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OCL
Volume 19, Number 6, Novembre-Décembre 2012
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Page(s) | 313 - 316 | |
Section | Introduction | |
DOI | https://doi.org/10.1051/ocl.2012.0488 | |
Published online | 15 November 2012 |
Process et qualité
Institut des Corps Gras – ITERG, rue Monge, 33 600 Pessac, France
Les contributions, exemples et témoignages industriels de ce dossier présentent les principales voies d’évolution des procédés d’obtention et de transformation des corps gras, lesquelles sont indiscutablement centrées sur la qualité, la sécurité alimentaire et le développement durable, reflétant les préoccupations et les exigences sociétales actuelles.
Premier point important à souligner, pour cette activité à faible valeur ajoutée produisant d’importants volumes : les coûts des procédés sont toujours au cœur des préoccupations. Ainsi, l’amélioration de la productivité et des rendements reste une constante pour ces procédés éprouvés ; les innovations s’expriment au travers d’optimisations sensibles de certains équipements (aplatisseurs, échangeurs, mélangeurs, désodoriseurs…) aux différentes étapes des procédés, et par la mise en place de systèmes d’organisation (management, qualité, sécurité…) assez sophistiqués visant à optimiser le fonctionnement et à réduire les consommations énergétiques.
La maîtrise de la qualité des produits est évidemment un paramètre essentiel des évolutions constatées : il faut bien sûr garantir le respect d’un cahier des charges qui s’étoffe de plus en plus ; vérifier et garantir l’élimination efficace d’éventuels contaminants dont on mesure plus efficacement la présence, à des teneurs de plus en plus basses et par des techniques de plus en plus sophistiquées ; dans le même temps, il s’agit de maintenir à leur plus haute concentration possible certaines molécules présentes en faible quantité (composés mineurs), dont l’intérêt connu en tant que micronutriments a été récemment rappelé (Morin et Pagès, 2012).
Dans ce contexte, l’évolution des procédés est extrêmement contrainte pour intégrer la recherche d’une meilleure rentabilité, les économies d’énergie, une meilleure gestion des co- et sous-produits et la réduction de l’impact environnemental.
La capacité des unités de trituration est de plus en plus importante : 1 million de tonnes de graines triturées par an devient une capacité conventionnelle.
Richard W. Ozer de la société Crown (Ozer, 2012) fournit quelques données parlantes concernant le soja : pour une usine traitant 9 000 tonnes par jour de flocons de soja à 18,3 % d’huile et 10,5 % d’eau, l’unité d’extraction à l’hexane fonctionnant 350 jours par an (24/7) a des besoins en utilités i) vapeur, de 185 kg/tonne d’intrant (basée sur graine), ii) électricité, de 8,5 kWh/t et iii) eau, de refroidissement de 15,4 m3/h.
Ce qui se chiffre en dépenses de fonctionnement (main-d’œuvre incluse) à 38,35 US$ par tonne d’huile produite (base 18,3 % d’huile dans la graine 0,6 % dans le tourteau).
La recherche de procédés d’extraction par d’autres solvants que l’hexane est une thématique récurrente ; en effet, ce solvant faisant partie des composés organiques volatils (COV), voit son emploi plus fréquemment questionné aujourd’hui. Cependant, comme évoqué plus haut, la technologie d’extraction à l’hexane est éprouvée, optimisée, maîtrisée et économiquement avantageuse. Elle est considérée comme la meilleure technologie disponible (MTD) et sa contribution aux émissions industrielles de COV est extrêmement faible comparativement à d’autres secteurs industriels (Johnson, 1997 ; Lusas et Hernandez, 1967 ; Stavrakakis, 2011) (tableau 1).
Valeurs limites des émissions de COV (Cas des consommations de solvants supérieures à 10 tonnes par an)
Dans ce contexte, les alternatives étudiées rivalisent si difficilement avec l’existant qu’il est illusoire d’imaginer le voir remplacé industriellement à court ou moyen terme.
À titre d’exemple, on peut citer des travaux récents portant sur l’extraction à l’eau assistée par des enzymes (Ricochon et Muniglia, 2010) dont les résultats et l’appréciation globale devraient faire l’objet d’une prochaine publication dans OCL.
Maîtrise des contaminants
Le sujet est très important et vaste ; nous renvoyons à deux articles (Lacoste, 2010 ; Pages et al., 2010) sélectionnés pour couvrir transversalement cette question dans ses trois volets essentiels : i) état des lieux et plan de surveillance des contaminants dans les corps gras, ii) méthodes d’analyse pour permettre leurs détection et dosage dans des matrices grasses et iii) maîtrise de leur élimination au cours des procédés, notamment du raffinage, pour garantir la sécurité sanitaire du produit fini.
L’article de ce dossier illustre le risque de contamination potentielle des corps gras par les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) et les moyens mis en œuvre au cours des étapes de raffinage pour les éliminer et garantir la sécurité en respectant les limites réglementaires.
Les travaux présentés montrent la capacité de certains charbons fixés sur des plaques de filtration à réduire ces polluants par simple filtration, un procédé souple et très simple à mettre en œuvre. Si l’intérêt semble a priori limité pour des installations industrielles de taille habituelle, les producteurs de plus modestes capacités d’huile de pression peuvent y trouver un intérêt pour traiter des lots potentiellement à risque.
Maîtrise de la consommation énergétique
Plusieurs exemples traitent de cette question d’importance croissante.
L’article de Patrick Carré présente la technologie « Solex »1 efficace pour récupérer les calories « basses températures » d’une installation industrielle de pression-extraction. Un bilan très précis et bien documenté des consommations énergétiques au cours des différentes étapes de la trituration d’une graine oléagineuse est réalisé. Le principal intérêt de mettre en place un échangeur de type Solex pour préchauffer les graines oléagineuses vers 60° C avant aplatissage en utilisant de la chaleur récupérée des condensats est avant tout d’économiser jusqu’à 10 % de l’énergie nécessaire pour la trituration complète ; en plus, ce préchauffage augmente la plasticité des graines, améliorant ainsi leur aplatissage, voire la formation du gâteau de pression.
Dans le même registre, la thématique du décorticage des graines de tournesol est traitée par deux contributions dont les approches se complètent. Ce développement industriel et les axes de recherche qui l’accompagnent sont tout à fait d’actualité compte tenu de l’intérêt grandissant pour les considérations liées au développement durable.
Le premier article de Sylvain Tostain, Pierre Chervier, Alain Laulan et Thomas Kermogant de la société Saipol fait un point très complet de la problématique industrielle du décorticage des graines de tournesol ; les auteurs communiquent ici leur expertise fondée sur une solide expérience d’entreprise.
La problématique industrielle est posée : le décorticage n’est pas nouveau mais le contexte industriel a évolué : « de nouveaux enjeux dans un contexte favorable ». Il est notamment essentiel de décortiquer et de séparer très efficacement les fractions (ne pas laisser d’amandes dans les coques) à des débits très importants et d’autre part de disposer d’une technologie adaptée permettant une combustion optimale des coques ; sur ce point, les avantages d’une technologie de chaudière à chambre cyclonique (Sil et Berkes) sont détaillés et montrent une bonne adaptation à la valorisation de coques (faible excès d’air requis par la chaudière, haut rendement, besoins réduits en traitement des fumées, fréquences de nettoyage et entretien, etc.).
L’article aborde également les contraintes industrielles et les implications résultantes en termes d’organisation, logistique, etc.
La problématique de valorisation du tourteau plus riche en protéines suivant le taux de décorticage appliqué, évoquée dans ce premier article, constitue une excellente transition vers les propos de Corinne Peyronnet, Frédéric Pressenda, Alain Quinsac et Patrick Carré exprimés dans le second article : « Impact du décorticage du tournesol sur la valeur nutritionnelle et l’intérêt économique des tourteaux en fabrications d’aliments composé ».
Un développement très intéressant et inédit est notamment exposé à partir d’une étude économique comparant, pour les trois types de tourteaux réalisables industriellement, les prix d’intérêt au-delà desquels l’incorporation de la matière testée n’est plus possible. Sont précisés les verrous à surmonter pour développer certaines opportunités : les auteurs soulignent la nécessité de conduire des études économiques intégrant l’impact des niveaux de prix du tourteau de soja et des deux céréales dominantes (blé et maïs).
En conclusion de ce thème, il faut souligner l’introduction très pertinente de ce dernier article : « La dépendance française et plus encore européenne en protéines végétales pour le secteur de l’alimentation animale incite à la recherche de nouvelles sources de protéines alternatives pouvant se substituer aux protéines d’importation telles le tourteau de soja ».
Le cas du tourteau de colza vient rapidement à l’esprit : la pertinence et l’utilité de travaux en cours sur le dépelliculage des graines de colza se trouvent relancées par le recours à cette technologie à relier au développement du biodiesel depuis les dix dernières années. Rappelons en effet que 55 % de la matière agricole utilisée pour la production de biodiesel sont transformés en coproduits protéiques utilisés en alimentation animale et que par rapport à l’année 2000, grâce aux biocarburants, l’auto-approvisionnement en protéines de la France est passé de 25 % à 55 % actuellement !
Maîtrise de la gestion des co- et sous-produits
Cette gestion est un des points essentiels à maîtriser pour des raisons de coût et d’impact environnemental des industries d’obtention et de transformation des corps gras.
Dans le dernier article de ce dossier, Laureen Badey, Michel Torojos, Philippe Pouech et Fabrice Bosque font un point sur les travaux collaboratifs réalisés par l’équipe environnement de l’Iterg, l’Inra de Narbonne et l’Apesa, notamment dans le cadre du programme de recherche Vecir.
Un panorama sommaire présente les co- et sous-produits disponibles et leurs voies de valorisation en particulier celle de la méthanisation ; de la conclusion de plus de dix ans de travaux, on retiendra que le potentiel méthane des coproduits de l’huilerie est intéressant et offre des opportunités de cométhanisation : « de par leur potentiel méthane très élevé, les résidus de l’huile peuvent permettre d’améliorer significativement la production de méthane d’un méthaniseur existant (type agricole, centralisé ou traitant des ordures ménagères), même si les proportions ajoutées sont relativement faibles (10 à 20 % par exemple) ». La question d’une possible valorisation généralisée en méthanisation appuyée sur une réflexion prospective d’ordre économique est posée en fin d’article.
Références
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- Ozer R. Algae drying and extraction. In: W.E. Farr and A Proctor (Eds.), Green vegetable oil processing. AOCS press, 2012. [Google Scholar]
- Johnson LA. Theorical, comparative, and historical analyses of alternative technologies for oilseeds extraction. In: PJ Wan and PJ Wakelyn (Eds.), Technology and Solvents for Extracting Oilseeds and Nonpetrolum Oils. AOCS Press, 1197 : 4–47. [Google Scholar]
- Lusas EW, Hernandez E. Isopropyl Alcohol. In: PJ Wan, PJ Wakelyn (Eds.), Technology and Solvents for Extracting Oilseeds and Nonpetrolum Oils. AOCS Press, 1967 : 199–266. [Google Scholar]
- Ricochon G, Muniglia L. Influence of enzymes on the oil extraction processes in aqueous media. OCL 2010 ; 17 : 356–359. [Google Scholar]
- Lacoste F, et al. Détection de contaminants dans les huiles végétales : bilan à fin 2009. OCL 2010 ; 17 : 75–80. [Google Scholar]
- Pages X, Morin O, Birot C, et al. Raffinage des huiles et des corps gras et élimination des contaminants. OCL 2010 ; 17 : 87–99. [Google Scholar]
- Stavrakakis C. Freins à la substitution des composés organiques volatils dans les procédés industriels. Rapport final, 354 p. et synthèse, 29 p., 21/01/2011. Étude ADEME pour CITEPA (réf. 822). [Google Scholar]
© John Libbey Eurotext 2012
Liste des tableaux
Valeurs limites des émissions de COV (Cas des consommations de solvants supérieures à 10 tonnes par an)
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