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Issue
OCL
Volume 21, Number 2, March-April 2014
Article Number D202
Number of page(s) 6
Section Dossier: Oil crops and supply chain in Africa / La filière oléagineuse en Afrique
DOI https://doi.org/10.1051/ocl/2013040
Published online 05 March 2014

© I. Gharbi et al., published by EDP Sciences, 2014

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1 Introduction

L’olivier appartient à l’ordre botanique des Ligustrales, famille des Oléacées, où l’on rencontre aussi le frêne et le lila. Cette famille comporte un grand nombre d’espèces différentes réparties à la surface du globe (Wallander et Albert, 2000). L’espèce qui est cultivée dans le monde méditerranéen est l’Olea europaea (Lumaret et Ouazzani, 2001) dans laquelle on rencontre l’oléastre ou olivier sauvage, et l’olivier cultivé (Olea europaea sativa) (Amouretti, 2000).

L’olivier se distingue des autres espèces fruitières par sa longue durée de vie. Il a été longtemps considéré comme un arbre rustique produisant des fruits sans l’intervention de l’homme (Conde et al. 2008). L’huile d’olive est le « jus » du fruit de l’olivier, a toujours été extrait par des procédés physiques et simples (lavage, broyage, malaxage, centrifugation et décantation), sous des conditions qui n’entraînent pas son altération. Cette huile est connue depuis de longues dates dans le bassin méditerranéen, où de nombreuses générations lui ont trouvé des vertus incomparables dans les domaines de la santé et l’alimentation.

2 Historique

En Tunisie l’oléiculture est un secteur particulier à plus d’un titre. Il s’agit d’une activité synonyme d’histoire ancienne et récente de la population (Thabet et Mahfoudhi, 2001).

Pendant des milliers d’années, l’huile d’olive a été importante dans toutes les grandes civilisations qui ont prospéré en Tunisie. L’olivier a été cultivé par les Phéniciens, les Grecs, les Carthaginois, les Romains et les Arabes, dans une tradition transmise de père en fils. Les Phéniciens étaient les premiers à introduire la culture de l’olivier en Afrique du Nord (Office national de l’huile, 2007), les autres civilisations méditerranéennes du monde classique ont poursuivi son expansion (Indicateurs macro-économique et agricoles, 2005).

Pendant la période carthaginoise, la culture des olives s’est étendue en accordant plusieurs avantages aux cultivateurs. Les Romains ont continué cette expansion en installant des techniques d’irrigation intensifiée et d’extraction d’huile d’olive (Office national de l’huile, 2007). La collecte des objets archéologiques et ethnographiques certifient l’importance de l’huile d’olive dans la vie de tous les jours et l’art de vivre des peuples à travers l’histoire de la Tunisie (Office national de l’huile, 2007).

3 Importance socio-économique

La branche huile d’olive et ses dérivés est l’une des branches stratégiques de l’économie tunisienne, en raison de ses dimensions sociales et économiques du pays et représente presque 15 % de la valeur totale de la production agricole finale. Le commerce international de l’huile d’olive représente 50 % du total des exportations agricoles, 5,5 % des exportations totales et constitue la cinquième source de revenus en devises du pays.

Le secteur oléicole (oléiculture plus industrie oléicole) fait vivre, directement ou indirectement, plus d’un million de personnes et fournit 34 millions de journées de travail par an, ce qui équivaut à plus de 20 % de l’emploi agricole.

Le nombre d’exploitations agricoles avec une oliveraie s’élevait en l’an 2000 à 236 500, dont 84 % étaient inférieures à 5 ha.

En outre, l’oléiculture contribue largement à l’équilibre régional puisque c’est souvent la seule culture viable dans les zones les moins favorisées. Elle permet de fixer les populations dans des aires qui, d’une autre manière, souffriraient l’impact négatif de l’exode rural (Office national de l’huile, 2007; Indicateurs macro-économique et agricoles, 2005).

4 Ressources et localisation

Les ressources d’olives en Tunisie sont estimées à plus de 65 millions d’oliviers. Adapté aux conditions édaphiques et climatiques de la Tunisie, l’olivier à huile s’étend sur la totalité des terres agricoles et occupe actuellement 1,8 millions d’hectares, soit environ 79 % de la surface consacrée à l’arbotriculture et 34 % des terres labourables (Abdelkafi et Karray, 2001).

Les populations d’oliviers sont présentes dans toutes les régions de la Tunisie, du nord au sud et de l’est à l’ouest. Au Nord et dans certaines zones du Centre, ils sont cultivés en association avec d’autres cultures annuelles (céréales ou arbres fruitiers tels que les agrumes, la vigne ou les amandes) tandis qu’au Sud, ils sont exclusivement cultivés en monoculture (Conseil oléicole international, 2012).

En résumé, les régions Centre et Sud concentrent près de 90 % de la surface cultivée du pays (Indicateurs macro-économique et agricoles, 2005).

Les conditions climatiques de la Tunisie, connues par la faiblesse et l’irrégularité pluviométrique, font de l’olivier une culture essentiellement extensive associant harmonieusement la densité des plantations à la moyenne des précipitations annuelles à savoir :

  • 100 arbres/ha dans le Nord où les précipitations sont de 400–600 mm;

  • 50–60 arbres/ha dans le centre où les précipitations sont d’environ 300–350 mm;

  • 17–20 arbres/ha où les précipitations sont de 200–250 mm.

(Source : Office national de l’huile, 2007.)

La densité des plantations varie également en fonction des conditions culturales des différentes exploitations. La densité moyenne fluctue entre 40 et 100 arbres/ha en régime non irrigué en fonction de l’utilisation qui est faite des olives (production d’huile d’olive ou confiserie); elle est de 240 arbres/ha pour les plantations irriguées (Conseil oléicole international, 2012).

La culture de l’olivier constitue dans la plupart des régions arides et semi-arides la composante principale des systèmes de culture qui y sont développés.

La structure d’âge de l’oliveraie tunisienne se présente comme suit :

  • les jeunes plantations (1 à 20 ans) = 18 %;

  • les plantations en production (20 à 70 ans) = 75 %;

  • les vieilles plantations (plus de 70 ans) = 7 %.

5 Les variétés

La Tunisie est dépositaire d’un riche héritage variétal (Fig. 1) grâce à sa situation géographique, au croisement de nombreuses civilisations, au carrefour des routes commerciales entre l’Orient, l’Afrique et l’Europe, et grâce aux migrations des populations andalouses.

thumbnail Fig. 1

Répartition des principales variétés d’olivier à huile en Tunisie.

Néanmoins, deux variétés, la Chemlali et la Chetoui, sont les principales variétés cultivées en Tunisie, bien qu’il en existe d’autres, dites secondaires, plus spécifiques à de petites régions à l’instar de la Oueslati, la Chemchali, la Zalmati, la Zarrazi, la Gerboui et la Sayali, et encore d’autres variétés cultivées dans des zones plus restreintes. Ces variétés d’olives, selon l’usage auquel elles sont destinées, sont classées en deux types, double aptitude ou olives de table (Tab. 1) (Conseil oléicole international, 2012).

Tableau 1

Principales variétés Tunisiennes (source : Office national de l’huile, 2007).

thumbnail Fig. 2

Les principales variétés tunisiennes. (A) La variété Chemlali; (B) la variété Chétoui; (C) la variété Oueslati; (D) la variété Zarrazi.

6 Classification agronomiques des principales variétés de Tunisie

6.1 Chemlali

Cette variété est cultivée dans zone côtière chaude et dans la basse steppe. Elle est présente dans près de 85 % des plantations oléicoles et participe à plus de 80 % dans la production nationale d’huile d’olive. L’huile produite est peu amère et peu piquante avec parfois une saveur de tomate (Fig. 2A).

6.2 Chétoui

Présente dans la région côtière, les vallées et les hauts plateaux du Nord, cette variété est cultivée dans près de 15 % des oliveraies tunisiennes. Elle produit une huile fruitée, avec un arrière-goût prédominant d’herbe coupée, qui est très appréciée pour sa teneur en composés phénoliques et en antioxydants (Fig. 2B).

6.3 Oueslati

Cette variété est cultivée dans la région de Kairouan. L’huile obtenue est très équilibrée et fruitée, peu amère avec une saveur qui rappelle les amandes fraîches (Fig. 2C).

6.4 Zarrazi

Cultivée dans le Sud, principalement dans les oasis, présentant parfois quelques variations locales, cette variété, outre la production d’excellentes olives de tables, est très appréciée pour sa forte teneur en huile en dépit du fait que sa productivité soit alternante (Fig. 2D).

thumbnail Fig. 3

Capacité de trituration par 24 h (Office national de l’huile, 2007).

7 L’Huile d’olive en Tunisie

7.1 Secteur de transformation

Tableau 2

Production, consommation et exportation d’Huile d’olive tunisienne pour la période 2000–2010 (1000 t) (source : Office national de l’huile, 2007).

L’olivier à huile fait fonctionner un tissu industriel renfermant 1707 huileries ayant une capacité théorique de trituration d’olives de 43 680 t/8 h journalières réparties sur le plan géographique comme suit (Fig. 3) :

  • Nord : 18 % (Tunis, Manouba, Ariana, Ben Arous, Bizerte,Beja, Jendouba, Le Kef, Siliana, Zaghouan, Nabeul);

  • Sahel : 28 % Sahel (Sousse, Monastir, Mahdia);

  • Sfax : 33 %;

  • Centre et Sud-ouest : 15 % (Kairouan, Kasserine, Gafsa, Sidi Bouzid);

  • Sud-est : 6 % (Médnine, Gabès, Tataouine).

Outre le réseau des huileries, ce secteur comprend également :

  • 7 unités d’extraction de l’huile de grignons d’olive dont lacapacité n’est pas pleinement utilisée;

  • 40 unités de conditionnement, d’une capacité annuelle supérieure à 160 000 t, comprenant une douzaines d’unités exclusivement réservées à l’huile d’olive (Office national de l’huile, 2007).

D’après les chiffres de la campagne 2009/10, 65 % de l’huile produite entrait dans la catégorie vierge extra, 5 % dans la catégorie vierge, 10 % dans la catégorie vierge courante et 20 % dans la catégorie lampante (source : questionnaire du COI).

7.2 Production

En volume de production, la Tunisie se trouve au second rang au niveau mondial après l’Union européenne et au quatrième poste par pays après l’Espagne, l’Italie et la Grèce (Indicateurs macro-économique et agricoles, 2005).

Pour 2010/11, la production est estimée à 120 000 t et de 180 000 t pour 2011/12. La production connaît de forts écarts d’une année à l’autre, dus à divers facteurs tels que la productivité alternante caractéristique de certaines variétés, la pluviométrie et les pratiques culturales. L’ampleur de ces oscillations est évidente dans la Figure 4 et le Tableau 2 présentant des productions très faibles (35 000 t en 2001/02) ou très élevées (280 000 t en 2002/03) bien que le volume de production semble stable entre les campagnes 2006/07 et 2009/10.

thumbnail Fig. 4

Production, consommation et exportation d’huile d’olive 2000–2012 (1000 t).

En terme de moyennes sur 10 ans, la Tunisie a produit 172 800 t d’huile d’olive par an sur la période 1990/91–1999/00 qui, comparées aux 150 700 t annuelles des années 2000, correspondent à une baisse de croissance de 12,79 %. Cependant, si l’on se focalise sur les quatre campagnes entre 2005/06 et 2009/10, lorsque la production était en moyenne de 282 000 t/an, la Tunisie occupe le rang de second producteur mondial d’huile d’olive, juste derrière l’Union européenne. Le rendement dans les plantations traditionnelles (non biologiques) était de 600 kg en 2008/09 et de 500 kg en 2009/10 (Conseil oléicole international, 2012).

En matière de qualité de l’huile d’olive, la Tunisie fournit de 25 à 30 % d’huile d’olive extra vierge, teneur particulièrement faible par rapport à celle de l’UE (75 % d’huile extra vierge). Cette prépondérance d’huile de mauvaise qualité dans la production d’huile d’olive en Tunisie est due essentiellement à la faible capacité totale de trituration (22 000 t/j en Tunisie contre 141 000 t/j pour l’Espagne). Cette dernière est de nature à prolonger la durée de stockage des olives avant leur trituration. En effet, la durée d’attente des olives est de l’ordre de 6 jours en moyenne en Tunisie contre un délai de 2,5 jours en Espagne et en Italie. Il est important de signaler également que la capacité de trituration est étroitement liée à la productivité de la cueillette, au nombre d’huileries existantes et au pourcentage d’huileries modernes (chaînes continues). En Tunisie, la cueillette des olives est exclusivement manuelle tandis qu’en Espagne et en Italie la mécanisation de la cueillette est largement utilisée. De même, l’implantation des huileries modernes a connu dernièrement une progression notable en Tunisie (31 % d’huileries modernes en 1999), mais reste relativement faible par rapport aux autres pays concurrentiels de l’UE (70 à 80 % de chaînes continues).

Le deuxième facteur influençant la qualité de l’huile d’olive est le nombre de laboratoires d’analyse et de contrôle. L’existence de ces laboratoires en nombre suffisant est vérifiée en particulier en Espagne et en Italie (à titre d’exemple, laboratoire central pour 10 huileries en Espagne). Ce nombre est faible en Tunisie (4 laboratoires sur tout le pays) (Boudiche et al.,2003).

8 Huile d’olive : consommation sur le marché intérieur et commerce extérieur

Avec une consommation moyenne sur le marché intérieur de 40 000 t au cours des années 2000, les besoins nationaux sont entièrement couverts par la production d’huile d’olive tunisienne. Notons cependant que la consommation d’huile d’olive a chuté de 26,19 % entre les deux dernières décennies (Fig. 4).

En ce qui concerne les exportations, la Tunisie occupe une place de premier plan sur le marché mondial de l’huile d’olive. Elle exporte près de 75 % de sa production et est classée deuxième exportateur mondial après l’Union européenne (Fig. 4), exportant en moyenne 165 000 t/an durant la période (2005–2009), même si les exportations ont effectivement baissé entre les années 1990 et 2000 (–6,02 %).

En moyenne, les exportations de la Tunisie représentaient 77 % des importations italiennes, 79 % des importations espagnoles et 91 % des importations françaises pour la période de cinq ans de 2002 à 2008 (source : Office national de l’huile, 2007). Outre l’Union européenne, les exportations tunisiennes aux États-Unis équivalaient à 12 % des importations d’huile d’olive américaines en 2009.

Les huiles d’olive de la Tunisie ont également investi d’autres marchés comme ceux des pays du Golfe où elles n’étaient pas consommées traditionnellement mais ayant pris conscience de ses bienfaits pour la santé. D’autres pays producteurs tels que le Maroc, la Syrie et la Jordanie ont importé des huiles d’olive tunisiennes lorsque leur propre production s’est avérée insuffisante (source : Office national de l’huile, 2007).

9 Conclusion

En Tunisie, la filière oléicole constitue une composante principale des secteurs agricole et agro-alimentaire. Elle contribue à la réalisation des objectifs nationaux de croissance économique, de sécurité alimentaire, de création d’emploi, d’accroissement des recettes d’exportation et de préservation et de valorisation des ressources naturelles de plus en plus rares et vulnérables. Une attention particulière doit être accordée à l’huile d’olive afin d’avoir une meilleure qualité et un goût plus savoureux. Un grand soin est nécessaire à chaque étape, de la plantation de l’olivier au consommateur final.

Références

  • Abdelkafi M., Karray B. 2001. Avantage comparatif de la production d’huile d’olive en Tunisie. Revue Ezzaitouna 6 : 1–20 [Google Scholar]
  • Amouretti MC, Comet G. 2000. « Le livre de l’olivier », France : Edisud. [Google Scholar]
  • Boudiche S, Bornaz S, Kachouri F. 2003. La competitivite du secteur de l’huile d’olive en Tunisie : prix, qualité et avantage concurrentiel national. New Medit. [Google Scholar]
  • Conde C, Delrot S, Gerosa H. 2008. Biochemical and molecular changes occurring during olive development and ripening. J. Plant Physiol. 165 : 1545–1562. [CrossRef] [PubMed] [Google Scholar]
  • Conseil oléicole international. 2012. Politique – Tunisie. [Google Scholar]
  • Indicateurs macro-économiques et agricoles, Unité 2000–2005. Tunisie. 108/Doc. n° 4 Mise à jour n° 32 Réf. : 29–36. [Google Scholar]
  • Karray B. 2001. Eco-10 La filière huile d’olive en Tunisie : Performances et stratégie d’adaptation. [Google Scholar]
  • Lumaret R, Ouazzani N. 2001. Ancient wild olives in Mediterranean forests. Nature 413 : 700. [Google Scholar]
  • ONH Office national de l’huile, 2007. [Google Scholar]
  • Thabet B, Mahfoudhi L. Secteur oléicole en Tunisie : situation actuelle et éléments de stratégie. Département d’Economie et de Développement Rural, INA, Tunis (Tunisie), Options Mediterranean’s. [Google Scholar]
  • Wallander E, Victor. 2000. Phylogeny and classification of Oleacea based on RPS16 and TRNL-F sequence Data. Am. J. Bot. 12 : 1827–1841. [CrossRef] [Google Scholar]

Cite this article as: Ines Gharbi, Manel Issaoui, Mohamed Hammami. La filière huile d’olive en Tunisie. OCL 2014, 21(2) D202.

Liste des tableaux

Tableau 1

Principales variétés Tunisiennes (source : Office national de l’huile, 2007).

Tableau 2

Production, consommation et exportation d’Huile d’olive tunisienne pour la période 2000–2010 (1000 t) (source : Office national de l’huile, 2007).

Liste des figures

thumbnail Fig. 1

Répartition des principales variétés d’olivier à huile en Tunisie.

Dans le texte
thumbnail Fig. 2

Les principales variétés tunisiennes. (A) La variété Chemlali; (B) la variété Chétoui; (C) la variété Oueslati; (D) la variété Zarrazi.

Dans le texte
thumbnail Fig. 3

Capacité de trituration par 24 h (Office national de l’huile, 2007).

Dans le texte
thumbnail Fig. 4

Production, consommation et exportation d’huile d’olive 2000–2012 (1000 t).

Dans le texte

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