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OCL
Volume 8, Number 6, Novembre-Décembre 2001
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Page(s) | 587 - 592 | |
Section | Dossier : L’avenir des cultures pérennes | |
DOI | https://doi.org/10.1051/ocl.2001.0587 | |
Published online | 15 November 2001 |
Petits planteurs et construction territoriale en Afrique noire : quels enjeux pour les cultures pérennes ?
Département de géographie, Université de Toulouse-Le Mirail, 31058
Toulouse Cedex 1
Les termes de référence de cette conférence ont rappelé l’importance majeure des cultures pérennes pour de nombreux pays en développement. Cette importance n’est pas seulement économique. Elle prend son sens au sein de l’évolution d’un système global où les exigences écologiques de la plante ainsi que les aptitudes bio-climatiques et pédologiques des milieux tropicaux interfèrent avec les conditions historiques du marché mondial, de la formation de sociétés paysannes ouvertes à l’innovation et de la destruction/reconstruction de l’État. Le mouvement d’introduction et de développement des cultures pérennes peut être considéré comme une véritable innovation, voire un fait de civilisation, inscrit dans une longue durée et dont on peut repérer les moments et lieux de l’intégration. Histoire souvent décrite, selon les pays, comme plus ou moins exemplaire, ayant apporté des transformations irréversibles de la société, jusqu’à produire des modèles spécifiques, comme au Kenya le modèle du « petit producteur capitaliste » de la Province centrale, des identités individuelles, à travers le statut de « planteur » comme en Côte d’Ivoire, ou des identités collectives, à travers la proclamation ethnique, comme en pays Bamileke. Réfléchir aujourd’hui sur l’avenir des cultures pérennes dans un contexte de crise nous place bien au cœur des temporalités, complexes, qui animent les éléments du système. François Ruf a bien montré pour le cacao comment la conjonction de facteurs fait passer une région de production, souvent en un très court laps de temps, de l’âge d’or à la crise, comment le transfert spatial des foyers de production vers de nouvelles régions, par une sorte d’accumulation extensive à l’échelle mondiale, a d’une certaine façon occulté, à l’échelle locale ou régionale, les principes élémentaires qui déterminent le cycle de l’innovation. Faut-il rappeler que les cultures pérennes sont des cultures d’exportation, rarement consommées sur le marché national, et que c’est donc de façon indirecte qu’elles participent aux impératifs d’une économie agricole à priorité vivrière. Cela pour dire que l’intégration de ces cultures dans les systèmes de production prend toute sa dimension, son sens - en termes d’innovation - non pas dans leurs procédures techniques ou commerciales propres, particulières, sectorielles, qui déterminent le fonctionnement de la filière, mais dans le rôle qu’elles jouent ou qu’elles ont joué dans le changement social au sens large. Cela pour dire avec plus de précision que l’avenir à long terme des cultures pérennes ne dépend pas d’abord d’un « raffinement » qui serait apporté aux conditions techniques et commerciales du secteur - en termes d’amélioration des rendements, de la compétitivité de la filière, etc. - mais bien de la façon par laquelle elles peuvent ou non accompagner ou relancer un processus plus large de recomposition sociale et territoriale rendu nécessaire par l’épuisement du modèle de développement. En ce sens, on peut dire que l’adoption des cultures pérennes n’a été qu’un préalable, un prélude ou un prétexte à des changements sociaux et territoriaux qui constituent la véritable innovation. La question peut être posée de façon plus brutale, pour l’Afrique du moins. Le développement des cultures pérennes a-t-il acquis une certaine autonomie par rapport à l’évolution des rapports de force au sein des sociétés, ou reste-t-il intrinsèquement subordonné à un moment particulier de leur histoire, rendu aujourd’hui caduc par l’étirement d’une crise paysanne durable ? Cette dernière proposition montre la difficulté dans laquelle nous nous trouvons dans la mesure où elle signifierait que, quelles que soient les améliorations apportées au fonctionnement du marché, la « durabilité » que celles-ci apporteraient aux cultures pérennes ne serait que temporaire et résiduelle, par rapport à des dynamismes qui trouveraient leur ressort ailleurs, dans d’autres types de production. Pour explorer cette question, il paraît utile de revenir sur les conditions du succès des cultures pérennes, mais aussi sur les limites de sa propre logique, et de les replacer dans un certain nombre de transformations qui apparaissent aujourd’hui comme déterminantes. On fera l’hypothèse qu’un nouvel ordre social et territorial est en train de se forger dans le cadre contraignant d’une dérive économique et financière - sinon sociale - qui exacerbe la compétition pour l’accès aux ressources.
© John Libbey Eurotext 2001
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