ordre de 3 M€ par tranche de 1000 Ha de culture). En 1974, convaincre un groupe d’agriculteurs de s’engager et d’investir dans une activité complètement nouvelle, au lieu (en parallèle en fait) d’adhérer plus classiquement à des outils coopératifs généralistes a demandé aux créateurs de la structure une force de conviction importante. Ce comportement, que nous analysons dans le rétroviseur pour LCDA, est aujourd’hui à l’épreuve pour trois structures monoproduits détenues par des producteurs (sous forme coopérative ou non) : Planète Chanvre (77), Chanvriers de l’Est (57) et Agrochanvre (50).

4 Troisième clé de l’innovation : s’allier entre acteurs pour créer un marché

Dans les années 1990, le groupe coopératif généraliste Interval a repris une usine de décorticage de chanvre à Arc les Gray (70), Eurochanvre, sur une activité alors « classique » de fourniture de fibres pour la papeterie spécialisée. Les différences entre les deux acteurs Interval–Eurochanvre et LCDA étaient les suivantes :

  • LCDA était une structure monoproduit, donc sans capacité dereport de capacité d’investissement d’une branche d’activitésur une autre, mais leader du marché;

  • Interval-Eurochanvre était une structure multi-activité (grandes cultures principalement), donc avec des capacités de financement plus importantes, mais minoritaire sur le marché.

Les débuts de la relation ont été conflictuels, étant tous deux sur un marché étroit et en stagnation.

Dans les années 2000, LCDA a créé une structure de recherche et développement (R & D), AFT Plasturgie (21) pour investiguer et développer le marché des renforts végétaux palliatifs des fibres minérales en plasturgie. La durée et la taille de l’investissement nécessaire à ce type d’activité a rapidement dépassé les capacités financières de LCDA. Les concurrents d’hier se sont alors alliés pour codévelopper AFT plasturgie, plus tard rejoints par le groupe coopératif Nouricia (aujourd’hui Vivescia depuis son rapprochement avec Champagne Céréales). Nous parlerons ici d’investissement hybride dans l’innovation, car composé de plusieurs acteurs, soit sur des financements endogènes à la filière (LCDA), soit par des reports de financement d’activités agricoles bénéficiaires vers des activités en développement.

5 Quatrième clé de l’innovation : créer un débouché avec des fonds exogènes à la filière

Il s’agit ici de la forme la plus connue des clés de l’innovation : un grand groupe coopératif, ou une alliance de plusieurs grands groupes coopératifs investit fortement sur une activité de diversification (ex : les agro-carburants) par un report de financement d’activités bénéficiaires vers des activités émergentes.

Nous étudierons dans ce paragraphe deux acteurs chanvriers majeurs en France, même si leur approche individuelle du chanvre diffère.

Le groupe coopératif Euralis a fusionné avec la coopérative Coopéval en 2007. Il a repris alors l’activité de diversification en chanvre de Coopéval, la société Agrofibre. Au départ sur des débouchés plutôt classiques de fourniture de fibre pour les fabricants d’isolant phonique et les équipementiers automobiles (rembourrage de portière, sous-capot moteur), Euralis-Agrofibre a démarré d’importantes recherches en innovation pour le bâtiment avec une brique porteuse constituée de chènevotte de chanvre (la partie « bois » de la tige) complexée avec un liant de type terre crue (métakaolin, de la famille des argiles). Cette diversification innovante a été initiée avec des acteurs universitaires (INSA de Toulouse), institutionnels (Agrimip) et industriels (SEAC Guiraud). Ici clairement les investissements en R & D n’ont pas été supporté par la filière chanvre mais bien par un report d’autres activités agricoles, ainsi qu’avec l’appui des acteurs politiques locaux. Ces recherches sont aujourd’hui en dormance, en lien avec la modification de stratégie de la SEAC Guiraud suite à une succession familiale.

Le groupe coopératif CAVAC a mené une stratégie différente, dans la mesure où la création ex-nihilo d’une filière chanvre est l’aboutissement d’une réflexion de diversification complète, et non pas un élément d’opportunité comme dans le cas précédent. La problématique initiale de la CAVAC était la volonté de maintenir son activité de production de graine de lin oléagineux. Ce marché étant très fluctuant, la CAVAC a décidé de valoriser les pailles, en en extrayant des fibres (de qualités inférieures à celles du lin textile). Cette ressource étant peu sécurisée en volume, en lien avec la volatilité du marché de la graine de lin, la CAVAC a décidé de monter de toute pièce une filière chanvre dédiée à la production de fibre. La filiale créée, CAVAC biomatériaux, comporte une usine de décorticage (extraction de la fibre) et une usine de production de panneaux et rouleaux de fibres isolantes à destination du bâtiment. La spécificité de la CAVAC est que ces deux usines sont sur le même lieu.

Dans ces deux cas, c’est bien la possibilité d’un financement extérieur à la filière qui a levé le frein à l’innovation. Il s’agit sans doute du levier principal de l’innovation de demain, les filières de tailles réduites comme le chanvre peuvent difficilement financer des programmes de R & D conséquents permettant d’accéder aux marchés.

6 Cinquième clé de l’innovation : l’acteur externe cofinancé par de nombreux investisseurs, dont les pouvoirs publics

Le levier suivant que la filière chanvre met en place pour lever les freins à l’innovation est la participation, voire l’initiation d’outils de R & D et d’accession aux marchés. Pour acquérir une taille critique minimale, ces outils sont mutualisés avec des acteurs autres que chanvriers ayant des intérêts partagés sur des segments de marchés communs. Il s’agit là de sublimer la notion de concurrence par la notion de synergie. Au final, dans le bouquet de solutions, chacun devra faire pousser sa fleur...

Fibres Recherche et Développement : cette structure privée, créée à l’initiative de La Chanvrière de l’Aube, d’Interval et de Nouricia a pour mandat de faire le lien entre les producteurs de semi-produits à base de fibres végétales et les utilisateurs de ces semi-produits (équipementiers...). Pour ce faire, la structure est dotée d’un important laboratoire de R & D et fournit, soit sur catalogue soit sur prestation, des solutions industrielles à base de fibres végétales. Cette structure présente aujourd’hui un actionnariat diversifié (banques, sociétés d’investissement, coopératives agricoles, acteurs d’aval) et est soutenue par des fonds publics (Ville de Troyes, Département de l’Aube, Région Champagne Ardennes et Europe).

Construction et Bioressources (C et B) : cette structure privée, créée à l’initiative de la filière chanvre et de Maisons Paysannes de France, a pour mandat de promouvoir l’utilisation dans le bâtiment des matières chanvre, bois, lin, laine de mouton, céréales et maïs, miscanthus et paille. Les acteurs représentant les liants minéraux utilisés sont aussi adhérents de la structure (chaux, ciment, terre). C et B travaillent sur plusieurs axes :

  • fédérer les filières des écomatériaux (demande très forterelevée régulièrement par les pouvoirs publics);

  • être le référent professionnel pour les évolutions de réglementation, de normalisation et de labellisation concernant les bioressources dans la construction;

  • appuyer les porteurs de projet quel que soit leur niveau d’intervention :

    • bassins de production;

    • transformation;

    • maîtrise d’ouvrage;

    • maîtrise d’œuvre.

C et B est soutenu très fortement par le ministère de l’Écologie, du Développement Durable et de l’Énergie et par la région Bourgogne.

7 Sixième clé de l’innovation : la structuration de filière

La filière du chanvre s’est structurée au cours des dix dernières années entre autres pour pouvoir travailler collégialement au développement des marchés et à l’innovation.

En 2003, la filière a créé deux organismes paritaires (Interchanvre et Institut Technique du Chanvre) regroupant l’amont de la production et l’aval de première transformation visant à structurer la filière et à innover en matière d’agronomie et de machinisme agricole. Antérieurement, ces fonctions étaient assumées par le seul amont agricole fédéré par la FNPC. Cette évolution de gouvernance avait pour but :

  • d’améliorer la représentativité et la visibilité de la filière par uneprise en compte plus verticale de ses intérêts et de sespotentialités;

  • d’innover et d’améliorer son développement agricole par une implication plus forte de l’aval et par une analyse plus poussée de la diversité des besoins industriels.

Interchanvre : initialement cette structure avait pour mandat d’être l’interlocuteur unique des pouvoirs publics. Gérée paritairement par l’amont et l’aval, cette structure a évolué en 2011 avec l’acquisition du statut d’interprofession reconnue et la mise en place d’une cotisation volontaire obligatoire (CVO), système de collecte validé par le code rural, permettant un financement prélevé auprès de l’intégralité des productions de chanvre françaises pour mener des actions :

  • de développement agricole (cf. paragraphe suivant);

  • de représentation institutionnelle;

  • de promotion et de développement de la filière;

Institut Technique du Chanvre : cette structure, cofinancée à parts égales par la filière et par l’État (dans le cadre du développement rural) avait pour mandat d’assurer le développement de la structure par :

  • de la R & D en machinisme agricole. La petite taille de la filièrereprésente un potentiel de vente trop restreint pour intéresseraisément les constructeurs de machines agricoles. Or, commetoute filière agricole, le chanvre industriel tire profit desystèmes de récolte optimisés améliorant la rentabilité et/oul’investissement en maind’œuvre. Le travail de l’ITC a permisde faire un état des lieux de l’existant et d’établir les basesd’échanges avec les constructeurs, sur les potentialités etmanques de la filière sur le plan agricole;

  • du conseil aux producteurs. Depuis 2003, de nombreux nouveaux bassins de productions se sont développés au niveau national. La forte implication de l’État dans le financement de l’ITC a garanti un appui égal au développement à tous les bassins de production, sans que des notions de concurrence ne viennent freiner l’accès à l’information. En 2010, l’ITC a fusionné à l’initiative de la filière avec le Centre Technique Interprofessionnel des Oléagineux Métropolitains (CETIOM) pour améliorer son efficacité par une mutualisation de moyens. Réalisées par le CETIOM, les actions de développement agricole du chanvre sont pilotées par Interchanvre et cofinancées par la filière chanvre et le Compte d’Affectation Spécial du Développement Agricole et Rural (CASDAR). La filière réfléchit actuellement, avec le soutien du CETIOM, à élargir le champ de ses actions collégiales vers l’amont (génétique) et vers l’aval (R & D produits).

8 Trouver de nouveaux producteurs et fidéliser les bassins existants

Les composants industriels du chanvre (fibres et chènevottes) sont typiquement des marchés de spécialité et non de commodité. Cela a trois conséquences directes :

  • Les acheteurs sont peu nombreux et cherchent à sécuriser leursourcing par des contrats pluri-annuels;

  • La production agricole est intégrée par des liens très forts de contractualisation entre les producteurs et les premiers transformateurs. Il n’existe pas de marché libre de la paille de chanvre;

  • Les cours de la fibre de chanvre sont beaucoup plus liés à ceux des autres fibres végétales et des fibres minérales qu’à ceux des productions agricoles concurrentes dans les choix d’assolement : colza dans la moitié nord de la France et tournesol dans la moitié sud.

Les cours des oléagineux ont fortement augmenté ces dernières années. Sur la même période, les cours de la paille de chanvre n’ont été que faiblement revalorisés, diminuant l’attractivité de la culture pour les producteurs. Ce phénomène a été accentué par la fusion du système de soutien à la filière (l’organisation commune de marché lin et chanvre) dans le système global du Droit à Paiement Unique, qui rompt, en respect des règles de l’Organisation Mondiale du Commerce, les liens entre les soutiens à l’agriculture et les productions.

La filière a développé une stratégie pour convaincre les producteurs d’intégrer le chanvre dans leurs assolements :

  • Mise en lumière des intérêts environnementaux du chanvre :absence de traitement phytosanitaire, absence d’irrigation,plante économe en azote, culture favorable à la biodiversité, encontrepoint avec les stratégies nationales en faveur del’évolution vers une agriculture plus verte : plan Ecophyto2018, Grenelle de l’Environnement, transition écologique,agro écologie. Le chanvre se positionne comme une solutionaux contraintes environnementales croissantes en agriculture,solution sur laquelle il faut investir dès aujourd’hui;

  • Mise en lumière des intérêts agronomique du chanvre : allongement de l’assolement, amélioration de la réserve en eau des sols, fractionnement du sol, activateur de la vie des sols, améliorateur du taux de carbone des sols, culture de rattrapage en cas de semis d’hiver ratés (culture de printemps).

La communication importante des aménités agronomiques et environnementales pérennes de la culture permet de pallier partiellement le manque d’attractivité économique immédiate. La filière travaille par ailleurs à être intégrée dans le verdissement de la Politique Agricole Commune (PAC), ce qui serait un plus. Toutefois, sur le court terme, l’inclusion du chanvre dans un programme de soutien comme les aides recouplées du premier pilier de la PAC serait nécessaire au maintien de la filière dans une phase de transition économique et écologique.

Conclusion

Pour lever les freins à l’innovation, et donc accéder à des marchés diversifiés et importants, la filière chanvre a développé sept leviers depuis quarante ans :

  • Assurer sa survie;

  • S’adapter aux marchés existants;

  • S’allier en entre acteurs pour créer de nouveaux marchés;

  • Créer de nouveaux débouchés avec des fonds exogènes;

  • Créer ou s’allier avec des acteurs de R & D multi filières;

  • Se structurer;

  • Trouver de nouveaux producteurs.

En résumé, les leviers mis en œuvre par la filière chanvre sont ceux qui permettent d’évoluer du statut de petite filière à celui de filière de taille intermédiaire.


1

ETP : personnel Equivalent Temps Plein.

Cite this article as: Sylvestre Bertucelli. Le volontarisme agricole et coopératif : un moteur d’innovation. L’exemple du chanvre industriel. OCL 2013, 20(4) D408.

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