Issue |
OCL
Volume 19, Number 6, Novembre-Décembre 2012
|
|
---|---|---|
Page(s) | 332 - 340 | |
Section | Dossier : Process et qualité | |
DOI | https://doi.org/10.1051/ocl.2012.0485 | |
Published online | 15 November 2012 |
Amélioration de l’autonomie énergétique et de l’impact environnemental d’une unité de trituration de tournesol par l’implantation conjointe d’un atelier de décorticage et d’une chaudière à coques
Improving energetic independence and environmental impact of a sunflower crushing plant by implementing a dehulling unit in combination with a hull-burning boiler
SAIPOL Services Centraux, Service Recherche & Développement, Boulevard maritime, 76530 Grand-Couronne, France
Reçu :
19
Septembre
2012
Accepté :
1
Octobre
2012
Abstract
Fibre rich sunflower hulls have always been regarded as having a remarkable calorific value (5 000 kWh/t DM), very close to that of wood. Rising energy costs, emergent environmental concerns, and fitness for use of sunflower derived products have led to a growing interest in the dehulling of sunflower seeds prior to crushing, and burning of hulls in biomass boilers to yield process steam on site. This was made possible by prominent technological improvements in boiler technology. The torsional chamber technology exhibits good performances in full combustion of sunflower hulls, allowing for a high efficiency, a great flexibility, and a limited emission of pollutants. Yet, fumes may still have to be post-treated to ensure compliance with stringent restrictions in dust emissions. Being a robust and versatile technology, the torsional chamber is able to cope with a feedstock quality varying to a certain extent. The general design of a crushing plant fitted with a dehulling unit is impacted dramatically and becomes very sensitive to variations in hullability of the incoming seeds. Hull content and size of the seeds are correlated positively to hullability; moisture, density and oil content being correlated negatively. Hullability is affected mostly by environmental effects, cultivars being responsible for it to a lesser extent. Thus, hullability is impacted by upstream practices in plant breeding, field, and grain elevator management. Success in an efficient hulling strategy not only depends on the use of relevant technologies on processing plants, but also relies on knowledge of the seed and meal customer needs, as well as on concerted actions at various levels along the sunflower chain.
Key words: sunflower / dehulling / biomass / boiler / process / seed quality
© John Libbey Eurotext 2012
Après avoir longtemps été la principale source de production d’énergie accompagnant le développement des activités artisanales et industrielles au cours des siècles, la biomasse est quelque peu tombée en désuétude avec l’avènement des combustibles fossiles au tournant du dix-neuvième siècle, et plus encore tout au long du vingtième siècle. Toutefois, la raréfaction des ressources, le renchérissement des matières premières et la spéculation, ainsi que la recherche d’une intégration plus harmonieuse des activités humaines dans leur environnement suscitent aujourd’hui de profondes remises en cause du modèle industriel fondé sur les énergies fossiles. Ainsi, la biomasse suscite un fort regain d’intérêt soutenu par des progrès techniques significatifs permettant une valorisation à grande échelle de ressources renouvelables variées et disponibles localement, mais dont les caractéristiques peuvent parfois se révéler très hétérogènes et variables. Le transport et la conservation de cette biomasse s’avérant parfois complexe, ces nouveaux développements sont bien souvent accompagnés par la mise en place d’une logistique de valorisation de proximité. En outre, l’industrie de la nutrition animale est également à la recherche de sources de protéines d’origine locale pouvant se substituer au tourteau de soja d’importation dont elle est encore très dépendante.
Dans ce contexte, le décorticage du tournesol pour la valorisation énergétique des coques connaît aujourd’hui de nouvelles perspectives de développement, permettant la valorisation à grande échelle d’une biomasse régionale annuellement renouvelable présentant parfois une forte variabilité selon les années et les origines, ce qui pose malgré tout d’évidents défis industriels et technologiques. D’après Borredon et al. (2011), 75 à 80 % de la trituration mondiale de tournesol intègrerait aujourd’hui cette solution technique, encore très peu présente en Europe occidentale.
De nouveaux enjeux dans un contexte favorable
La loi dite « Grenelle 1 » (JORF, 2009) définit les fondements d’un appui au développement des énergies renouvelables en prévoyant la mise en place d’un « fonds de soutien au développement de la production et de la distribution de chaleur d’origine renouvelable ». Elle prévoit également la contribution de l’Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie (ADEME) dans l’aide au développement des énergies renouvelables. La Loi Grenelle 1 affirme le caractère renouvelable de la biomasse et introduit également sa définition dans la loi de programme fixant les orientations de la politique énergétique, stipulant « La biomasse est la fraction biodégradable des produits, déchets et résidus provenant de l’agriculture, y compris les substances végétales et animales issues de la terre et de la mer, de la sylviculture et des industries connexes, ainsi que la fraction biodégradable des déchets industriels et ménagers. » (JORF du, 2009). La loi Grenelle 2 (JORF, 2010) réaffirme et concrétise l’engagement de la Loi Grenelle 1, modifiant notamment le Code de l’Environnement de façon à introduire les schémas régionaux du climat, de l’air, et de l’énergie valant schémas régionaux des énergies renouvelables au sens de la loi Grenelle 1, et élaborés conjointement par les préfets de régions et les conseils régionaux. Ces derniers définissent « par zones géographiques, les objectifs qualitatifs et quantitatifs à atteindre en matière de valorisation du potentiel énergétique terrestre, renouvelable et de récupération et en matière de mise en œuvre de techniques performantes d’efficacité énergétique telles que les unités de cogénération, notamment alimentées à partir de biomasse, conformément aux objectifs issus de la législation européenne relative à l’énergie et au climat » (JORF du, 2010). Dans ce contexte, les unités de production d’énergie à base de biomasse trouvent naturellement leur place, répondant ainsi à des attentes environnementales et sociétales fortes exprimées par le Grenelle Environnement.
L’akène de tournesol : source d’huile, de protéines et de biomasse
La « graine » de tournesol (figure 1) n’est pas une graine au sens botanique du terme, mais un akène constitué d’une coque (péricarpe) renfermant une amande (endocarpe). Un fin tégument blanchâtre (testa) situé à l’interface entre l’amande et la coque sépare ces dernières en adhérant plus ou moins à l’une et/ou l’autre de ces deux fractions. La graine du tournesol oléagineux, de couleur uniformément sombre, renferme une amande riche en huile et comporte une coque pouvant représenter de 20 à 29 % de la masse totale de la graine (Grompone, 2005; Dreher et al., 1983). La composition sur matière sèche (MS) des fractions de la graine rapportée dans le tableau 1 révèle de très nettes différences de composition entre ces dernières. L’amande est principalement constituée d’huile et de protéines, alors que la coque est principalement constituée de fibres et renferme très peu de protéines et de matières grasses. Par ailleurs, il convient également de noter la richesse en silicium de la fraction coque (de l’ordre de 340 mg/kg MS). Très abrasive, cette dernière peut être responsable d’une usure accélérée du matériel au contact. En outre, la matière grasse présente dans la coque à hauteur de 3 % est constituée d’une fraction non négligeable d’acides gras à très longues chaînes (Earle et al., 1968), ainsi que de cires pour 0,5 % de la masse des coques (Bazus et al., 1992).
![]() |
Figure 1. Structure d’un akène de tournesol en coupe transversale. |
Composition des fractions de la graine du tournesol oléagineux et de l’amande déshuilée (d’après Grompone, 2005).
Principalement constituées de cellulose et très pauvres en matières azotées et en eau, les coques de tournesol (figure 2) constituent une biomasse particulièrement intéressante en valorisation énergétique. La composition en fibres des coques (cellulose, pentosanes et lignine) se rapproche de celle de la paille de blé ou de la bagasse de canne à sucre mais se démarque par une proportion légèrement plus élevée de lignine (Earle et al., 1968) et par sa richesse en silice. Le pouvoir calorifique inférieur des coques mesuré sur matière sèche (PCI anhydre) est de l’ordre de 18 000 kJ/kg (5 000 kWh/t), soit un PCI anhydre équivalent à celui généralement mesuré sur les bois (Demir et al., 2005). Toutefois, l’humidité des coques de tournesol (12 à 14 %) est bien plus faible et moins variable que celle des bois. Dans la mesure où l’humidité pénalise fortement le PCI, les coques disposent donc d’un net avantage au niveau du PCI mesuré sur brut.
![]() |
Figure 2. Coques de tournesol (entières) issues du décorticage du tournesol oléagineux : © Cédric Helsly. |
Ainsi, la graine de tournesol constitue non seulement une source d’huile et de protéines, mais également d’énergie sous forme de biomasse dès lors que le triturateur dispose d’un atelier de décorticage et d’une chaudière adaptée. Dans ce cas, la biomasse est de fait approvisionnée simultanément à la matière première car elle constitue elle-même l’un des coproduits générés par le site (cas de figure comparable à celui de l’utilisation de la bagasse en sucrerie). Ceci constitue un avantage non négligeable sur le plan logistique dans la mesure où l’approvisionnement en biomasse ne nécessite pas de filière d’approvisionnement ni de stockage spécifiques, et ne requiert pas la mise en place d’une expertise commerciale spécifique. En outre, la séparation des coques contribue à concentrer significativement les protéines dans les tourteaux, qui sont ainsi bien mieux adaptés aux besoins en protéines des filières animales (Borredon et al., 2011). Toutefois, la gestion des excédents de coques éventuels doit être anticipée par l’industriel. La rentabilité du décorticage repose ainsi sur un équilibre entre la valeur ajoutée du tourteau concentré en protéines, le prix du tourteau non décortiqué, et le prix de la biomasse.
Intégration industrielle du décorticage et d’une chaudière biomasse
L’intégration d’un atelier de décorticage de tournesol (figure 3) présente plusieurs avantages dans la conduite de l’huilerie. En effet, la séparation des coques du flux principal diminue considérablement le volume de matière à triturer et augmente donc la capacité de l’usine en proportion. Débarrassée d’une partie des coques, cette matière est également beaucoup moins abrasive pour le matériel et on peut s’attendre à une diminution des frais de maintenance et de la consommation électrique en aval, en particulier au niveau des aplatisseurs, des presses à huile mais aussi des presses à granuler (Laisney, 1984).
![]() |
Figure 3. Intégration d’un décorticage en trituration. |
La graine de tournesol propre est généralement éclatée au moyen d’un décortiqueur centrifuge à impacts visant à briser le plus possible de coques en gros fragments, de façon à les séparer des amandes tout en limitant au maximum la production de fines au cours de l’opération. Le mélange obtenu est ensuite tamisé pour séparer les fines et graines décortiquées des plus grosses particules qui demeurent sur le tamis. La faible densité apparente des coques (0,1) au regard de celle du mélange de graines décortiquées (0,4) permet de séparer les coques par aspiration au cours du tamisage. À l’issue de cette opération, les plus grosses particules demeurant sur le tamis sont généralement des graines non décortiquées qui sont bien souvent recyclées en amont des décortiqueurs (figure 4).
![]() |
Figure 4. Organisation d’un atelier de décorticage type. |
Les coques constituent un combustible particulièrement intéressant non seulement pour leur PCI élevé mais également du fait de la relative stabilité de leur qualité en sortie du décorticage. Cependant, les coques produites par l’atelier de décorticage peuvent représenter un volume très important compte tenu de leur faible poids spécifique en sortie du décorticage (100 kg/m3). Avec un taux de production de coques de l’ordre de 15 % en masse de la graine mise en œuvre, une tonne de graine d’un volume de l’ordre de 2,3 m3 génère de l’ordre de 2,2 m3 de graine décortiquée et 1,5 m3 de coques : soit 1 500 m3 par millier de tonnes de graine travaillée. En outre, la manipulation et la transformation des coques présentent des difficultés importantes compte tenu de leur faible densité, ainsi que leur haute teneur en fibres et en silicium (Beal et al., 1981).
En dépit de leur intérêt manifeste en tant que biomasse, les coques sont donc bien souvent valorisées directement sur site. Sur le plan économique, il s’agit malgré tout de la meilleure valorisation attendue dans la mesure où le prix de valorisation énergétique est relativement élevé et directement corrélé au prix de l’énergie de substitution (bien souvent le gaz).
Selon les besoins en énergie thermique du site, la consommation locale de biomasse peut ainsi représenter de 30 à 100 kg de coques par tonne de graine triturée, voire davantage en cas de production d’électricité par turbinage. Toutefois le taux de coques à produire est susceptible de varier fortement pour s’adapter à la qualité des graines triturées afin de pouvoir garantir le taux de protéines désiré sur le tourteau. Si les besoins en coques du site demeurent constants, l’excédent de biomasse disponible pour un marché externe sera donc variable dans le temps en fonction de la qualité des graines : la gestion des excédents de coques, dont la densité est très faible, devient alors un exercice ardu pour l’industriel.
Technologies pour une combustion optimale des coques
Il existe une grande variété de technologies de chaudières biomasse (chaudière sur grilles, à lit fluidisé, etc.) plus ou moins bien adaptées à la combustion de cette dernière selon ses caractéristiques. Les coques de tournesol constituant une biomasse relativement sèche (humidité inférieure à 15 %), et dont la granulométrie est fine (jusqu’à 20mm de diamètre), les chaudières à chambre cycloniques constituent une solution particulièrement adaptée à leur valorisation en production de vapeur.
La chambre cyclonique installée par les sociétés SIL et Berkes (figure 5) et exploitée depuis plus de 30 ans en Amérique du Sud, constitue une évolution des fours cycloniques autrefois employés pour la combustion du charbon. Cette dernière consiste en un cylindre horizontal connecté à la chaudière proprement dite au moyen d’un étranglement conique. L’air alimentant la combustion est envoyé dans la chambre tangentiellement à la paroi de cette dernière et circule en tourbillonnant le long de la paroi, créant une couche limite au sein de laquelle les coques sont introduites. Sous l’effet de ce courant circulaire, les coques progressent au sein de la chambre selon une trajectoire en spirale en direction de l’étranglement conique. Ce dernier a pour effet de refouler dans le flux d’air cyclonique les particules de trop grande dimension, partiellement brûlées, de façon à ne permettre la sortie dans l’axe de la chambre qu’à de très petites particules peu soumises à la force centrifuge et se trouvant à un stade de combustion très avancé. En conséquence, le temps de séjour des particules combustibles dans la chambre se trouve augmenté de plus de 60 fois par rapport à un flux linéaire de chaudière à grilles et s’adapte à l’avancement de la combustion de chaque particule. La chaudière génère ainsi très peu d’imbrûlés et atteint un haut rendement de combustion comparable à ceux de chaudières à gaz.
![]() |
Figure 5. Schéma de principe de la chambre cyclonique (reproduit avec l’aimable autorisation du partenariat SIL/Berkes). |
La chambre elle-même étant constituée de tubes d’acier dans lesquels circule de l’eau, sa conception nécessite très peu de matériaux réfractaires dans la mesure où elle exploite la forte chaleur latente de vaporisation de l’eau. Ceci présente le double avantage d’améliorer significativement les performances de la chaudière en limitant les pertes de chaleur, et d’isoler efficacement le foyer. La chambre cyclonique est associée à une chaudière de récupération d’énergie valorisant la chaleur des gaz de combustion sortant de la chambre (figure 6). Réactive et flexible en matière de taux de charge (de 60 % à 100 %), la chambre cyclonique s’avère une solution très adaptable pour des puissances allant de 750 kW à 30 MW selon le dimensionnement des installations.
![]() |
Figure 6. Chaufferie à coques du site SAIPOL de Lezoux (France) : ©Cédric Helsly. |
Particulièrement adaptée à la valorisation de coques, cette technologie présente de nombreux avantages au regard d’autres technologies disponibles. Le faible excès d’air requis par la chaudière (environ 6 %) et le haut rendement atteint réduisent l’importance des besoins en traitement des fumées et les fréquences de nettoyage et d’entretien de la chaudière. Très blanches, les cendres présentent très peu d’imbrûlés et ne nécessitent pas d’être humidifiées, ce qui contribue à limiter les consommations d’eau et l’impact environnemental, tout en facilitant leur valorisation.
La chaudière émet cependant les rejets caractéristiques et prévisibles des chaudières à biomasse, bien qu’en quantité limitée au regard d’autres types de foyer. La combustion de coques de tournesol émet moins de SOx et de NOx que des combustibles liquides de référence, mais tend à émettre des quantités de poussières supérieures pouvant nécessiter des traitements spécifiques tels des électrofiltres ou filtres à manche (Demir et al., 2005).
Des installations sensibles à la variabilité de l’intrant
Si la technologie de la chambre cyclonique admet une variabilité importante dans les caractéristiques des coques valorisées, l’industriel se doit de demeurer néanmoins très vigilant par rapport à la qualité des coques. L’intégration d’un décorticage modifie profondément la conduite d’une unité de trituration. Ainsi, l’atelier de décorticage constitue bien souvent le goulot d’étranglement qui détermine le fonctionnement du reste de l’unité. En particulier, un ajustement régulier du taux de décorticage rendu nécessaire pour s’adapter à la variabilité de la graine travaillée afin de garantir les spécifications des produits modifie la répartition des flux au sein de l’unité et impacte les tonnages produits et rendements matières à différents niveaux, ce qui introduit un degré de complexité supplémentaire dans le fonctionnement de l’unité et la gestion des flux logistiques.
Un taux de décorticage poussé au niveau de l’atelier de décorticage/séparation augmente le risque de perte d’amandes dans les coques sous forme de fines et de brisures, dégradant très rapidement le bilan de l’extraction et la rentabilité globale de l’activité (Laisney, 1984). L’augmentation de la vitesse de rotation d’un décortiqueur permet en effet d’augmenter le taux de décorticage, mais s’accompagne d’une augmentation de la proportion de fines d’amandes générées lors de l’opération (Subramanian et al., 1990). Au niveau de la séparation, une augmentation de la proportion de coques séparées s’accompagne également d’une élévation de la proportion de brisures d’amandes dans le flux de coques : il appartient donc à l’industriel de prévenir toute dérive et de déterminer un équilibre optimal entre le taux de décorticage et le taux de récupération des amandes en fonction de ses objectifs (Tranchino et al., 1984). La présence de fragments d’amandes dans les coques doit être évitée : l’huile induirait alors un risque de formation d’acroléine par décomposition thermique de la matière grasse, et entraînerait également une température de combustion beaucoup plus importante dans le foyer pouvant endommager la chaudière, particulièrement l’instrumentation et les matériaux réfractaires. La présence simultanée de protéines dans la chaudière présenterait aussi un risque d’émission de substances indésirables dans les fumées : oxydes d’azote (NOx) et composés organiques volatiles (COV).
Un taux de décorticage faible augmente le risque de dévaloriser le tourteau dans la mesure où un tourteau de tournesol trop faiblement concentré en protéines pourrait être considéré principalement comme une source de fibres et non de protéines, lui faisant perdre beaucoup de son intérêt en nutrition animale, tout particulièrement chez les animaux monogastriques (Borredon et al., 2011; Perez et al., 1986). Or, une bonne valorisation économique du tourteau demeure indispensable à la rentabilité globale d’une installation de décorticage et de combustion de biomasse.
Il est donc crucial pour l’industriel de déterminer une spécification du tourteau en adéquation avec les besoins de ses clients et la gestion des excédents de coques, et de demeurer vigilant sur le taux de décorticage afin de garantir cette spécification en toutes circonstances tout en minimisant les pertes d’amandes dans les coques.
La maîtrise de la qualité des matières premières : un enjeu majeur
La variabilité de la composition et des caractéristiques de la graine est importante (Dreher et al., 1983; Denis et Vear, 1994). De ce point de vue, la maîtrise de la variabilité de la graine constitue un enjeu majeur dans la mesure où de nombreux facteurs peuvent impacter les performances du décorticage ou de la séparation. Les corrélations entre l’aptitude au décorticage des graines et leurs autres caractéristiques ont été largement étudiées. L’aptitude au décorticage augmente généralement avec la taille des graines (Dedio, 1993; Denis et al., 1994b; Denis et Vear, 1996; Nel, 2001, Subramanian et al., 1990), mais elle diminue avec la densité de la graine (Dedio et Dorell, 1989; Dedio, 1993; Tranchino et al., 1984). Dedio et Dorell (1989) considèrent qu’une épaisseur de 3,2 à 4 mm constitue un bon compromis entre aptitude au décorticage et facilité de manutention. Tranchino et al. (1984) rapportent que le décorticage devient difficile au-delà d’une densité apparente de 0,4 kg/L : une faible densité traduit l’existence d’un vide entre l’amande et la coque qui facilite le décorticage. La teneur en humidité constitue ainsi un facteur important : les graines sèches se décortiquant plus facilement du fait d’une plus grande rigidité de la coque qui devient cassante (Sharma et al., 2009) et du décollement de l’amande lors de son séchage (Gupta et Das, 1999; Nel, 2001; Subramanian et al., 1990; Tranchino et al., 1984). L’aptitude au décorticage augmente également avec la teneur en coques de la graine (Dedio, 1993; Denis and Vear, 1996; Pritchard, 1983), toutefois elle diminue avec sa teneur en huile (Dedio et Dorell, 1989; Dedio, 1993; Denis, Dominguez, et al., 1994b. Denis and Vear, 1996; Nel, 2001). Cependant, Denis et Vear (1994a) suggèrent que l’observation au microscope optique des tissus de graines de tournesol pourrait permettre d’identifier des génotypes présentant une bonne aptitude au décorticage et combinant teneur en huile élevée et teneur en coques faible, ces variétés pouvant présenter un intérêt non négligeable en amélioration variétale.
En huilerie, on retiendra également l’importance d’une faible teneur en impuretés des lots commerciaux, l’impact négatif de la présence d’impuretés se trouvant amplifié dans le cadre de l’exploitation d’un décorticage dans la mesure où les impuretés sont fortement concentrées dans le tourteau. Les impuretés diminuent la teneur en protéines du tourteau et augmentent sa teneur en fibres. En outre, la présence de graines toxiques et réglementées telles que Datura sp. (JOUE, 2011) constitue un risque sanitaire. À ce titre, il n’est pas inutile de rappeler que l’Addendum technique no VI des formules INCOGRAIN (Syndicat de Paris, 1999), stipule que la norme en matière d’impuretés est fixée à 2 %, les lots étant toutefois refusables au-delà de 5 %. On constate en effet malgré tout que les teneurs en impuretés peuvent excéder régulièrement la norme de 2 %. Au vu de l’ensemble des caractéristiques considérées, le tableau 2 reprend les principales caractéristiques recherchées dans le cadre du décorticage du tournesol en huilerie.
Caractéristiques des graines de tournesol présentant un intérêt dans le cadre d’une trituration avec décorticage.
En ce qui concerne l’aptitude au décorticage, les facteurs pédoclimatiques et les itinéraires culturaux sont prédominants sur le facteur génétique (Dedio et Dorell, 1989; Denis et al., 1994c; Nel, 2001). En outre, les interactions génotype × milieu peuvent être importantes et variables, en particulier en présence d’un stress hydrique (Dedio et Dorell, 1989; Denis and Vear, 1994).
Une amélioration en filière
La variabilité importante de la graine requiert la mise au point de solutions techniques à différents niveaux permettant de la lisser et d’en limiter les conséquences chez le triturateur. Elle passe ainsi nécessairement par une démarche coordonnée et déclinée aux différents niveaux de la filière de valorisation : allant de l’acquisition de connaissances relatives à la biologie du tournesol jusqu’à l’utilisation des produits, en passant par un effort en matière d’amélioration des variétés, mais également des pratiques agricoles, de travail du grain, et des technologies mises en œuvre.
Denis ed Vear (1994) mettent en évidence que l’aptitude au décorticage constitue un caractère présentant une bonne héritabilité et stabilité sur les populations étudiées, suggérant d’envisager plus largement l’étude de l’aptitude au décorticage en sélection pour confirmer ces résultats. Il semble que l’aptitude au décorticage puisse être améliorée à terme au moyen de méthodes classiques pour peu qu’un effort soit mené sur l’identification de lignées présentant par exemple simultanément de fortes teneurs en huile et une bonne aptitude au décorticage (Denis and Vear, 1994; Nel, 2001). Denis and Vear (1996) démontrent ainsi qu’une sélection est pertinente et envisageable sur l’aptitude au décorticage, et proposent des stratégies de sélection pour y parvenir.
Compte tenu de l’importance du facteur pédoclimatique, on ne saurait trop insister sur le rôle prépondérant de conduites culturales mieux adaptées et d’une meilleure connaissance des milieux de culture. Il existe à ce titre un potentiel de progression important, défi que la filière française est à même de relever du fait de son organisation (Jouffret et al., 2011). Les conduites actuelles peuvent en effet être largement améliorées, en particulier selon les pistes identifiées par Jouffret et al., (2011). En matière de pratiques de récolte et de travail du grain, il existe certainement une marge de progression pour une meilleure gestion des impuretés (Borredon et al., 2011). En particulier, la hauteur élevée de la barre de coupe et un réglage approprié de la batteuse et des nettoyeurs chez l’organisme stockeur devraient permettre d’assurer sans pertes significatives de très faibles teneurs en impuretés sur tournesol (Pritchard, 1983).
Conclusion
Les progrès significatifs en matière de technologie de chaudière ont suscité un nouvel intérêt pour le décorticage et la valorisation énergétique des coques avec le renchérissement de l’énergie et des attentes sociétales fortes. Les chaudières disponibles sont aujourd’hui performantes et le décorticage en huilerie présente de nombreux atouts pour l’ensemble de la filière : autonomie et maîtrise des coûts énergétiques, impact environnemental réduit, amélioration de la valeur intrinsèque des produits (tourteaux et huiles), limitation de la dépendance en énergie et protéine, intérêt accru pour le tournesol.
Toutefois, le fait d’implanter ces nouveaux ateliers introduit des changements importants dans la conduite de l’huilerie et en particulier dans la gestion de la variabilité de la graine. Ces ateliers posent ainsi de nouveaux défis devant être traités non seulement chez le triturateur au moyen de choix technologiques adaptés, mais également en amont : métier du grain, itinéraires culturaux, connaissance de la biologie du tournesol, des milieux de culture, et sélection variétale. La compétitivité d’une stratégie de décorticage dépend des choix techniques effectués en amont, impactant l’aptitude de la graine à être valorisée et sa variabilité. En outre, la viabilité de l’activité doit être raisonnée dans son ensemble car elle dépend de sa capacité à répondre non seulement à un besoin énergétique, mais également aux attentes des filières de nutrition animale. La détermination du taux de décorticage optimal permettant valorisation des tourteaux et gestion des excédents de coques est à ce titre un point crucial du succès de stratégies de décorticage. Or, si des technologies de combustion performantes sont disponibles et si le potentiel de valorisation énergétique des coques est aujourd’hui bien connu, de nombreuses incertitudes demeurent encore sur le potentiel de valorisation des tourteaux selon les taux de décorticage pratiqués.
Remerciements
Les auteurs remercient les collaborateurs SAIPOL de Lezoux et Bassens pour leur contribution, ainsi que les sociétés SIL/Berkes/De Smet engineers et Contractors pour leur support à la rédaction de cet article et leur aimable autorisation pour la reproduction de la figure 5.
Conflits d’intérêts
Sylvain Tostain, Pierre Chervier, Alain Laulan et Thomas Kermorgant sont salariés de la société SAIPOL.
Références
- Bazus A, Rigal L, Gaset A. Valorisation des coques de tournesol : bilan et perspectives : mise au point. Rev Fr des Corps Gras 1992 ; 39 : 345–350. [Google Scholar]
- Beal L. Valorisation des sous-produits de l’industrie des corps gras -II- Les coques de tournesol. Rev Fr des Corps Gras 1981 ; 4 : 56–57. [Google Scholar]
- Borredon ME, Berger M, Dauguet S, et al. Débouchés actuels et futures du tournesol produit en France – Critères de qualité. Innovations Agronomiques 2011 ; 14 : 19–38. [Google Scholar]
- Dedio W. Regression model relating decortication of oilseed sunflower hybrids with achene characteristics. Can J Plant Sci 1993 ; 73 : 825–828. [CrossRef] [Google Scholar]
- Dedio W, Dorell DG. Factors affecting the hullability and physical characteristics of sunflower achenes. Can Inst Food Sci Technol J 1989 ; 22 : 143–146. [CrossRef] [Google Scholar]
- Demir G, Nemlioglu S, Yazgic U, Dogan EE, Bayat C. Determination of some important emissions of sunflower oil production industrial wastes incineration. J Sci Ind Res 2005 ; 64 : 226–228. [Google Scholar]
- Denis L, Coelho V, Vear F. Pericarp structure and hullability in sunflower inbred lines and hybrids. Agron Sustainable Dev 1994a ; 14 : 453–461. [Google Scholar]
- Denis L, Dominguez J, Baldini M, Vear F. Genetical studies of hullability in comparison with other sunflower seed characteristics. Euphytica 1994b ; 79 : 29–38. [CrossRef] [Google Scholar]
- Denis L, Dominguez J, Vear F. Inheritance of ‘Hullability’ in Sunflowers (Helianthus annuus L). Plant Breeding 1994c ; 113 : 27–35. [CrossRef] [Google Scholar]
- Denis L, Vear F. Environmental effects on hullability of sunflower hybrids. Agron Sustainable Dev 1994 ; 14 : 589–597. [Google Scholar]
- Denis L, Vear F. Variation of hullability and other seed characteristics among sunflower lines and hybrids. Euphytica 1996 ; 87 : 177–187. [CrossRef] [Google Scholar]
- Dreher ML, Roath WW, Holm ET, D’Appolonia B. Yield, Characteristics and Composition of Oil-Type Hybrid Sunflower Seed Grown in North Dakota. J Am Oil Chem Soc 1983 ; 60 : 1876–1877. [CrossRef] [Google Scholar]
- Earle FR, Vanetten CH, Clark TF, Wolff IA. Compositional data on sunflower seed. J Am Oil Chem Soc 1968 ; 60 : 1876–1877. [Google Scholar]
- Grompone MA. Sunflower oil. In: Shahidi F (Ed.), Bailey’s industrial Oil and Fat Products 6th ed (Volume 2: Edible Oil and Fat Products : Edible Oils). Hoboken (USA) : John Wiley & Sons, Inc., 2005. [Google Scholar]
- Gupta RK, Das SK. Performance of centrifugal dehulling system for sunflower seeds. J Food Eng 1999 ; 42 : 191–198. [CrossRef] [Google Scholar]
- JORF du 05/08/2009. Loi no 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement. [Google Scholar]
- JORF du 13/07/2010. Loi no 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement. [Google Scholar]
- JOUE du 17/06/2011. série L, no 159/7, version française. Règlement No 574/2011 de la Commission du 16 juin 2011 modifiant l’annexe I de la directive 2002/32/CE du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les teneurs maximales applicables au nitrite, à la mélamine, à Ambrosia spp. et au transfert de certains coccidiostatiques et histomonostatiques, et établissant une version consolidée de ses annexes I et II. [Google Scholar]
- Jouffret P, Labalette F, Thibierge J. Atouts et besoins en innovations du tournesol pour une agriculture durable. Innovations Agronomiques 2011 ; 14 : 1–17. [Google Scholar]
- Laisney J. L’Huilerie Moderne. Paris : Compagnie Française pour le Développement des fibres Textiles, 1984. [Google Scholar]
- Nel AA. Determinants of sunflower seed quality for processing (Thèse). Pretoria (Afrique du Sud) : Faculty of Natural and Agricultural Sciences, 2001. [Google Scholar]
- Perez JM, Bourdon D, Baudet JJ, Evrard J. Prévision de la valeur énergétique des tourteaux de tournesol à partir de leurs teneurs en constituants pariétaux. Journées de la recherche porcine 1986 ; 18 : 35–46. [Google Scholar]
- Pritchard JR. Oilseed Quality Requirements for Processing. J Am Oil Chem Soc 1983 ; 60 : 275A–284A. [CrossRef] [Google Scholar]
- Sharma R, Sogi DS, Saxena DC. Dehulling performance and textural characteristics of unshelled and shelled sunflower (Helianthus annuus L.) seeds. J Food Eng 2009; 92 : 1–7. [CrossRef] [Google Scholar]
- Subramanian R, Shamanthaka Satry MC, Venkateshmurthy K. Impact dehulling of sunflower seeds : Effect of operating conditions and seed characteristics. J Food Eng 1990 ; 12 : 83–94. [CrossRef] [Google Scholar]
- Syndicat de Paris du commerce et des industries des grains. Addendum technique no VI pour la vente des graines oléagineuses de colza et de tournesol originaires de la CEE, 1999. [Google Scholar]
- Tranchino L, Melle F, Sodini G. Almost complete dehulling of high oil sunflower seed. J Am Oil Chem Soc 1984; 61 : 1261–1265. [CrossRef] [Google Scholar]
Pour citer cet article : Tostain S, Chervier P, Laulan A, Kermorgant T. Amélioration de l’autonomie énergétique et de l’impact environnemental d’une unité de trituration de tournesol par l’implantation conjointe d’un atelier de décorticage et d’une chaudière à coques. OCL 2012 ; 19(6) : 332–340. doi : 10.1051/ocl.2012.0485
Liste des tableaux
Composition des fractions de la graine du tournesol oléagineux et de l’amande déshuilée (d’après Grompone, 2005).
Caractéristiques des graines de tournesol présentant un intérêt dans le cadre d’une trituration avec décorticage.
Liste des figures
![]() |
Figure 1. Structure d’un akène de tournesol en coupe transversale. |
Dans le texte |
![]() |
Figure 2. Coques de tournesol (entières) issues du décorticage du tournesol oléagineux : © Cédric Helsly. |
Dans le texte |
![]() |
Figure 3. Intégration d’un décorticage en trituration. |
Dans le texte |
![]() |
Figure 4. Organisation d’un atelier de décorticage type. |
Dans le texte |
![]() |
Figure 5. Schéma de principe de la chambre cyclonique (reproduit avec l’aimable autorisation du partenariat SIL/Berkes). |
Dans le texte |
![]() |
Figure 6. Chaufferie à coques du site SAIPOL de Lezoux (France) : ©Cédric Helsly. |
Dans le texte |
Current usage metrics show cumulative count of Article Views (full-text article views including HTML views, PDF and ePub downloads, according to the available data) and Abstracts Views on Vision4Press platform.
Data correspond to usage on the plateform after 2015. The current usage metrics is available 48-96 hours after online publication and is updated daily on week days.
Initial download of the metrics may take a while.