Issue |
OCL
Volume 19, Number 4, Juillet-Août 2012
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Page(s) | 216 - 222 | |
Section | Dossier : Absorption intestinale des lipides | |
DOI | https://doi.org/10.1051/ocl.2012.0457 | |
Published online | 15 July 2012 |
Exploration du statut vitaminique A
Vitamin A status assessment
1
INRA, U1260 « Nutrition, Obésité et Risque Thrombotique », Faculté de Médecine, 27 Boulevard Jean-Moulin, 13385
Marseille Cedex 5, France
2
INSERM, U1062, Marseille, F-13385, France
3
Aix-Marseille Université, Marseille, F-13385, France
Reçu :
4
Mai
2012
Accepté :
10
Mai
2012
Abstract
Vitamin A deficiency is still a major health issue in developing countries but remains scarce in western countries. However, vitamin A sub-deficiencies are still observed in western countries, mainly related to pathophysiological deseases (lipid malabsorption, liver diseases. . .). Seldom cases of hypervitaminosis are also observed after consumption of excessive doses of vitamin A. Signs of vitamin A deficiency or excessive intake only occur very late and early indicators for assessing abnormal vitamin A status have been elaborated. The best indicator is liver vitamin A concentration, nevertheless it is rarely used as it requires a biopsy. The mostly used indicator is blood retinol concentration, even if it is challenged because of its sensitivity to numerous factors. Indicators are based on i) clinical signs of vitamin A deficiency, e.g. hemeralopia, ii) functional methods, e.g. dark adaptative test, iii) blood and tissue molecular markers, e.g. blood retinol concentration, and iv) vitamin A load tests, e.g. relative dose response test. Interpretation of these indicators results has to be done with an acute knowledge of the sensitivity limits and the interfering factors. Choosing the adequate indicator according to the assumed vitamin A status and the expected confounding factors appears to be essential. It is also recommended to cross the results of several indicators to have a better assessment of vitamin A status.
Key words: retinol / hypervitaminosis / sub-deficiency / relative dose response / eye / liver
© John Libbey Eurotext 2012
La carence en vitamine A est toujours un problème majeur de santé publique dans les pays les moins avancés mais reste rare dans les pays industrialisés. Néanmoins, des subdéficiences sont encore observées dans ces derniers, notamment du fait de certaines conditions physiopathologiques (malabsorption des lipides, hépatopathies…). Des cas d’hypervitaminose A sont aussi, bien que très rarement, observés suite à des consommations excessives de vitamine A. Les signes cliniques d’une insuffisance ou d’un excès d’apport ne se manifestent que très tardivement et de nombreux indicateurs ont été imaginés pour évaluer le statut vitaminique A de manière plus précoce. L’indicateur de référence est la concentration hépatique de vitamine A, mais c’est aussi le plus rarement utilisé du fait qu’il nécessite une biopsie. Le plus employé est la rétinolémie sanguine, bien qu’il soit très critiqué en raison de sa sensibilité à de nombreux facteurs. Les indicateurs se basent i) sur les signes cliniques de la carence en vitamine A, e.g. héméralopie, ii) sur des méthodes fonctionnelles, e.g. test d’adaptation à l’obscurité, iii) sur des marqueurs moléculaires sanguins et tissulaires, e.g. rétinolémie, et iv) sur des tests de charge en vitamine A, e.g. « relative dose response ». L’interprétation des résultats de ces indicateurs est complexe et doit être faite en connaissant bien les limites de leur sensibilité et les facteurs d’interférence. Il s’avère essentiel de choisir l’indicateur adéquat en fonction du statut supposé et des facteurs confondants suspectés. Il est par ailleurs souhaitable de croiser les résultats de plusieurs indicateurs pour espérer appréhender au mieux le statut vitaminique A.
La vitamine A est présente dans notre alimentation essentiellement sous forme de rétinyl esters, retrouvés principalement dans les aliments d’origine animale (beurre, lait, foie…), et sous forme de caroténoïdes provitaminiques A (les principaux étant le bêta-carotène, l’alpha-carotène et la bêta-cryptoxanthine) présents essentiellement dans les aliments d’origine végétale. Ce n’est pas l’objet de cet article de décrire l’ensemble des fonctions biologiques de la vitamine A chez l’homme (Biesalski et Nohr, 2003 ; Stephensen, 2001 ; Zile, 2001). Néanmoins, dans la mesure où cette revue a pour ambition de faire un état de l’art des principales méthodes d’évaluation du statut vitaminique A, et pour comprendre pourquoi plusieurs méthodes de mesures de ce statut sont en relation avec l’état physiopathologique de l’œil et la vision, il est important de rappeler qu’elle est essentielle dans la fonction visuelle. En effet, c’est l’isomérisation du 11-cis rétinal en tout-trans rétinal sous l’effet des rayons lumineux qui est responsable du déclenchement de l’influx nerveux aboutissant à la vision.
La carence en vitamine A est toujours un problème majeur de santé publique dans de nombreux pays les moins avancés. On estime en effet que 140 à 250 millions d’enfants en âge préscolaire sont à risque de carence subclinique, qu’environ 3 millions ont une carence clinique, et qu’environ 1 million meurent chaque année avec des signes de carence (OMS, 1995). Par contre cette carence est exceptionnelle dans les pays industrialisés, et les problèmes rencontrés sont plutôt des cas de subdéficience, dus par exemple à certaines pathologies (malabsorption lipidique, hépatopathie…), et des cas d’hypervitaminose, dus à une consommation excessive de vitamine A. L’état de subdéficience est un statut non carencé et n’entraînant pas l’apparition de signes cliniques, mais ne permettant pas un fonctionnement optimal de l’organisme et/ou augmentant l’incidence de certaines pathologies. Le choix de la méthode d’évaluation du statut vitaminique A dépend du niveau estimé de déficience en vitamine A, de la facilité à la mettre en œuvre, de son coût, de la cible visée (un individu ou une population)… En règle générale les méthodes fonctionnelles (signes cliniques, essentiellement ophtalmologiques) sont utilisées quand on soupçonne une carence importante ou une hypervitaminose aiguë, les dosages sanguins servent à détecter une sub-déficience ou une hypervitaminose modérée, et des tests plus spécifiques (test « relative dose response », dilution isotopique…) ou des dosages de vitamine A hépatique servent à poser un diagnostic définitif.
Méthodes d’évaluation du statut vitaminique A
La vitamine A étant exclusivement apportée par l’alimentation, on pourrait penser qu’une enquête alimentaire pourrait permettre d’estimer le statut vitaminique A en mesurant la différence entre la quantité ingérée et les besoins de l’individu en fonction de sa classe d’âge (tableau 1). Malheureusement cette méthode n’est pas fiable, sauf en cas de carence d’apport manifeste, car les teneurs en vitamine A dans les aliments (Fitzpatrick et al., 2012), la bioaccessibilité (Reboul et al., 2006), ainsi que le taux de conversion des caroténoïdes provitaminiques (Lobo et al., 2011), dépendent de nombreux paramètres et sont très variables (Borel, 2003 ; Borel, 2012). Il faut donc se retourner vers des dosages sanguins ou tissulaires, des méthodes fonctionnelles, ou des tests de charge en vitamine A qui utilisent certaines propriétés du métabolisme de la vitamine A.
Apports nutritionnels conseillés en vitamine A pour la population française (Martin, 2001)*
Les marqueurs moléculaires du statut vitaminique A
Les marqueurs sanguins
Pour comprendre pourquoi seules certaines formes moléculaires circulantes de la vitamine A peuvent être utilisées pour évaluer le statut vitaminique A, il est essentiel de connaître le métabolisme de la vitamine A à partir de son lieu d’absorption, assumé être le duodénum et/ou le jéjunum, vers ses sites d’action, l’œil et de nombreux tissus (D’Ambrosio et al., 2011). Après absorption, les rétinyl esters, et une fraction des caroténoïdes provitaminiques A (fraction qui est variable en fonction de plusieurs facteurs dont le statut vitaminique A et les variations interindividuelles d’activité de l’enzyme de conversion (Lobo et al., 2011, Lobo et al., 2010 ; Leung et al., 2009), sont convertis en rétinol qui est la principale forme de vitamine A qui circule dans le sang et qui est donc souvent utilisé comme marqueur du statut vitaminique. Le rétinol est associé à une protéine de transport spécifique, la « retinol-binding protein » (RBP), qui est elle-même associée à la transthyrétine (TTR). Ces deux protéines sont donc utilisées comme marqueur du statut vitaminique A. Il faut néanmoins préciser qu’elles sont aussi utilisées comme marqueurs de malnutrition protéique et d’inflammation, ce qui montre leur sensibilité à d’autres facteurs que le statut vitaminique A. On retrouve aussi dans le sang plusieurs précurseurs et métabolites du rétinol : 1) la fraction de caroténoïdes provitaminiques (β-carotène, α-carotène et β-cryptoxanthine notamment) qui n’a pas été clivée par l’enzyme de conversion, la bêta-carotène monooxygénase 1 (Lobo et al., 2011), et qui est transportée par les lipoprotéines, 2) l’acide rétinoïque, qui est issu de l’oxydation du rétinol, et qui est le métabolite de la vitamine A impliqué dans la régulation génique, et 3) des rétinyl esters qui sont : soit transportés dans les chylomicrons résiduels (mais cela ne se produit qu’en période postprandiale car il s’agit de la principale voie de transport de la vitamine A nouvellement absorbée entre l’intestin et le foie), soit transportés dans des lipoprotéines d’origine hépatique, mais cela ne se produit significativement qu’en cas de pathologie hépatique ou d’hypervitaminose A.
Les caroténoïdes provitaminiques A sanguins ne sont pas utilisés pour évaluer le statut vitaminique A car on ne sait pas estimer le pourcentage qui est converti dans l’organisme pour être utilisé sous forme de vitamine A. Pour ce qui est de l’acide rétinoïque, celui-ci est en très faible concentration dans le sang (nmolaire), relativement difficile à doser, peu stable, et n’a jamais été validé comme marqueur de statut. Il n’est donc pas utilisé comme marqueur du statut vitaminique A. Enfin, en ce qui concerne les rétinyl esters sanguins, ceux-ci peuvent être utilisés comme marqueurs d’une consommation excessive de vitamine A, mais il faut s’assurer de l’absence d’hépatopathie et de l’état de jeûne du sujet lors de la prise de sang.
En conclusion, bien que plusieurs précurseurs et métabolites de la vitamine A circulent dans le sang, seuls le rétinol, les protéines de transport du rétinol (RBP et TTR), et les rétinyl esters en cas de suspicion d’hypervitaminose A, sont utilisés pour évaluer le statut vitaminique A.
Dosage du rétinol sanguin
La rétinolémie permet de détecter les carences, mais n’est pas très adaptée pour mettre en évidence des états de sub-déficience car elle est bien régulée jusqu’à ce que les réserves hépatiques soient quasi épuisées. Par ailleurs, elle est étroitement liée à la concentration sanguine en RBP, la protéine de transport sanguin du rétinol, qui peut elle-même être modifiée par d’autres facteurs : e.g. malnutrition protéique, statut martial (Rosales et al., 1999 ; Jang et al., 2000), état inflammatoire, insuffisance rénale… Aussi, bien que le premier réflexe pour évaluer le statut vitaminique A en l’absence de signes cliniques évidents soit de mesurer la rétinolémie, cette mesure doit être complétée avec un marqueur de statut plus fiable (un ou plusieurs tests de charge en vitamine A) pour diagnostiquer définitivement le statut vitaminique A. Le dosage du rétinol sanguin s’effectue généralement par CLHP (chromatographie liquide à haute performance) sur un échantillon de plasma ou de sérum issu d’un prélèvement de sang à jeun. Les valeurs usuelles de la rétinolémie en fonction de l’âge sont données dans le tableau 2 . À noter que des valeurs significativement plus basses sur plasma citraté ont été observées.
Valeurs usuelles de la rétinolémie d’après (Le Moel et al., 2007 )
Dosage de la RBP et de la TTR sanguines
La concentration en RBP circulante et la rétinolémie sont étroitement liées. Aussi a-t-il été proposé d’utiliser la RBP, et plus particulièrement l’holo-RBP (RBP non liée au rétinol), comme marqueur du statut vitaminique A (Filteau et al., 2000). Le dosage se fait généralement par titrage immuno-enzymatique (ELISA). Mais il faut être vigilant, en effet bien qu’une carence en vitamine A entraîne une diminution de la RBP circulante (jusqu’à 50 %), une malnutrition protéique, une infection, une inflammation, ou d’autres facteurs entraînent eux aussi une diminution de la RBP et par conséquence de la rétinolémie. Pour prendre en compte ce problème, il a été proposé de mesurer le rapport RBP/TTR. En effet, dans la mesure où la RBP et la TTR sont toutes les deux également diminuées par l’inflammation, une diminution de ce rapport indiquerait une diminution spécifique de la RBP à cause d’un statut vitaminique A déficient (Rosales et Ross, 1998). Ce test n’est néanmoins pas totalement validé et pas couramment utilisé à des fins diagnostiques.
Dosage des rétinyl esters sanguins
Ce dosage, effectué pour détecter une hypervitaminose A, doit se faire absolument à jeun pour éviter de quantifier les rétinyl esters nouvellement absorbés et qui circulent en postprandial dans les chylomicrons. Le dosage s’effectue généralement par CLHP sans saponification et la forme circulante principale de rétinyl ester, le rétinyl palmitate, est quantifiée.
Les marqueurs dans le lait maternel
Le dosage de la vitamine A dans le lait maternel est une méthode permettant de prédire le statut vitaminique A de l’enfant nourrit au sein (Rice et al., 2000). À noter que les échantillons doivent être prélevés entre 1 et 8 mois après la grossesse, pour éviter le lait de transition et le colostrum. Le dosage s’effectue par CLHP, comme pour le rétinol sanguin, mais après saponification pour hydrolyser les lipides et les esters de vitamine A et ainsi faciliter la quantification du rétinol.
Les marqueurs tissulaires
La vitamine A est essentiellement stockée dans le foie sous forme de rétinyl esters (rétinyl palmitate principalement) qui sont incorporés dans les globules lipidiques de la cellule de Ito, aussi appelée cellule étoilée du foie. Le foie est le carrefour du métabolisme de la vitamine A. Il stocke environ 90 % des réserves totales de l’organisme en vitamine A et la resécrète, sous forme de rétinol associé à la RBP et à la TTR, pour la distribuer à l’ensemble des tissus de l’organisme quand le besoin s’en fait sentir. La mesure de la concentration de vitamine A dans le foie est donc considérée comme le meilleur marqueur des réserves vitaminique A de l’organisme, utilisable aussi bien pour détecter une carence, une subdéficience ou une hypervitaminose. Les valeurs d’un statut considéré comme adéquat sont comprises entre 20 et 200 μg de vitamine A par g de tissu hépatique. Ce marqueur de référence est toutefois rarement utilisé car il nécessite une biopsie du foie.
Comme rappelé en introduction, la vitamine A est essentielle à la fonction visuelle. Aussi, le statut vitaminique A de la rétine, qui est mesuré indirectement par les méthodes fonctionnelles décrites dans le chapitre suivant, est un très bon marqueur de la carence en vitamine A. Néanmoins, ce marqueur n’est pas sensible à l’hypervitaminose et ne permet pas de détecter des subdéficiences car les teneurs en vitamine A de l’œil ne commencent à être affectées qu’à partir du moment où les réserves de vitamine A hépatiques sont quasi épuisées.
Les méthodes fonctionnelles
Ces méthodes reposent sur le rôle essentiel de la vitamine A dans la vision et dans la physiologie oculaire. Elles sont utilisées dans les pays où l’incidence de la carence en vitamine A est très importante. En effet, comme dit précédemment, les atteintes oculaires dues à une carence vitaminique A ne commencent à se produire que lorsque les réserves hépatiques en vitamine A sont en grande partie épuisées. Il s’agit donc de méthodes peu utilisées en France où la carence en vitamine A reste exceptionnelle.
Examen à la lampe à fente
Il permet de mettre en évidence une carence sévère en vitamine A qui entraîne des signes cliniques au niveau de la cornée. Ces signes sont révélateurs d’une xérophtalmie et ont été classés par un groupe d’experts internationaux en : X1A (xérosis conjonctivale), X1B (tâches de Bitot avec xérosis conjonctivale), X2 (xérosis cornéen), X3A (ulcération cornéenne avec xérosis), X3B (keratomalacie), XN (héméralopie = perte de la vision nocturne), XF (xérophtalmie fundique), XS (cicatrices cornéennes), XB (tâches de Bitot).
Test d’adaptation à l’obscurité
Il permet de détecter l’héméralopie. Celle-ci résulte d’un ralentissement de la régénération de la rhodopsine dans les zones externes des bâtonnets, ce qui conduit à un retard de l’adaptation de ces derniers à l’obscurité. La mise en œuvre est relativement simple, il s’agit d’exposer le sujet à une lumière vive, dans le but d’épuiser la rhodopsine, puis de le mettre dans l’obscurité et de mesurer le temps qu’il lui faut pour percevoir des objets faiblement éclairés. Ce temps est de plusieurs heures pour un sujet carencé alors qu’il n’est que d’environ 30 minutes pour un sujet non carencé.
Tests d’impression oculaire
Il s’agit de prélever des cellules de la conjonctive à l’aide d’un morceau de papier filtre en ester de cellulose appliqué sur celle-ci. En cas de carence, les cellules épithéliales sont aplaties et agrandies, et les cellules à mucus se raréfient ou sont absentes. Ce test est appelé « Conjunctival Impression Cytology » (CIC). Il est peu coûteux et ne nécessite que peu de matériel. Il doit néanmoins être interprété avec prudence dans les régions où sévit le trachome (infection oculaire bactérienne) à l’état endémique. En effet, ce dernier peut induire un CIC anormal. À noter que des modifications de ce test ont été décrites dans la littérature. Il s’agit de l’OIC (Ocular Impression Cytology) et de l’ICT (Impression Cytology with Transfer).
Tests de charge en vitamine A
Les connaissances sur le métabolisme de la vitamine A ont permis d’imaginer plusieurs tests utilisant les propriétés spécifiques de ce métabolisme. Ces tests ont en commun l’ingestion d’une dose de vitamine A (la forme moléculaire et la quantité dépendent du test choisi) et le dosage de certains marqueurs après cette ingestion. Les valeurs de ces marqueurs sont comparées à celles attendues en cas de statut adéquat en vitamine A.
Tests de charge en rétinyl esters (RDR et MRDR)
Le test RDR (relative dose response) (Olson, 1991 ; Verhoef et West, 2005) est basé sur le principe suivant : en cas de déficience en vitamine A, il y a une accumulation de RBP libre (apo-RBP) dans le foie. Si une forte dose de vitamine A est ingérée, la vitamine A qui arrive au foie est tout de suite prise en charge par cet excès d’apo-RBP et est sécrétée très rapidement dans le sang associée au rétinol. On a donc une augmentation transitoire de la rétinolémie (dont le maximum est 5 heures après l’ingestion de la vitamine A) qui est d’autant plus importante que la quantité de RBP libre hépatique, et donc la déficience, est importante. Le test est basé sur deux prises de sang : une à jeun et une 5 heures après l’ingestion d’un supplément de rétinyl acétate ou de rétinyl palmitate (environ 0,45-1 mg) dans une solution huileuse ou dispersé en phase aqueuse. Le résultat est calculé suivant la formule suivante : RDR (%) = (rétinolémie à 5 h – rétinolémie à jeun)/(rétinolémie à 5 h) × 100. Au vu du principe de ce test, on comprend qu’il ne soit pas fiable en cas de pathologie entraînant une malabsorption de la vitamine A, en cas de malnutrition protéique (qui peut entraîner une baisse de synthèse de la RBP) et en cas d’atteinte hépatique (qui peut affecter la captation des chylomicrons transportant la vitamine A nouvellement absorbée et/ou la sécrétion du complexe RBP/rétinol). Il est néanmoins assez couramment utilisé car il a été validé dans de nombreuses études. La valeur RDR indique une déficience, i.e. une concentration hépatique de vitamine A < 20 μg/g, quand elle est > 15-20 %. A noter qu’une étude a montré que des personnes âgées (64 à 72 ans), apparemment en bonne santé et ne présentant pas les pathologies évoquées ci-dessus, avaient une augmentation postprandiale de la rétinolémie supérieure à celle d’adultes jeunes (20 à 30 ans), suggérant une augmentation liée à l’âge de la concentration d’apo-RBP dans leur foie (Borel et al., 1998).
Le test MRDR (Modified Relative Dose Response) (Verhoef et West, 2005 ; Wahed et al., 1995 ; Tanumihardjo et al., 1996) est basé sur le même principe que le RDR, sauf que la vitamine A utilisée est du 3,4-didéhydrorétinyl-acétate. Cette forme moléculaire de vitamine A, appelée vitamine A2, a théoriquement le même métabolisme que le rétinol mais n’est pas normalement présente en quantité importante dans notre alimentation. Le MRDR a été mis au point pour éviter de doser la rétinolémie à jeun et ne nécessite donc qu’une prise de sang 5 h après l’ingestion. La valeur MRDR (ratio du didéhydrorétinol/rétinol 5 h après l’ingestion) est considérée comme indiquant une déficience quand elle est > 0,04.
Test de charge avec des isotopes de la vitamine A
Deux méthodes sont disponibles (Furr et al., 2005). Dans la plus ancienne il s’agit de déterminer l’importance des réserves en vitamine A à partir de la dilution dans l’organisme d’une dose précise de rétinol marqué au deutérium, sur une période d’une vingtaine de jours, après l’administration orale de rétinyl acétate deutéré. Ce test a été validé (coefficients de corrélation > 0,74) par comparaison à des mesures de vitamine A hépatique. Une méthode plus courte, avec mesure du ratio rétinol deutéré/rétinol dans le sérum après trois jours a aussi été validée. Enfin, une méthode plus récente en cours de validation consiste à mesurer le ratio 13C/12C rétinol dans le sérum après ingestion d’une dose de 13C-rétinyl acétate. Bien que ces méthodes soient apparemment très performantes pour estimer le statut vitaminique A, leur utilisation est très limitée à cause de leur coût (obtention des formes deutérées de rétinol) et de l’outil analytique nécessaire (spectromètre de masse).
Test de charge en rétinoyl β-glucuronide
Ce test, relativement récent, a été mis au point chez le rat (Barua et al., 1998) et a été testé chez seulement quelques volontaires. Il s’agit d’administrer du rétinoyl β-glucuronide et de mesurer son degré d’hydrolyse en acide rétinoïque. Il a été montré que le taux d’hydrolyse est fonction du statut vitaminique A, plus il est faible, plus le statut vitaminique A est élevé. Là encore, il s’agit d’un test non validé sur de grandes populations et non utilisé en pratique clinique.
Prescriptions et interprétations
L’évaluation du statut vitaminique A doit être prescrite quand on soupçonne un risque de carence, de subdéficience, ou d’hypervitaminose A. Ce soupçon peut-être causé par l’apparition de signes cliniques de carence ou par les résultats d’une enquête alimentaire suggérant une déficience ou, au contraire, un apport excessif en vitamine A. À noter qu’un apport excessif en caroténoïdes provitaminiques A ne peut pas conduire à une hypervitaminose A car l’organisme régule la conversion des caroténoïdes provitaminique A en rétinol en fonction du statut vitaminique A. Au pire peut-on observer une caroténodermie qui se traduit par une couleur orange des muqueuses (peau orange des bébés qui consomment beaucoup de petits pots à base de carottes), symptôme qui est réversible par retour à une consommation normale de ces pigments végétaux.
Indicateurs à utiliser en cas de soupçons de carence en vitamine A
La carence en vitamine A est fréquente dans les pays les moins avancés (PMA) mais rare dans les pays industrialisés. On peut suspecter une carence en vitamine A dans quatre cas principaux. Premièrement, en cas de carence d’apport, qui peut-être mise en évidence par une enquête alimentaire élémentaire. Deuxièmement, en cas de pathologie entraînant une malabsorption des lipides (mucoviscidose, maladie cœliaque…). Troisièmement, en cas d’hépatopathie (vu le rôle central du foie dans le métabolisme de cette vitamine). Enfin, en cas de carence en protéines et/ou en Zinc (fréquentes dans les PMA) qui affectent la mobilisation de la vitamine A hépatique en diminuant la synthèse de RBP.
Les signes cliniques à observer sont essentiellement des atteintes oculaires (héméralopie, xérophtalmie, voire cécité). On peut aussi observer chez l’enfant des retards de croissance et, chez l’adulte et l’enfant, une sensibilité accrue aux infections. On a aussi des signes moins spécifiques comme des altérations cutanées et une anémie.
Les marqueurs sanguins et tissulaires à utiliser dans un premier temps sont la rétinolémie et la RBP. Il faut néanmoins se rappeler que ces mesures ne sont utiles, au niveau individuel, qu’en cas de carence et non pas en cas de sub-déficience. Par ailleurs, d’autres carences, en protéines et en zinc notamment, peuvent diminuer la RBP et indirectement la rétinolémie. Par ailleurs l’état inflammatoire et certaines pathologies affectent ces paramètres. On considère néanmoins que le sujet est carencé quand la rétinolémie est < 0,35 μmol/L (tableau 3). Dans le doute un test de charge (RDR ou MRDR par exemple) doit être utilisé pour confirmer le diagnostic.
Statut défini en fonction de la rétinolémie pour un adulte jeune, d’après Le Moel et al. (2007). Il faut rappeler que cet indicateur n’est pas très fiable car il est influencé par de nombreux paramètres (cf. texte). Il doit être complété par d’autres marqueurs pour poser un diagnostic définitif.
Indicateurs à utiliser en cas de soupçons de subdéficience vitaminique A
La subdéficience est le statut le plus difficile à mettre en évidence. Il n’y a pas de signes cliniques, et les seuils des indicateurs disponibles permettant de diagnostiquer un état de subdéficience ne font pas l’unanimité car ils dépendent de nombreux facteurs physiopathologiques. Il est évident que la mesure des marqueurs sanguins (rétinolémie, RBP…) n’est pas adéquate et il faut se tourner vers des tests de charge dont les résultats doivent malgré tout être interprétés avec précaution. Si cela s’avère possible l’idéal est de faire un dosage hépatique de vitamine A.
Indicateurs à utiliser en cas de soupçons d’hypervitaminose A
On peut suspecter une hypervitaminose A dans quatre cas principaux. Premièrement, en cas de prise prolongée de suppléments vitaminiques contenant de la vitamine A préformée (pas de problème avec les caroténoïdes provitaminiques comme indiqué précédemment). Deuxièmement, en cas de consommation importante de foie d’animaux ou d’huiles de foie de poisson (les 1er cas d’hypervitaminose A ont été décrits chez des explorateurs polaires qui ont consommé du foie d’ours particulièrement riche en vitamine A). Troisièmement, en cas de carence protéique et/ou de carence en Zinc qui entraînent une diminution de la synthèse hépatique de RBP, ce qui a pour conséquence une accumulation de la vitamine A dans le foie. Enfin, en cas de pathologies pouvant induire une hypervitaminose A : hépatopathies, insuffisance rénale chronique, hypothyroïdie, glomérulonéphrites…
Les signes cliniques à observer sont, chez le nourrisson, une hypertension intracrânienne et le bombement de la fontanelle. Chez l’enfant, une hyperostose anarchique au niveau de l’os long et une soudure précoce des épiphyses. Chez l’adulte, on a une symptomatologie différente en cas d’intoxication aiguë (> 100 fois les apports nutritionnels conseillés) ou chronique. Dans le premier cas, on a des céphalées, une lassitude, des vertiges, une sécheresse des téguments et une diminution de la sécrétion sébacée. Dans le second cas, on a une lassitude, mais on peut également observer des insomnies, des nausées, des vomissements, des diarrhées, des signes cutanés, une hépatomégalie avec hypertension portale et fibrose centroglobulaire.
Les marqueurs sanguins et tissulaires à mesurer sont la présence de rétinyl esters dans le sang à jeun (> 0,2 (molaire), et la concentration de vitamine A hépatique (> 2 mmol/g). On peut aussi observer la variation de marqueurs moins spécifiques comme une augmentation du temps de saignement, une vitesse de sédimentation accélérée, une augmentation du calcium sérique et des marqueurs d’atteinte hépatique (transaminases, phosphatases alcalines).
Conclusion
Les cliniciens et médecins ont à leur disposition différents indicateurs du statut vitaminique A. Le choix de tel ou tel indicateur dépendra de l’état supposé du statut vitaminique, e.g. carencé, subdéficient ou en hypervitaminose, et des possibilités analytiques du laboratoire. Quel que soit l’indicateur choisi, il est nécessaire de bien connaître la capacité de cet indicateur à estimer le statut vitaminique A (figure 1) et les facteurs qui peuvent affecter cet indicateur pour bien l’interpréter. L’utilisation de plusieurs indicateurs différents est souvent nécessaire pour bien évaluer le statut vitaminique A, notamment en cas de soupçons de subdéficience, la méthode de référence restant actuellement le dosage hépatique de la vitamine A.
Figure 1. Capacité des différents signes cliniques et méthodes d’évaluation du statut vitaminique A à estimer différents niveaux du statut vitaminique A. D’après Tanumihardjo (2004). CIC : cytologie d’impression conjonctivale ; RAG : retinoyl β-glucuronide ; RBP/TTR : ratio « retinol binding protein »/« transthyretin » ; RDR : relative dose response ; MRDR : modified relative dose response. En noir, statut pour lequel l’indicateur est adapté. |
Remerciements
Cette revue a été rédigée à l’initiative de la SFVB (Société Francophone Vitamines et Biofacteurs). L’auteur remercie plus particulièrement Gisèle Le Moël et Jean-Claude Guilland pour leur aide précieuse.
Références
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Pour citer cet article : Borel P. Exploration du statut vitaminique A. OCL 2012 ; 19(4) : 216–222. doi : 10.1051/ocl.2012.0457
Liste des tableaux
Apports nutritionnels conseillés en vitamine A pour la population française (Martin, 2001)*
Statut défini en fonction de la rétinolémie pour un adulte jeune, d’après Le Moel et al. (2007). Il faut rappeler que cet indicateur n’est pas très fiable car il est influencé par de nombreux paramètres (cf. texte). Il doit être complété par d’autres marqueurs pour poser un diagnostic définitif.
Liste des figures
Figure 1. Capacité des différents signes cliniques et méthodes d’évaluation du statut vitaminique A à estimer différents niveaux du statut vitaminique A. D’après Tanumihardjo (2004). CIC : cytologie d’impression conjonctivale ; RAG : retinoyl β-glucuronide ; RBP/TTR : ratio « retinol binding protein »/« transthyretin » ; RDR : relative dose response ; MRDR : modified relative dose response. En noir, statut pour lequel l’indicateur est adapté. |
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